Parmi les principaux fournisseurs européens de datacenters, Interxion est face aux défis conjoints de l’explosion du trafic internet et de l’obligation de réduire les consommations énergétiques de ses centres de données. Linda Lescuyer, directrice Énergie d’Interxion France, revient sur les principaux enjeux de performance énergétique des datacenters et sur les tendances dans les années à venir.
Quels sont les atouts de la France pour l’hébergement de datacenters ?
Linda Lescuyer – Les datacenters sont à l’origine de 1 % des consommations énergétiques mondiales. La France possède des qualités indéniables, premièrement en raison de la qualité du réseau électrique. Les coupures sont très rares, avec un taux de récurrence inférieur à 0,3 coupures par site et par an. Ce réseau est également très résilient, grâce aux lignes enterrées, qui le rendent résistant aux tempêtes, aux crues ou au gel. Éviter les coupures c’est éviter le recours aux groupes électrogènes, beaucoup plus polluants. Par ailleurs, le réseau français est riche en énergie décarbonée, principalement d’origine nucléaire, mais aussi à 30 % d’origine renouvelable. L’énergie est dix fois moins carbonée en France qu’en Allemagne. Chez Interxion, nous avons fait le choix d’un approvisionnement 100 % renouvelable et de production française pour promouvoir cette filière. Autre atout : la France bénéficie d’un climat tempéré, qui autorise les solutions de freecooling fonctionnant à l’air ambiant. Les soutiens financiers pour l’innovation verte, portés par l’Ademe et les régions, sont un autre atout de taille.
Comment a évolué la performance énergétique des datacenters au vu de l’augmentation des volumes de données dans les cinq dernières années ?
L. L. – Sur les dix dernières années, le trafic internet mondial a été multiplié par 15. Selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) de juin 2020, une stagnation de la consommation énergétique a été observée sur la même période. Cela montre bien que la performance énergétique des data centers a été largement optimisée. On le constate notamment par une évolution du PUE (Power Usage Effectiveness) en France, supérieur à 2 en moyenne il y a cinq ans, il est en moyenne à 1,6 aujourd’hui et atteindra 1.3 dans un proche avenir.
Quelles sont les clés de la performance énergétique des datacenters ?
L. L. – La première clé est liée à l’engagement des acteurs. Le « Climate Neutral Data Center Pact » a l’ambition d’améliorer quatre grands thèmes : réduire le PUE, les consommations d’eau et l’empreinte carbone, et récupérer la chaleur. La profession s’inscrit dans des objectifs à horizon 2030. Le Code de conduite européen liste les bonnes pratiques pour atteindre ces objectifs. Le deuxième levier est technique. Il faut une parfaite maîtrise de l’environnement des serveurs (température, hygrométrie) pour gagner en performance, en réduisant les besoins en refroidissement. Pour cela, il faut un suivi en temps réel pour se rapprocher des limites hautes autorisées et sans prise de risque pour les serveurs. L’innovation est également un enjeu central. À Marseille nous avons réutilisé une ancienne galerie canalisant de l’eau de ruissellement issue des mines de Gardanne, pour récupérer les frigories et créer un système 30 fois plus performant qu’un système de refroidissement classique : la solution River Cooling. La troisième clé est celle de l’optimisation, rendue possible grâce aux compétences de nos équipes. Pour qu’un datacenter soit performant, il faut une véritable expertise des systèmes de froid et d’électricité.
Avec l’arrivée de la 5G et plus largement la digitalisation de pans entiers de l’économie, quelles sont les tendances à moyen terme ?
L. L. – La 5G sera sans doute accompagnée par le développement de datacenters régionaux, mais les datacenters beaucoup plus imposants seront aussi plus nombreux. Dans le numérique, la valeur se crée par l’échange d’informations et les datacenters de taille importante favorisent le regroupement des acteurs et l’échange de données. Ils permettent de rassembler en un même lieu les acteurs qui stockent, ceux qui exploitent, ceux qui traitent la donnée et vont ainsi réduire les temps de latence et les volumes de données échangés.
Propos recueillis par Alexandre Arène