Une disposition de la loi Elan prévoit le transfert au réseau public de distribution d’électricité de l’ensemble des colonnes montantes au plus tard le 23 novembre 2020. En anticipation de cette échéance, Enedis et Qualifelec ont en octobre dernier une convention de partenariat visant à uniformiser leurs processus respectifs de qualification. Principale conséquence : au fil des prochains marchés de travaux sur colonnes électriques, Enedis imposera à ses nouveaux fournisseurs de posséder la qualification Qualifelec LCPT, mention Colonnes Montantes.
On dénombre 1,6 million de colonnes montantes en France, et plus de 137 000 pour la seule ville de Paris. Ce sont des ouvrages de branchement en basse tension, situés entre le coupe-circuit principal et le point de livraison aux utilisateurs. Elles peuvent faire l’objet d’opérations d’entretien et, de temps en temps, de rénovations. En outre, dans certaines situations, des travaux sur colonnes montantes peuvent s’imposer : réhabilitation du logement, renforcement du branchement collectif en vue de fournir une puissance supérieure, ajout d’un point de livraison pour alimenter un utilisateur supplémentaire, déplacement d’une partie des installations de branchement collectif, adaptation à de nouveaux usages (électromobilité, écoquartiers).
La genèse du problème
Avant la loi Elan, 75 % des colonnes montantes à Paris étaient hors concession. L’entretien, la maintenance et les renouvellements étaient à la charge de la copropriété sans qu’elle le sache, ce qui générait énormément de litiges entre les syndics, les notaires et le gestionnaire de réseau de distribution tel qu’Enedis.
Les systèmes en place vieillissants et les renouvellements à apporter ont créé une augmentation de ces litiges qui se résolvaient, dans la plupart des cas, au tribunal.
« L’agrément « Ville de Paris » mis en place permettait à une liste d’installateurs électriciens certifiés d’agir sur ces colonnes montantes. Cette liste était validée pour 10 ans par une commission regroupant Enedis, EDF, Ville de Paris (VDP), des syndicats d’usagers et nous, CSEEE. Devant la redondance des pièces demandées par Qualifelec, Enedis, et VDP, en 2016-2017, nous avons proposé d’harmoniser ce système en mettant en place une formation unique et adéquate, en travaillant avec Enedis, Qualifelec, Formapelec et la Ville de Paris pour, ainsi, pouvoir reconnaître le vrai professionnel capable d’intervenir », explique Patrick Debelut, chargé de missions aux affaires techniques à la chambre syndicale des entreprises d’équipement électrique d’Île-de-France (CSEEE).
La loi Elan du 23 novembre 2018 comprend une disposition relative à « la reprise en concession par le gestionnaire de réseau de distribution (GRD) des colonnes montantes électriques » dans un délai de 2 ans au maximum. Ainsi, à compter du 23 novembre 2020, toutes les colonnes montantes seront intégrées au réseau public de distribution d’électricité (RPD). En tant que GRD, Enedis devra alors en assurer l’entretien ou la rénovation. Les copropriétaires d’immeubles qui le souhaitent ont également la possibilité, notamment par le biais des syndics, de transférer volontairement au RPD les colonnes montantes avant la fin du délai de 2 ans.
La loi Elan de novembre 2018 prévoyait de faire une rétrocession automatique des colonnes à Enedis sans conditions (état de vétusté, par exemple). Il n’était d’ailleurs pas nécessaire d’attendre les deux ans qui étaient prévus par la loi pour faire cette rétrocession. Une AG, sans vote, suffisait. En novembre 2020, toutes les colonnes seront intégrées sans conditions à la concession comme c’est déjà le cas pour le gaz et l’eau. Enfin une avancée depuis 1955.
La loi Elan s’étend de Paris au niveau national ?
Il faut savoir que chaque convention qui a été signée dépendait de la région car Enedis est découpé par régions et chaque région a une concession et une convention signée. Une concession est un regroupement de syndics de plusieurs communes, comme le Sipperec pour l’Île-De-France (115 collectivités). D’ailleurs, le Sipperec a signé sa convention en 1992 en veillant à ce que toutes les nouvelles colonnes qui sortent dès 1992 soient intégrées de facto dans la concession gérée par Enedis. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il y a quand même moins de problèmes en province, à part peut-être pour les grandes villes comme Lyon ou encore Marseille.
Le référentiel de Qualifelec
Un autre point concerne la situation vis-à-vis de Qualifelec : l’entreprise est-elle qualifiée en Logement-Commerce-Petit Tertiaire ? « Pour les entreprises nouvellement créées (moins d’un an d’existence) ou celles souhaitant se lancer dans l’activité colonnes montantes, et qui ne peuvent donc pas justifier de référence de chantier, la qualification et/ou la mention peuvent être obtenues à titre probatoire. Les entreprises ont alors deux ans pour justifier de références de réalisation répondant aux exigences du référentiel de Qualifelec », explique Thierry Grosdidier, responsable du Service technique de Qualifelec.
Le critère d’entrée pour obtenir la mention Colonnes Montantes, en complément de la qualification Logement-Commerce-Petit Tertiaire, est la justification d’un parcours de formation correspondant à cette activité spécifique. Ce parcours de formation comprend impérativement un module administratif et un module technique installateur. Chaque entreprise doit compter au moins un référent technique ayant suivi cette double formation. Il peut s’agir d’une seule personne formée aux deux modules, ou de deux personnes, l’une ayant suivi le module administratif, l’autre le module technique installateur. Dans le cadre de la convention avec Enedis, deux types de justification de formation ont été définis. Selon le niveau d’expérience de l’entreprise, reconnu par Enedis, le justificatif attendu diffère.
En pratique, la convention signée en octobre par Enedis et Qualifelec, pour anticiper l’échéance de novembre prochain, vise à simplifier et progressivement uniformiser le processus de qualification des nouvelles entreprises souhaitant répondre aux appels d’offres Colonnes Montantes d’Enedis (exigences techniques, contenu des formations, traitement des données, réclamations clients, suspension de la qualification…). Concrètement, le dispositif de qualification « Enedis CE (Colonnes Électriques) » est remplacé par la qualification « Qualifelec LCPT mention CMO (Colonnes Montantes) ».
Pour tous les prochains marchés de travaux sur des colonnes électriques, Enedis exigera des entreprises prestataires qu’elles possèdent cette qualification Qualifelec LCPT mention CMO. Enedis se réserve cependant la possibilité d’ajouter une recevabilité technique sur des critères additionnels dans le cadre de ses futures consultations.
Pour les entreprises, les parcours de qualification Qualifelec LCPT mention CMO différeront en fonction des situations : détention d’une qualification LCPT ou non, marché en cours avec Enedis ou non, expérience dans le domaine des colonnes montantes ou non…
Le sésame de la formation
« Il faut distinguer deux éléments importants. Premièrement, Enedis a bien apprécié la démarche de la formation « colonne montante » que nous avons créée avec Formapelec et Qualifelec et testée à Paris. Maintenant, ils la déploient sur tout le territoire, car c’est indépendant d’Enedis et contrôlé par Qualifelec » , explique Patrick Debelut de la CSEEE.
Deuxièmement, lorsqu’il y a des travaux de rénovation, seul les électriciens qualifiés prestataires Enedis peuvent intervenir. Et comment être qualifiés, en répondant à un appel d’offres d’Enedis, et être accepté. L’un des derniers en date est l’appel d’offres de la plaque ouest de l’Île-De-France. Pour Enedis, la région Île-De-France est en effet divisée en « plaques » de région : plaque Ouest, plaque Est et Paris intra-muros. Il faut bien évidemment avoir obtenu la formation « colonne montante » prodiguée par Formapelec, Consuel ou Cahors. Ils ont uniformisé leurs critères de choix et de sélection. »
L’objectif de Formapelec était de répondre à la demande de Qualifelec, à savoir pouvoir mettre en place un système de formation pour qualifier correctement les installateurs, les électriciens, les monteurs mais aussi les chargés d’affaires sur les colonnes montantes afin de garantir un certain niveau de qualité de compétences acquises par les professionnels qui viennent en formation. « La formation que nous avons mise en place est un travail de longue haleine. En collaboration avec la CSEEE, nous sommes partis des constats de la filière portant sur les problématiques rencontrées par les électriciens sur le terrain, et notamment au niveau des relations avec l’exploitant (Enedis), des blocages qu’ils pouvaient rencontrer, des questions qu’ils se posaient et, bien entendu, du cahier des charges fixé par Qualifelec », explique Hervé Jacques, directeur du Développement formation chez Formapelec.
Pour que chaque entreprise puisse se former, Formapelec a créé des formations inter-entreprises, depuis deux sites essentiels, à Lyon et Cachan (région parisienne). « Mais pour externaliser notre savoir-faire au sein d’autres entreprises, nous avons développé cette même formation au format mobile, dans un camion », précise Hervé Jacques.
« Les entreprises déjà titulaires d’un marché Enedis ou celles qui peuvent établir qu’elles ont réalisé plus de 10 chantiers de travaux sur colonnes montantes, attestés par un procès-verbal de réception Enedis, au cours des douze derniers mois, devront justifier de la réussite à deux tests d’évaluation portant sur le volet administratif et le volet technique », précise Thierry Grosdidier, de Qualifelec.
Pour toutes les autres entreprises, la justification de la double formation (module administratif et module technique installateur) sera un prérequis pour l’attribution de la mention Colonnes Montantes (CMO) ou probatoire Colonnes Montantes (PCMO).
Du courant alternatif au courant continu
La gestion des nouveaux systèmes énergétiques comme les panneaux photovoltaïques, le stockage de l’énergie créée et sa redistribution ne pose pas de problème, car il s’agit de raccordements sur la colonne qui seront exécutés par un prestataire homologué Enedis. Le prestataire se chargera de toute l’installation et Enedis se chargera du raccordement sur la colonne.
Il y a deux cas de figure. Soit l’IRVE se branche directement dans le TGBT, c’est du privé, pas besoin de passer par Enedis. Soit c’est du réseau et là, c’est pour Enedis, avec la possibilité de se raccorder sur l’existant en renforçant la puissance du réseau ou alors d’installer un autre tableau indépendant en voirie. Cette deuxième solution est coûteuse pour les propriétaires car cette réfaction est prise en charge à hauteur de 40 % par Enedis (par décret) au prétexte que c’est une extension et non une modification de l’existant.
Le nouveau décret du ministère de la Transition écologique du 24 décembre reprenant les nouvelles normes européennes et l’ouverture du marché fait qu’il n’existe plus de tarif bleu pour le tertiaire, sauf les entreprises de moins de 10 personnes ou de moins de 2 millions d’euros de CA. EDF prend d’ores et déjà contact avec ses clients qui entrent dans cette nouvelle réglementation.
La formation garantit une expertise des compétences et une qualité de travail des professionnels, qu’ils soient électriciens ou chargés d’affaires. L’aspect sous-jacent est la pacification de la relation qui était parfois difficile entre Enedis et les installateurs. Cette formation a permis de résoudre certains dossiers litigieux.
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Questions à Hervé Jacques
Directeur du Développement formations chez Formapelec. hjacques@formapelec.fr
Que peut attendre un installateur de vos formations ?
Le catalogue de formations Formapelec est le plus adapté aux besoins des électriciens. Après plusieurs échanges avec le candidat à la formation, nous lui faisons une proposition de formation, toujours validée en amont par des professionnels, correspondant à ses attentes qui peuvent être multiples. Nous portons une importance particulière sur le contenu de la formation mais également sur l’aspect pratique, la mise en application et, notamment pour les installateurs, sur le savoir-faire et les compétences. Par exemple, l’intégration d’une colonne provisoire en bonne et due forme est le fil conducteur de la formation « colonne montante ».
L’approche que nous avons eue avec la CSEE est de faire en sorte que les modules de formation permettent aux entreprises d’acquérir un niveau de compétences important au regard de ce que peut exiger Qualifelec en termes de qualifications. Notre formation est opérationnelle depuis près d’un an maintenant et est sanctionnée par un test où il faut avoir au minimum 80 % de réussite pour obtenir l’attestation de formation.
Quel est le bilan de la formation colonne montante après 1 an ?
Nous approchons les 100 entreprises formées. Grâce à ces formations et au dossier de qualification, à retirer auprès de Qualifelec, les entreprises peuvent se présenter auprès d’Enedis pour être engagées sur leurs marchés.
Nous avons constaté trois typologies d’entreprises qui utilisent cette formation. La première est représentée par les entreprises qui veulent intégrer les marchés Enedis et qui n’ont ni les compétences ni la qualification. Elles suivent l’intégralité de la formation et passe l’examen. La deuxième est représentée par les entreprises qui ont les compétences, qui ont les références sur les colonnes montantes mais qui ont besoin de la qualification délivrée par Qualifelec pour pouvoir intégrer les marchés Enedis. Celles-ci ne suivent pas la formation mais se présentent iniquement à l’une des sessions d’examen. Enfin, la troisième réunit les entreprises qui travaillent déjà avec Enedis et qui ont besoin de la qualification pour continuer à travailler sur leurs marchés.