Avec François Gaunand, concepteur lumière, agence Seulsoleil, l’aventure lumière du parc des expositions de la porte de Versailles se poursuit. Une première partie, parue dans Lumières N° 36, vous présentait la Tranche 1 des travaux de cet ambitieux projet parisien. Cette deuxième partie se consacre à la découverte des espaces intérieurs, la passerelle et les façades, l’auvent et le parvis du pavillon 6, les zones logistiques, les cheminements, jusqu’au parking-terrasse.
La difficulté, avec d’immenses projets comme celui orchestré ici par Seulsoleil, est de choisir les mises en lumière dont on va parler : s’en tenir au fonctionnel ? Ne sélectionner que le spectaculaire ? La diversité des espaces, et par conséquent des études d’éclairage, a conduit François Gaunand à travailler aussi bien avec les architectes, Valode et Pistre notamment (voir l’interview de Jean Pistre), les services techniques, les installateurs, les fabricants de matériel d’éclairage, et même en étroite collaboration avec les pompiers du site.
Mais c’est avec un plasticien, Jean-Jacques Pigeon, que s’ouvre le deuxième volet de cette aventure lumière. L’artiste a en effet imaginé une œuvre, « Volutes Végétales », dans le Hub des Services, situé à l’entrée du parc des expositions. Ce point d’informations comprend une réception, un espace bébé et enfants, un Relay et un Daily Monop’, deux blocs sanitaires avec deux escaliers où l’œuvre a été installée. Celle-ci prend la forme d’un arc-en-ciel suspendu constitué de branches ou brindilles, plâtre, pigment, d’émulsion acrylique. Dans un escalier, Jean-Jacques Pigeon a fait appel à des couleurs chaudes et dans l’autre, des couleurs froides. François Gaunand a accompagné les œuvres avec la même déclinaison de teintes de lumière. Elles sont éclairées par des petits projecteurs orientables en contre-plongée montés en appliques et habillés d’un carter. L’éclairage fonctionnel de l’escalier est réalisé par des encastrés miniatures dans la main courante.
L’adéquation de la lumière et de l’architecture
Implanté au cœur du parc des expositions, le pavillon 5, de 22 800 m², constitue, selon l’agence Valode et Pistre, un hall d’exposition urbain qui affiche sa présence dans la ville. Tirant parti de la pente du terrain, les architectes ont superposé deux halls, plateaux libres de 70 m de large, d’une flexibilité totale. Côté ville, la façade, rythme de cimaises d’aluminium et de verrières, est posée sur un puissant socle constitué de strates en béton poli. Sur l’esplanade d’accueil, la façade principale, visible de très loin, est composée d’un écran de ventelles support d’éclairages et d’affichages géants, puis d’une verrière transparente sur les halls superposés. « Ces supports d’information, explique François Gaunand, recouvrent la façade avec des divisions aussi bien verticales qu’horizontales. Il fallait donc trouver un système d’éclairage qui permette de s’adapter à toutes ces configurations possibles. Nous avons utilisé les mêmes appareils que ceux de l’allée centrale avec une photométrie correspondant aux différents cas de figure. »
Pour la façade sud du pavillon 6 (visible du côté du périphérique), là encore, Seulsoleil a proposé un éclairage en complète adéquation avec l’architecture. Valode et Pistre ont conçu un grand volume aux formes arrondies et fluides dont la constitution interne gère de façon simple et évidente la grande complexité du site : sa géométrie aux multiples directions, ses différences de niveaux considérables, ses zones, circuits et accès logistiques enchevêtrés. La façade, blanche et cannelée verticalement, offre une perception variable selon les lumières de la journée. La nuit, elle est ponctuée d’insertions verticales lumineuses dynamiques, déclinées en rouge, bleu (couleurs de Viparis) et blanc, réalisées avec des média-tubes. La lumière se diffuse en douceur dans les lames du bardage de la façade.
Derrière la façade, les 15 000 m² de la surface d’exposition ont été éclairés par les luminaires, utilisés dans les autres pavillons, positionnés selon une trame de 9 m x 9 m. Cet éclairage fonctionne principalement au moment du montage et du démontage des stands d’exposition. Pendant les salons, il peut être modulé pour laisser la place aux dispositifs mis en œuvre par les exposants eux-mêmes. Les services techniques ont la capacité, à la demande des exposants, d’éteindre à l’aplomb de leur stand par simple télécommande. Ainsi, chaque luminaire est contrôlable pour l’allumage, l’extinction ou la gradation.
Rendez-vous technique sur le parvis
Marquant l’entrée du pavillon 6, l’auvent mobile, créé par Jean Nouvel, présente une structure monumentale triangulaire de 70 m x 60 m x 50 m. En pivotant sur sa base grâce à l’action de deux vérins miroitants, la pointe de l’auvent s’élève dans le ciel (à 45°) pour signaler l’imminence d’un nouveau salon. En position basse durant les salons, l’auvent forme une sorte de gigantesque marquise inclinée à 25° par rapport à l’horizontale : ce monolithe d’acier fuselé, recouvert d’une couche transparente en ETFE (éthylène-tétrafluoroéthylène) étend sa protection le plus loin possible vers les visiteurs en approche.
Sous la charpente de la structure sont suspendus 630 pendrillons verticaux avec une face-miroir métallique, et une face tapissée de LED programmables qui offrent un jeu de lumières dynamiques. Leurs longueur (de 1 à 4 m), largeur, orientation et espacement sont tous différents et suivent l’inclinaison de l’auvent : les pendrillons les plus courts à la base s’allongent de plus en plus vers la pointe. Ces journaux lumineux renseignent les visiteurs sur les dates, thèmes, horaires, exposants, à travers des textes colorés défilant doucement de haut en bas.
« Nous avons eu à charge d’éclairer toute la zone publique qui se trouve autour et sous cet objet, détaille François Gaunand. Nous devions répondre à une exigence très particulière des pompiers qui demandaient une tenue au feu à 450° pendant une demi-heure. Nous avons donc conçu un appareil spécifique (développé par Ewo) qui vient s’intégrer sous 60 pendrillons. » Ces luminaires, régulés en DALI, sont dotés d’une optique symétrique et offrent une température de couleur de 3 000 K.
Pour le parvis du pavillon 6, l’équipe de Seulsoleil a par ailleurs imaginé un dispositif d’éclairage sur mât à double feu (développé avec Ewo). « Composé de 6 trains d’optiques étagées éclairant plus ou moins loin, poursuit François Gaunand, le système permet d’envoyer la lumière exactement où l’on veut, car il fallait absolument éviter de venir taper avec la lumière sur les pendrillons. Cette solution répond aux deux situations de l’auvent : positions à 25° et à 45°. Lorsque l’auvent est à 45°, les pendrillons se lèvent et l’éclairage en sous-face recule : le double système optique vient donc éclairer le parvis à ce moment-là. Les luminaires des 5 mâts sont asservis au pilotage de l’auvent : les optiques les plus hautes éclairent plus loin, les plus basses, plus près. »
Pour accompagner la logistique et les cheminements
Artistique, architectural, l’éclairage est aussi fonctionnel et presque sécuritaire. Les terrasses logistiques qui bordent le pavillon 7 à l’est, à l’ouest et au sud, montraient des signes de vétusté très avancée, avec des zones quasiment dans le noir. Ces espaces regroupaient des voies dédiées à la circulation de véhicules, des aires de chargement/déchargement, des rampes d’accès et aussi des escaliers monumentaux qui servent aux évacuations des halls d’exposition. « Le cahier des charges demandait de ne pas utiliser de mâts, précise François Gaunand. Nous avons trouvé des luminaires standards, avec des photométries très différentes pour s’adapter aux endroits où ils étaient installés. »
Toujours dans cette logique d’accompagner la fonction ou l’architecture, Seulsoleil a défini une mise en lumière dynamique pour la passerelle qui part du niveau 1 du pavillon 6 et conduit au parking de l’avenue de la Porte-de-la-Plaine. L’éclairage accompagne la traversée piétonne, un peu comme si la lumière se modifiait au fur et à mesure que l’on avance sur la passerelle. Au plafond, des encastrés, à peine perceptibles, fournissent l’éclairage au sol, tandis que des appliques à émission indirecte ont été conçues spécifiquement pour s’adapter aux poteaux de la passerelle.
Seulsoleil a signé de nombreuses mises en lumière, livrées pour certaines, encore en état de gestation pour d’autres et qui, n’en doutons pas, s’inscriront dans une même adéquation avec les compositions architecturales.