À l’issue de cinq années de reconstruction et de rénovation, la cathédrale la plus célèbre au monde ouvre de nouveau ses portes sur des lumières architecturales et liturgiques, remodelées, réinventées, et programmées pour répondre à sa double fonction de lieu cultuel et touristique. Des créations lumineuses signées de l’agence Patrick Rimoux.
Notre-Dame de Paris est le plus vaste édifice religieux construit en Europe au XIIe siècle. D’une superficie de 6 000 m², elle s’élève à 69 mètres de hauteur et témoigne d’une véritable prouesse technologique réalisée par les architectes du Moyen Âge. Pour Mgr Olivier Ribadeau Dumas, recteur de la cathédrale Notre-Dame, « la lumière guide non seulement les choix esthétiques, mais aussi techniques, permettant de révéler et de magnifier les trésors architecturaux de cet édifice emblématique ».
Patrick Rimoux éclaire sa première église, si l’on peut dire, en 2017, lorsque l’église Saint-Ignace à Paris est rénovée par l’équipe d’architectes Jean-Marie Duthilleul, Étienne Tricaud et Benoît Ferré et qu’un projet artistique autour de la lumière lui est confié. Patrick Rimoux travaille sur l’ensemble de l’éclairage de l’église, et donne vie aux 52 fenêtres aveugles du triforium, grâce à des « verres de lumière ». « Cette collaboration avec Jean-Marie Duthilleul s’est poursuivie dans la rénovation de nombreuses églises et abbayes où on retrouve la même attention portée au rôle de la lumière, » explique Patrick Rimoux.
Une lumière à la fois architecturale et liturgique
« Il ne faut pas oublier que la cathédrale n’est pas un palais, ce n’est pas un musée non plus ; sa fonction liturgique ne manque pas d’intérêt pour la mise en lumière. L’archevêque souhaitait conserver les lustres à leur place. Ils ont donc été nettoyés et restaurés par Mathieu Lustrerie. L’équipe de l’agence Patrick Rimoux a recréé les “bougies” et les lustres ont été réinstallés sous les arches », commente Patrick Rimoux. Parmi les artistes retenus pour travailler sur la rénovation de Notre-Dame, Mgr Laurent Ulrich a choisi le designer Guillaume Bardet pour créer le mobilier liturgique : « Ce que je poursuis, dans le choix de ces artistes, déclare-t-il, c’est de donner à notre cathédrale un mobilier liturgique d’une “noble simplicité”, qui soit le support le plus respectueux et le plus digne pour notre prière, dans le respect de la liturgie de l’Église catholique, capable de toucher le coeur de chaque visiteur, y compris en dehors des célébrations, et qui peut se recevoir comme durable dans le temps. »
La coupe longitudinale permet de voir la genèse du projet d’éclairage avec les points majeurs tels que le baptistère, l’ambon, l’autel et le tabernacle, oeuvres de l’artiste Guillaume Bardet. Les créations de lumière reposent sur ces éléments fondamentaux liturgiques accentués par l’éclairage. « Une cathédrale, c’est une cage de lumière, ajoute Patrick Rimoux, et Notre-Dame a été construite selon un axe qui laisse passer les rayons du soleil de manière différente selon les saisons. J’ai tout simplement essayé de concevoir la mise en lumière dans le prolongement de cet apport de luminosité solaire dans un bâtiment gothique. Pour moi, l’éclairage doit être à la fois architectural et liturgique. Et grâce à la programmation de la lumière, il sera facile d’atténuer l’éclairage architectural pendant les offices pour intensifier la lumière liturgique. Prenons un exemple : lors de la veillée pascale, l’éclairage général baissera d’intensité et laissera la place à une lumière très chaude (en 2 200 K) et la voûte restera dans la pénombre. »
Le nouveau concept lumière, défini pour exalter la profondeur mystique et architecturale de Notre-Dame, comprend 2 175 points lumineux et 1 400 projecteurs. Cette installation permet une gestion individuelle et centralisée de chaque source lumineuse, offrant une flexibilité sans précédent.
Les variations d’intensité et de température de couleur, allant d’un blanc chaud de 2 200 K, rappelant la lueur d’une bougie, à un blanc froid de 5 000 K, permettent d’adapter l’éclairage aux différentes célébrations et moments de recueillement, tout en diminuant l’intensité des éclairages au sol, par exemple sur les voûtes.
« En dehors des offices, la température de couleur sera maintenue entre 3 000 K et 3 500 K, explique Patrick Rimoux, et on éclairera davantage les parties architecturales de l’édifice. » La programmation de l’éclairage prévoit une dizaine de scénarios dédiés à la mise en valeur de l’architecture, trente séquences liturgiques et dix accompagnements lumineux de concert. Autant de possibilités qui offrent une palette d’ambiances adaptées à chaque occasion, de la célébration solennelle à la contemplation silencieuse, mais aussi en fonction des saisons. « L’idée n’est pas de surcharger le régisseur de la cathédrale avec des scénarios compliqués, souligne Patrick Rimoux. Nous allons définir d’autres programmes de façon à simplifier la gestion de l’éclairage et à rendre ces changements de scénarios les plus automatiques possibles. Tous les réglages ne sont pas terminés : nous devons encore affiner la programmation en accord avec le diocèse pour créer des ambiances lumineuses les mieux adaptées aux différentes cérémonies religieuses en jouant sur les températures de couleur et les intensités. »
Maîtrise d’ouvrage : Diocèse de Paris : Monseigneur Laurent Ulrich, archevêque de Paris ; Monseigneur Olivier Ribadeau Dumas, recteur-archiprêtre
Maîtrise d’œuvre : Philippe Villeneuve, architecte en chef des monuments historiques chargé de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris
Conception lumière : Agence Patrick Rimoux – Shantidas Riedacker, architecte, chef de projet de la cathédrale, Amina Kazouit, architecte, Axel Grollier, designer lumière, Jérémie Rimoux, technicien lumière
Fabricants de matériel d’éclairage : Derksen, Luz e Materia, Zumtobel
Rénovation des lustres : Mathieu Lustrerie
Régisseur éclairage de Notre-Dame : Laurent Prades
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Après des études d’ingénieur, Patrick Rimoux se forme à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris dans l’atelier de Claude Viseux. Sa rencontre avec Henri Alekan est déterminante : il fait de la lumière son médium de travail. Il a monté l’Agence Patrick Rimoux et intervient avec ses sculptures lumière sur des projets urbains et architecturaux pérennes, des événements urbains, des scénographies, mais aussi des éléments de design lumière. Il travaille aussi à partir de pellicules de films 35 mm, toujours sur un support de lumière. Depuis 1986, il signe de nombreuses créations lumière et oeuvres d’art, et des mises en lumière, qu’elles soient pérennes ou événementielles.