Nawel Creach-Dehouche, conceptrice lumière associée, Cosil Peutz, explique comment les gares du Grand Paris Express, tout à la fois objets architecturaux singuliers et lieux de passage et de transition, bénéficient de mises en lumière inédites.
Dans le projet du Grand Paris Express, les gares font l’objet d’une attention toute particulière. En cours de projet, la maîtrise d’ouvrage a même voulu aller plus loin, en accueillant dans les gares des œuvres d’art, comme une respiration, un moyen de détourner le regard des voyageurs. Nawel Creach-Dehouche, conceptrice lumière associée, Cosil Peutz, en charge de la mise en lumière de cinq gares, exprime l’intérêt du travail avec les artistes et la manière dont l’intégration des œuvres a fait évoluer ses projets.
Comment les artistes ont-ils été intégrés aux projets du Grand Paris Express ?
Nawel Creach-Dehouche – Les premiers artistes sont arrivés il y a environ un an et demi, après le rendu Pro B (étude de projet), sous l’impulsion de la Société du Grand Paris. Une commission a été créée pour choisir les artistes et les répartir sur les différentes gares. Des choix d’œuvres pluridisciplinaires, sonores, lumineuses, plastiques ou visuelles… Une réflexion a été menée par les équipes de maîtrise d’œuvre sur la manière d’accueillir ces projets artistiques. L’intégration des œuvres lumineuses a nécessité un dialogue riche entre l’artiste et l’éclairagiste.
Comment s’est déroulée cette collaboration ?
Nawel Creach-Dehouche – Avec l’un des artistes, nous avons organisé cinq réunions de travail. Mon rôle est de les sensibiliser aux contraintes spécifiques liées à l’éclairage d’une gare, notamment des questions de luminance pour éviter l’éblouissement, de niveaux d’éclairement et de confort visuel. Je me suis également donné pour objectif de trouver une manière de laisser sa place à l’œuvre dans la gare, en adaptant les solutions d’éclairage choisies initialement pour créer un écrin. Sur le projet de la gare d’Issy RER, l’œuvre lumineuse aura pour thème la lumière dynamique et sera suspendue au plafond. Il a donc fallu réduire l’éclairage dans une zone pour éviter la surenchère et permettre aux voyageurs de mieux voir l’œuvre. Dans le grand hall, nous avons retravaillé le projet pour éviter toute interaction entre l’éclairage architectural et la création artistique. Nous avons donc opté pour des encastrés très basse luminance en remplacement des lustres monumentaux prévus pour occuper l’espace du hall. Sur le projet de la gare Villejuif Louis Aragon, l’approche a été différente. L’artiste voulait travailler la lumière colorée et intégrer de la lumière monochromatique dans le hall de la gare, ce qui était compliqué du point de vue de la lisibilité, des repères dans l’espace, des repères visuels et de la réglementation PMR (personne à mobilité réduite). L’artiste a donc repensé son œuvre pour prendre en compte ces contraintes spécifiques.
Quelles sont les particularités du travail avec des artistes ?
Nawel Creach-Dehouche – Je suis sensible à l’art et l’idée de créer spécialement des œuvres pour des lieux donnés me plaît beaucoup. Je trouve cette collaboration très intéressante et enrichissante. C’est un véritable échange et un brassage d’idées qui permettent de faire évoluer ensemble le projet. Le fait d’échanger avec un profil différent du mien, mais qui travaille la même matière est enrichissant. Je me préoccupe davantage de la technique et du confort visuel, ce qui n’est pas dans leurs habitudes. L’intégration de l’œuvre dans la gare doit être fluide, sans poser de problèmes à l’installation électrique, notamment au câblage et aux systèmes de pilotage. Pour le projet d’Issy RER, l’artiste a intégré un élément d’éclairage architectural de la gare (la mise en valeur du verre brisé) dans son processus de création pour assurer une continuité entre l’œuvre et son environnement pour le bénéfice des usagers.
Propos recueillis par Alexandre Arène
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Cette interview fait partie de notre Cahier technique consacré aux gares du Grand Paris Express.