Situé au 6e étage d’un immeuble haussmannien, le 39V surplombe les toits parisiens de l’avenue George V. « Le 39V exhale une agréable impression d’harmonie et fait la part belle aux formes organiques et aux matières nobles comme la soie, le velours ou les matières transparentes », peut-on lire sur le site du restaurant dont l’architecture intérieure est signée du designer Raphaël Navot. En harmonie avec ces teintes et ces matières, les lumières créées par Distylight et orchestrées par Rayflexion.
Le projet 39V a commencé par une rencontre entre Johan Sustrac, concepteur lumière, Distylight, le maître d’ouvrage dont les exigences reposent sur une économie de projet, le chef, Frédéric Vardon et sa cuisine authentique, sincère, durable, et le designer Raphaël Navot avec sa grande sensibilité au détail et aux matériaux bruts. Ils avaient tous des demandes un peu différentes que le concepteur lumière a dû synthétiser en offrant un outil efficace pour le chef, une mise en lumière qui accompagne le design et le mobilier, dans le respect des attentes du maître d’ouvrage, tout en proposant des ambiances lumineuses adaptées et confortables.
Le restaurant 39V combine de multiples sources de lumière, à commencer par la lumière naturelle dont les apports sont très importants et avec lesquels il a fallu composer pour définir l’éclairage artificiel. « Nous savions, dès le début du projet, explique Johan Sustrac, que nous aurions besoin des compétences de Rayflexion pour créer une mise en lumière dynamique avec une grande flexibilité et modularité en fonction des espaces et du moment de la journée, puisque le restaurant est ouvert le midi et le soir. »
Pour Damien Joyeux, fondateur du bureau d’études spécialisé dans la gestion de l’éclairage Rayflexion, « il était essentiel d’être présent dès le début du projet afin de pouvoir anticiper et définir les différents besoins très en amont ». Chaque table, chaque élément a un besoin d’éclairage spécifique qui est adapté en fonction d’une temporalité. « Nous ne voulions pas créer d’effet miroir entre intérieur et extérieur, commente Johan Sustrac. Nous avons donc diminué fortement tous les niveaux d’éclairage de façon à conserver cette ambiance très cosy et la vue nocturne sur les lumières de la ville. » La gradation de l’éclairage reste relativement facile à des niveaux élevés, « en revanche, précise Damien Joyeux, cela devient beaucoup plus complexe de faire une gestion de l’éclairage très fine à de faibles niveaux. Certains réglages ont en effet été effectués à 3 ou 4 %, il est donc nécessaire de choisir la bonne technologie pour descendre aussi bas, surtout avec des typologies de gradation différentes, d’où l’intérêt d’intervenir très tôt dans le projet afin de pouvoir bien choisir le matériel, en particulier les drivers ».
Tout le projet d’éclairage du 39V repose sur le design de Raphaël Navot, avec des teintes chaudes des banquettes, du parquet et des parois. « Notre volonté, poursuit Johan Sustrac, était d’intégrer au maximum le matériel d’éclairage dans l’architecture, car pour nous, un éclairage réussi est un éclairage qui ne se voit pas. » Seule exception, l’espace « table du chef » qui bénéficie d’un éclairage spécifique réalisé avec des suspensions en albâtre, objet lumineux imaginé par Raphaël Navot.
Des espaces délimités par la lumière
La salle de restaurant du 39V comporte un parquet marqueté doté d’un motif original, d’un blond chaud en harmonie avec la teinte brun clair de la banquette, signée de Raphaël Navot, qui s’adosse à la paroi sur toute la longueur de cet espace. Le plafond, dans les mêmes teintes, habillé d’un revêtement textile qui rappelle des fanons de baleine, est ponctué de petits projecteurs sur tiges, disposés par paires et orientés vers les tables. Des encastrés dotés de différents angles (asymétrique et symétrique) mettent en valeur les voilages de la paroi et soulignent les courbes de la banquette en arrière-plan, en éclairage indirect. « Afin de mieux accompagner le design de Raphaël Navot, ajoute Johan Sustrac, nous avons intégré un éclairage linéaire sous la banquette, réchauffant ainsi l’atmosphère tout en lui donnant du relief. »
La partie bar, passage obligé des clients qui arrivent au 39V et vont attendre avant d’être placés, comprend également le comptoir de la caisse. Il fallait par conséquent un éclairage à la fois accueillant et reposant pour patienter, et suffisant pour le règlement. Dans cette zone, on retrouve donc les trois principes d’éclairage définis dans la salle : lumière fonctionnelle directe du plafond, éclairage indirect en sous-face du comptoir et éclairage des parois réalisé ici avec des appliques en albâtre. Côté baies vitrées, des projecteurs sont orientés vers les tables. Le concepteur lumière a opté pour des températures de couleur assez chaudes, allant de 2 400 K à 2 700 K, qui s’accordent harmonieusement avec les tons du mobilier et du parquet.
Dans les cuisines, où un simple changement de sources a été opéré, les tubes fluorescents ont été remplacés par des tubes led de 3 000 K. Les sanitaires sont éclairés discrètement par des rubans led disposés au-dessus des vasques. Dans la zone d’accueil au rez-de-chaussée, où les clients s’enregistrent avant de monter, Johan Sustrac a associé des rubans led aux suspensions en albâtre de Raphaël Navot, offrant un avant-goût de la mise en lumière douce et chaleureuse qui attend le client au restaurant.
Orchestrer la gestion de l’éclairage
« La façon dont on positionne la lumière à l’extérieur, sur la terrasse, va influencer la perception des ambiances intérieures, souligne Johan Sustrac. Mais cela n’est possible qu’avec une gestion de l’éclairage sur mesure que nous avons confiée à Rayflexion. » Damien Joyeux a utilisé un système de gestion Casambi basé sur Bluetooth Low Energy. Casambi fournit un réseau maillé (mesh) où toute l’intelligence du système est répliquée dans chaque nœud, tous les modules communiquent ainsi les uns avec les autres. Ce réseau maillé sans fil auto-organisé peut contrôler un grand nombre de luminaires depuis n’importe quel point. Les puces sont intégrées soit dans les luminaires, soit dans les drivers, soit dans des modules spécifiques. Chaque appareil Casambi a sa propre intelligence et va transférer l’information, sans passer par un point de gestion centralisé. « Avec ce dispositif, il n’est pas nécessaire de tirer des câbles de commande, explique Damien Joyeux. Cette solution offre une très grande souplesse. Pour le restaurant 39V, par exemple, j’ai réalisé la programmation et j’ai laissé la main au gérant du restaurant qui peut intervenir très facilement à partir d’une tablette. » Chaque appareil d’éclairage, spot ou linéaire, peut être piloté individuellement. Damien Joyeux a élaboré plusieurs scénarios avec quatre séquences – jour, soir, nuit et ménage – pour chacun des espaces : bar, salle, table du chef. Le bar bénéficie d’un scénario « fin de soirée ». « Le restaurant peut privatiser la salle, précise Johan Sustrac, et ce séquençage permet au client de choisir un éclairage complètement adapté à son événement. »
Variations à la carte
« Il est possible de déclencher les scénarios de différentes manières, ajoute Damien Joyeux ; par déclenchement horaire, par exemple allumage de la séquence “jour” à 8 h, puis passage au scénario “soir” à 17 h et “nuit” une demi-heure après le coucher du soleil ; ou bien en choisissant un scénario à partir d’une tablette ou d’un smartphone ; l’extinction se fait manuellement. » Les ambiances lumineuses sont modulées en termes d’intensité et de températures de couleur, avec une transition douce entre elles. Une télécommande, pour chaque espace, a également été mise à disposition pour encore plus de souplesse d’utilisation.
« Nous avons défini tous les éléments Casambi nécessaires, et les drivers, puis nous avons effectué les tests in situ avant de donner les synoptiques de principe à l’installateur, explique Damien Joyeux. Notre rôle repose sur ce travail transversal entre le concepteur lumière et l’électricien afin de bien organiser la gestion de l’éclairage. Le bon fonctionnement de la programmation dépend de l’anticipation de l’étude : plus nous travaillons en amont avec le concepteur lumière et plus l’orchestration de la mise en lumière sera efficace. »
Isabelle Arnaud