Depuis le 10 septembre 2019, le musée d’Orsay invite le public à redécouvrir sa collection exceptionnelle d’œuvres postimpressionnistes (Émile Bernard, Paul Sérusier, Vincent van Gogh, Paul Gauguin, Odilon Redon, notamment). Au 5e étage, neuf salles ont subi une complète rénovation, y compris celle de l’éclairage qui a été confiée à Philippe Collet, concepteur lumière, Abraxas Concepts.
La rénovation de l’éclairage devait par conséquent tenir compte de ces apports de lumière du jour et, pour les espaces qui en étaient privés, créer une mise en valeur lumineuse des œuvres. « La lumière artificielle doit accompagner les tableaux et être travaillée comme un matériau, souligne Isabelle Cahn, conservatrice générale des peintures au musée d’Orsay. Le concept lumineux est une forme d’interprétation des œuvres. Autant l’accrochage relève d’un projet scientifique sur l’histoire de l’art notamment, autant la mise en lumière est le fruit d’échanges entre les conservateurs et l’éclairagiste. » Et ces échanges, Philippe Collet, concepteur lumière, Abraxas Concepts, en a l’habitude puisqu’il intervient au musée d’Orsay depuis presque huit ans.
Respecter l’équilibre chromatique des œuvres
L’éclairage dans les musées pose toujours la question de la subjectivité : doit-on essayer de récréer la lumière dont le peintre bénéficiait lorsqu’il a réalisé l’œuvre ? Ou est-il préférable de s’attacher à la rendre la plus lisible possible par le public et se positionner comme observateur ? Pour Philippe Collet, « il ne faut pas théâtraliser la lumière même si, finalement, nous travaillons la lumière comme au théâtre, mais au lieu de nous appuyer sur un texte ou un acteur, nous nous inspirons de l’œuvre elle-même et des tonalités du tableau pour mieux agir sur les températures de couleur ». Avis que partage Isabelle Cahn : « C’est l’objet principal de nos discussions avec Philippe Collet : il nous faut rétablir un certain équilibre chromatique et trouver un compromis entre les contraintes liées à la préservation des œuvres et les effets que l’on peut obtenir avec les technologies disponibles aujourd’hui. »
Pour Philippe Collet, il ne s’agit pas de « signer un éclairage » mais de mettre la conception lumière au service de l’œuvre et des conservateurs. Autrefois éclairagiste de théâtre, il intervient dans les musées et espaces d’exposition depuis plus de vingt ans. La première étape passe par une phase de conseil auprès des conservateurs afin de déterminer rapidement ce qu’il n’est pas possible de faire.
Ensuite viennent les questions techniques et les critères qui vont permettre de définir les éclairages à mettre en place. « C’est à ce moment-là que se pose la question de l’ambiance chromatique, explique Philippe Collet. Je parle bien d’ambiance comme nous l’avons travaillée à Orsay avec des températures de couleur d’environ 3 500 K (obtenues à l’aide de filtres) sur les murs. Le rendu des couleurs (IRC) est un mauvais critère : aucun des impressionnistes ne cherchait à reproduire les vraies couleurs… » Dans les salles du 5e étage, le concepteur lumière a joué avec les blancs chauds et froids des cadreurs sur les peintures jusqu’à s’approcher le plus possible des teintes qui émanent de la toile.
Derrière le raffinement de l’éclairage se cache une approche sophistiquée
Ces considérations sur le rôle de la lumière dans l’interprétation des œuvres ne sauraient faire oublier les nombreuses contraintes auxquelles est soumis le travail de l’éclairagiste.
« La LED a certainement contribué à modifier notre approche de l’éclairage muséographique, commente Philippe Collet. Le musée d’Orsay, engagé dans une démarche de développement durable, a entamé le remplacement des luminaires d’anciennes technologies, mais avec environ 10 000 projecteurs installés en tout, cela va prendre du temps. » Au fur et à mesure des rénovations, les luminaires LED s’imposent, permettant d’ajuster les niveaux d’éclairement requis aux exigences liées aux matières des objets exposés. Mais l’éclairage n’est pas le résultat d’une « recette ».
« Nous avons de formidables outils à notre disposition, explique Philippe Collet, dont les caractéristiques permettent de répondre à la plupart de nos attentes en termes de niveaux d’éclairement, d’efficacité, de photométrie et de conservation. À ces calculs s’ajoutent les nombreux réglages que nous effectuons sur place, lorsque l’accrochage est terminé. » Ainsi, le cadrage, l’orientation, la pose de filtres – pour corriger mais surtout pour diffuser – s’effectuent directement sur les œuvres. Pour Isabelle Cahn, « la mise en lumière résulte d’un travail collectif auquel participent les conservateurs, scénographes et les éclairagistes en gardant toujours à l’esprit la perception du visiteur. C’est le raffinement de l’éclairage qui va permettre de révéler les œuvres d’art »
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