Le nouveau musée de Tahiti et des Îles présente les bases culturelles communes des sociétés polynésiennes par grandes thématiques : peuplement des îles, navigation, sacré et marae, rites funéraires, pêche, vie quotidienne, tapa, tatouage, danse et musique. À travers des objets de prestiges ou du quotidien, de sculptures et de textures, le visiteur découvre le patrimoine culturel polynésien dans une mise en lumière signée de l’agence ACL.
Le musée de Tahiti et des Îles (en tahitien, Te Fare IaManaha) est situé en Polynésie française, à Tahiti, à Punaauia exactement, à 15 km de Papeete, à la Pointe-des-Pêcheurs, près de l’embouchure de la rivière Punaruu. Il comprend un terrain couvrant presque 4 hectares entièrement clôturé, donnant sur le lagon de Tahiti. Inauguré en mars 2023, le musée de Tahiti et des Îles a fait peau neuve : nouveaux nom et logo, nouveau lieu conçu par l’architecte Pierre-Jean Picart. L’espace de 1 400 m², entièrement ouvert, a été mis en valeur par le scénographe Adrien Gardère. Les objets, présentés en îlots, invitent à une visite au gré des envies des visiteurs à travers les différents archipels. Pour l’ouverture, une vingtaine d’œuvres polynésiennes emblématiques ont été prêtées par des musées européens (musée du Quai Branly, British Museum et Museum of Archaeology and Anthropology of Cambridge), telles que le maro’ura d’Anaa, la ceinture de plumes des grands Arii, le Ti’i A’a de Rurutu ou encore le Heva Tupāpāu, le costume de deuilleur de la Société. Une salle de conférence ainsi qu’une salle d’exposition temporaire et un parcours ethnobotanique complètent l’offre culturelle du musée.
C’est à l’agence de conception lumière ACL qu’a été confiée la mise en lumière des collections permanentes. « Nous avions déjà travaillé plusieurs fois avec Adrien Gardère, notamment sur le Musée Cluny, et connaissons bien ses scénographies, ce qui nous a permis de nous comprendre rapidement », commente Alexis Coussement.
Le nouveau bâtiment s’ouvre sur les jardins au nord et au sud, et est cadré à l’est et à l’ouest par la montagne sacrée de Tahiti, le Mou’a Puta, et le lagon. La scénographie du musée repose sur l’idée des cinq archipels polynésiens, avec une approche chronothématique pertinente et empreinte de sacré, sur fond d’animisme. Dès l’entrée du musée, le visiteur est entraîné au cœur de la géographie polynésienne qui raconte comment les îles sont apparues, puis il découvre cinq îlots qui présentent, à travers des objets archéologiques, l’histoire et la culture des cinq archipels (qui s’étendent sur plus de 1 800 km). « En nous appuyant sur les matières et les couleurs des objets, nous avons choisi des ambiances plutôt claires, explique Alexis Coussement, qui permettent de créer des jeux de miroirs à la fois pour bien percevoir les détails des objets et pour bénéficier d’une vision de l’ensemble de la muséographie de la grande salle. »
L’ambiance générale de l’espace d’exposition est ainsi modelée par un éclairage de type lèche-mur sur les deux longues parois et par la lumière du jour qui a été filtrée et qui pénètre dans la salle par les deux extrémités. « Mais comme nous sommes très proches de l’Équateur, précise Alexis Coussement, le soleil suit une trajectoire très rectiligne ne laissant pas vraiment passer ses rayons à l’intérieur. Ce qui a eu pour conséquence que nous n’avons pas vraiment été obligés de gérer les entrées de soleil direct, nous avons juste disposé des filtres gris sur les grandes baies vitrées. »
Sculpter par la lumière
Certains objets, très fragiles, comme les tapas (tissus faits d’écorce de palmiers), ne sont éclairés qu’à 50 lux. À l’intérieur des vitrines, logées dans les parois longitudinales qui regroupent les objets les plus précieux et les plus sensibles, de petits projecteurs leds de 1 W diffusants ont été placés dans la partie haute, assez proches de la vitre. « Nous nous sommes efforcés, à chaque fois que cela était possible, ajoute Alexis Coussement, de ponctuer les objets d’accents de lumière pour révéler les matières. Comme la plupart des collections sont en volume, nous avons gardé une certaine souplesse de réglage dans la disposition des projecteurs au plafond : c’est la raison pour laquelle les rails sont installés à 2 m les uns des autres, de façon à pouvoir choisir le plus précisément possible les angles d’attaque. Aux éclairages cadrés, nous avons préféré des lumières ponctuelles, des faisceaux serrés pour mieux mettre en valeur les reliefs et les volumes des objets exposés. »
Ainsi, avec des angles de seulement 6° ou 8°, il a été possible de maîtriser les faisceaux, par exemple en laissant un côté de la sculpture dans la pénombre pour donner envie au visiteur de tourner autour de l’objet. Cependant, quelques cadreurs ont été utilisés (50 seulement pour 300 projecteurs installés au total), dans des situations spécifiques telles que les présentations sous cloche afin de supprimer les reflets.
La cohérence de la lumière et du sacré
« Nous avons réalisé l’étude à partir de la 3D de la scénographie, explique Alexis Coussement, et avons effectué les réglages au dernier moment, en déplaçant les projecteurs sur les rails et en cherchant la meilleure position et l’orientation la plus pertinente. »
Nombreuses sont les sculptures comprenant une dimension sacrée, notamment parmi les statues qui ont été prêtées par les musées européens et qui revenaient sur leur terre d’origine. « C’est une notion très importante, remarque Alexis Coussement, à tel point que le musée a organisé une cérémonie religieuse lorsque ces objets ont été sortis de leurs caisses, comme pour la magnifique sculpture sur bois du dieu A’A ».
De manière générale, les projecteurs mettent en valeur les objets dans leur globalité, tandis que des accents de lumière soulignent les détails, révèlent les reliefs, rehaussent les volumes. L’ensemble de l’exposition baigne dans une lumière ambiante chaleureuse et légère qui accompagne le visiteur tout au long du parcours muséographique.