Avec son panneau photovoltaïque et sa batterie, l’éclairage solaire intéresse sensiblement les collectivités. Quelles sont les économies potentiellement réalisables par ces luminaires autonomes ? Offrent-ils une efficacité, une durabilité et un impact environnemental comparables à ceux des luminaires classiques ? Julien Rapin, du Syndicat de l’éclairage, et Wilfried Kopec, de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), nous répondent.
– Le Syndicat de l’éclairage est la première organisation professionnelle représentant les industriels, et a pour vocation d’affirmer la réalité et le dynamisme du marché français, tant en éclairage intérieur qu’extérieur et dans toutes ses composantes : sources, luminaires, systèmes de gestion de l’éclairage. Il défend les intérêts des fabricants à un niveau national et européen auprès de l’administration, des organismes de la filière, des bureaux d’études, des concepteurs, et noue des partenariats avec ces mêmes institutions. Le Syndicat de l’éclairage représente 7 000 emplois en France. Il accompagne ses adhérents (plus de 50) dans leurs démarches de progrès et d’innovation. L’un de ses principaux axes de communication repose sur l’édition de brochures ou de guides, comme celui concernant les espaces extérieurs ou encore celui sur les bâtiments tertiaires publiés avec l’ADEME. Le Syndicat de l’éclairage a créé un groupe de travail dédié à l’éclairage solaire qui rassemble une dizaine d’acteurs.
– La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) est une association de collectivités territoriales spécialisées dans les services publics locaux en réseau. Créé en 1934, c’est un organisme représentatif et diversifié qui regroupe à la fois des collectivités qui délèguent les services publics à des entreprises et d’autres qui gèrent elles-mêmes ces services publics (régies, SEM, coopératives d’usagers…). Elle accompagne ses adhérents dans l’organisation technique, administrative et financière des services publics locaux en réseau et des activités qui leur sont liées (cartographie numérique et gestion des données, mise en commun de moyens, groupements de commandes, etc.). Elle exprime le point de vue collectif de ses adhérents, notamment lors de la préparation des textes législatifs et réglementaires et dans le cadre de négociations à caractère national avec des entreprises délégataires.
Quelle définition donneriez-vous de l’éclairage solaire dans les espaces urbains ?
Wilfried Kopec – L’éclairage solaire fonctionne grâce à un rayonnement qui capte l’énergie solaire via un panneau photovoltaïque pour la convertir en électricité. Cette énergie est stockée dans des batteries qui s’activent dès le soir tombé pour produire de la lumière. Le matériel se trouve donc complètement dissocié du réseau, ce qui est particulièrement intéressant dans les situations où tirer des câbles pose un problème. Et justement, la plupart du temps, les collectivités font le choix du photovoltaïque pour éclairer des zones où il n’est pas opportun économiquement de relier l’éclairage au réseau. Le matériel évoluant, on a vu récemment apparaître de nouvelles pratiques grâce, notamment, à des solutions mixtes qu’on appelle aussi hybrides : des lampadaires raccordés au réseau et qui pourtant disposent de panneaux et de batteries qui les rendent autonomes. Autre nouveauté : les collectivités font appel au solaire en remplacement de matériels raccordés au réseau. Il s’agit là d’une autre manière de penser l’éclairage public, radicalement différente de ce qui s’est pratiqué pendant des années. Dans tous les cas, la prise de décision doit se faire en toute connaissance de cause, et une étude effectuée par des spécialistes s’impose. En effet, il faut dimensionner une installation d’éclairage solaire capable de fonctionner à longueur d’année, quelles que soient la saison ou les conditions météorologiques. Il faut donc pouvoir bénéficier à la fois de panneaux solaires et de batteries très performants et bien dimensionnés.
Julien Rapin – Le groupe de travail du Syndicat de l’éclairage parle de candélabre solaire autonome. Notre guide donne la définition suivante : « Équipé d’une batterie de stockage qui se charge le jour par la production d’énergie d’un panneau solaire photovoltaïque, l’éclairage solaire est autonome, c’est-à-dire indépendant du réseau électrique ». Wilfried réseau électrique. En effet, tous les arguments en faveur d’un éclairage solaire autonome « pas de tranchée, pas de câble, pas de raccordement réseau, pas de consommation électrique » ne peuvent pas être dupliqués en éclairage hybride ! Et il faut prendre en compte la durabilité des appareils : les candélabres solaires sont composés de panneaux photovoltaïques et de batteries qui ne présentent pas les mêmes durées de vie. Même si le produit solaire inspire plus confiance qu’il y a 10 ans, nous recevons encore beaucoup de questions : sur la durée de vie des produits, leur recyclabilité, leur impact environnemental. Au sein du Syndicat de l’éclairage, les fabricants sont quasiment unanimes : à 25 ans, les fabricants sérieux de panneaux solaires annoncent que le panneau a encore a encore 80 % de son énergie initiale. Sur les batteries, on trouve des durées de vie qui vont de 5 à 25 ans. Qu’ils soient solaires ou raccordés au réseau, les équipements d’éclairage public nécessitent les mêmes maintenances de base : nettoyage, vérification de visserie, etc., sans intervention particulière sur le panneau solaire ; ce qui permet de prolonger leur durée de vie. Quoiqu’il en soit, pour un néophyte, la durée de vie d’un lampadaire solaire est assez complexe à évaluer, aussi nous recommandons aux maîtres d’ouvrage de demander des garanties aux fabricants et des études de dimensionnement de l’installation.
Wilfried Kopec – L’étude s’avère en effet primordiale, car parfois, les collectivités optent pour un éclairage hybride (solaire et en réseau) sans trop mesurer les conséquences économiques d’un tel choix. L’éclairage hybride ou solaire non raccordé ne constitue pas une solution efficace si l’on n’a pas évalué son impact environnemental. La FNCCR a abordé ce sujet dans sa lettre trimestrielle. Nous nous sommes rendu compte qu’il fallait s’interroger sur l’analyse du cycle de vie : est-ce que, à un moment donné, on ne va pas créer un déséquilibre en termes de production de panneaux et de batteries ? Une étude fine permet de comprendre l’intérêt d’installer des panneaux sous certaines latitudes plutôt que d’autres.
Des études, économiques et environnementales, d’éclairage solaire s’imposent afin de dimensionner judicieusement l’installation.” Wilfried Kopec
Cela voudrait-il dire que les maîtres d’ouvrage hésitent encore à franchir le pas du solaire ?
Julien Rapin – Il existe en effet des limites techniques, même si on fonctionne de plus en plus par le rayonnement diffus, car les panneaux ont beaucoup évolué. Le lampadaire solaire produit son énergie par l’irradiation solaire avec une part directe et une part diffuse. Les logiciels de calcul de production solaire intègrent parfaitement ces notions selon la zone géographique, l’inclinaison du panneau solaire, la technologie employée. Et il est possible de dimensionner le panneau solaire dans les cas où il peut manquer quelques heures d’ensoleillement direct. Le contexte énergétique ainsi que les attentes des citoyens font que les communes accueillent favorablement l’éclairage solaire. Effectivement, les communes ont de plus en plus intégré la notion d’éclairer juste pour limiter leur consommation d’énergie. Sachant que plus la consommation d’énergie est réduite et plus la solution solaire autonome devient pertinente, car le dimensionnement en panneau solaire et batterie devient plus économique. En effet, les collectivités diminuent la temporalité de leur éclairage, effectuent des abaissements de puissance plus importants, des coupures en coeur de nuit et intègrent de la détection de présence dans leur projet d’éclairage. L’apport des spécialistes est ici vraiment important. Notre expertise permet de calculer au plus juste l’éclairage solaire pour l’adapter aux différentes applications : circulation douce, parkings, cheminements piétons, pistes cyclables, zones d’activité où la plage d’éclairage est faible, etc. Pour certaines applications, on ne se pose plus la question : par exemple, le candélabre solaire pour éclairer un abribus perdu dans la campagne est une réponse évidente.
Wilfried Kopec – Cet exemple est très intéressant : cela veut dire que les élus font entièrement confiance à la solution solaire. En effet, dans les campagnes, les bus constituent des moyens de transport essentiellement empruntés par les scolaires, donc les enfants ; l’éclairage des abribus doit toujours être en bon état de fonctionnement.
Outre les consommations d’énergie et la sécurité, quels sont les arguments en faveur du solaire ?
Julien Rapin – Le coût global de l’installation entre en jeu, comme dans tout projet d’éclairage public. Nous avons constaté que les collectivités ont diminué leur temporalité d’éclairage et, avec la led, elles sont passées d’un éclairement de 15 lux (en sodium) à 7,5 lux, car la perception de la lumière est différente et cette valeur reste acceptable selon la norme EN 13-201. Lorsque nous, fabricants de solaire, sommes sollicités, il y a systématiquement comparaison avec une installation en réseau, ce qui paraît judicieux pour maîtriser les dépenses de la collectivité. Nous accompagnons les collectivités dans la qualification du besoin d’éclairage et le dimensionnement de leur solution, car bien souvent, elles n’ont pas les moyens techniques de la réaliser elles-mêmes. L’analyse inclut une étude d’éclairement, bien entendu, un scénario d’éclairage élaboré en concertation avec le syndicat d’énergie par exemple, un bilan énergétique qui tient compte de la zone géographique…
Wilfried Kopec – Les communes s’engagent pour 20, 30 ans : il va sans dire que raisonner en coût global devient une obligation. Je pense notamment aux rénovations importantes qui vont se développer grâce aux aides financières mises en place comme le Fonds vert(1) (l’éclairage public représente le deuxième poste de consommation après les bâtiments communaux) et Lum’ACTE. La question du photovoltaïque va se poser, tout comme la mise en place de systèmes d’éclairage intelligent avec tout ce que cela sous-entend en termes de connexions : caméras, recharges de véhicules, détecteurs de présence, etc. Si on sait que le réseau d’éclairage va fonctionner à longueur de journée pour alimenter d’autres services, il n’est peut-être pas opportun d’installer un éclairage autonome. A contrario, l’éclairage intelligent et connecté ne concerne pas toutes les communes, et au sein d’une commune, il ne s’applique pas à tous les quartiers. Même si les communes peuvent bénéficier d’aides financières telles que Lum’ACTE, un programme pour accompagner la rénovation de l’éclairage public, il est difficile, sans étude, d’évaluer la rentabilité de la rénovation.
L’éclairage autonome, une solution durable : le panneau photovoltaïque a encore 80 % de son énergie initiale au bout de 25 ans. ” Julien Rapin
Et s’il s’agit de rénovation d’une installation solaire ?
Wilfried Kopec – Il faut aussi que les fournisseurs « fiables » puissent éventuellement « sauver » les installations dont les produits sont issus de fabricants qui risquent de disparaître du marché d’ici quelques années afin d’éviter de tout changer, y compris le mât. L’esthétisme des luminaires photovoltaïques peut également interroger, surtout lorsqu’une rue entière est équipée. Si l’éclairage solaire s’impose comme la solution la mieux adaptée, la plus efficace et pertinente, c’est évident que l’on ne va pas s’arrêter à ce détail.
Julien Rapin – Cela nous est déjà arrivé de rééquiper, avec notre système de batterie et électronique, un lampadaire solaire qui était mal dimensionné et que nous n’avions pas fourni. Nous nous efforçons, au sein du Syndicat de l’éclairage, de standardiser le plus possible nos solutions, c’est un axe de développement pour tous les spécialistes. Je voulais ajouter que le caractère écologique de l’éclairage solaire dépend aussi de la durabilité et de la recyclabilité des matériels. Par exemple, les panneaux photovoltaïques sont recyclables à environ 95 % : il existe des écoorganismes, comme Soren, qui collectent et recyclent les panneaux solaires. De même, les batteries sont récupérées par des usines pour être revalorisées ; l’ADEME estime que la revalorisation d’une batterie se situe entre 70 % et 80 %. Nous croyons un peu plus à la seconde vie qu’au recyclage pur et dur. Comme je le précisais plus haut, nos batteries en fin de vie ne sont pas complètement hors service, puisqu’à 20 ans, il reste encore 80 % de puissance qui pourraient être réutilisés dans d’autres produits ou applications différentes. En conclusion, je voudrais attirer l’attention sur le fait que l’éclairage solaire n’est pas un concurrent de l’éclairage réseau : les deux technologies ne s’opposent pas, seule une étude affinée permet de faire un choix judicieux et adapté !
Propos recueillis par Isabelle Arnaud