Les IRVE en question : et si on faisait le plein d’électricité ?

Bornes de recharge Legrand en parking public. (c) Blue2BGreen)

Aujourd’hui, plus de 200 000 véhicules légers électriques circulent en France, dont 50 000 unités mises en circulation au cours des douze derniers mois. Cette progression s’accompagne de projets d’installation d’infrastructures de recharge, mais est-ce suffisant ? La dynamique des infrastructures est-elle lancée ?

Les chiffres sont au vert ! Mais les ambitions de déploiement sont très fortes
Force est de constater que le potentiel est énorme : l’objectif gouvernemental est de disposer de 7 millions de bornes en 2030, contre environ 130 000 installées aujourd’hui.

Benjamin de Tinguy, responsable marketing Offre protection, distribution et stockage de l’énergie France de Legrand, indique que « le marché du véhicule électrique est en pleine accélération, mais qu’il n’est pas encore au rythme effréné qu’on lui prédit, selon différentes études, d’ici 2021. Un démarrage lent car l’offre de véhicules a mis du temps à se diversifier (citadines, utilitaires, etc.) et, en dessous de 300 km, l’autonomie embarquée est apparue insuffisante aux yeux du grand public ». Le marché des IRVE (infrastructure de recharge de véhicules électriques) suit la tendance de celui des véhicules électriques, mais le développement de l’infrastructure doit « passer la seconde », notamment pour rassurer les sceptiques qui hésitent à basculer sur l’électrique, le réseau de charge rapide et publique étant encore trop perçu comme incomplet ou inopérant.

Corinne Frasson, directrice d’EVBox France, souligne également que « les infrastructures de recharge ouvertes au public sont l’une des conditions à l’accélération du développement de la mobilité électrique. Il est indispensable de maintenir cette croissance en continuant à mailler le territoire avec des points de charge publics accessibles afin que les conducteurs de véhicules électriques puissent facilement recharger à chaque étape. Nous ne sommes effectivement qu’au début de la croissance exponentielle de la mobilité électrique ! ».

Installation d’une borne de recharge. (c) EVBox

Jean-Luc Coupez, fondateur de Blue2BGreen, ajoute que l’Europe pousse les déploiements avec des quantités de bornes à installer dans tous les domaines ; par ailleurs, de grands réseaux de distribution d’énergies et de carburant avancent dans l’implantation des stations IRVE, et ce conjointement à l’effort marqué des acteurs automobiles qui ont des projets d’implantation sur le même schéma que Tesla, en déployant des réseaux de recharge rapide, voire super rapide. « Enfin, en 2021-2022, l’arrivée des véhicules électriques d’occasion de la génération 2018-2019, à des tarifs accessibles à de nombreux futurs électromobilistes, conjuguée à l’interdiction de rouler avec des véhicules trop anciens, sera aussi un vecteur de développement », ajoute l’expert.

Station de recharge réseau Ionity. (c) Blue2BGreen

Les évolutions technologiques des bornes de recharge
Pour Benjamin de Tinguy, de Legrand, « la borne d’aujourd’hui est avant tout communicante, il y a 5 ans, beaucoup de bornes étaient “stand alone”. Connectivité, interopérabilité et gestion de puissance sont les points principaux des nouvelles bornes ». La borne rechargeable monétisable même chez soi est une tendance aussi qui va se développer, car dans beaucoup de domaines la notion de propriété stricte est révolue, et c’est avant tout générationnel. Aujourd’hui, on réserve et on monétise son logement, sa voiture, alors oui, la borne aussi, cela va dans le sens de l’histoire et les opérateurs de charge et de mobilité vont y contribuer.

C’est le credo de la start-up francilienne WattPark, qui propose des bornes réservables et monétisables. La borne a aussi des fonctions parcmètre et compteur de flux, et permet à tout intervenant privé – entreprise ou particulier – d’ouvrir au public son point de charge.
Mais attention, prévient Jean-Luc Coupez de Blue2BGreen, « louer sa place » avec la « location du point de recharge » est une solution intéressante, rentabilisant son investissement. Cependant, il y a des règles d’installation à respecter, car si des personnes extérieures au site ou à l’établissement pénètrent pour un service, la propriété privée passe en ERP (établissement recevant du public).

Avec la croissance du nombre de véhicules et usagers, la recharge à destination, dans les hôtels, restaurants, campings, parkings privés, offrira prochainement ces possibilités de réservation et de prépaiement. Les produits communicants sont prêts pour ces fonctions, avec des opérateurs de mobilité ou de service de recharge disposant des outils logiciels ad hoc.

Pour EVBox aussi, la borne est désormais plus intelligente et plus connectée et davantage intégrée à son écosystème grâce aux interactions simplifiées avec le bâtiment. Ainsi, les bornes de recharge EVBox intègrent le protocole de communication EEBus, un standard international de référence en matière d’infrastructure de gestion de l’énergie dans la maison. Grâce à cette interopérabilité, la borne de recharge communique avec les objets connectés de la maison et du bâtiment (photovoltaïque, systèmes de chauffage et de ventilation, domotique…) et participe à l’optimisation de la gestion de l’énergie.

Borne connectée EVBox BusinessLine avec badge. (c) EVBox

Corinne Frasson ajoute que « les progrès en matière de connectivité des bornes sont également à l’avantage de l’installateur. Avec une application sur son téléphone mobile, l’installateur peut enregistrer la borne lors de la mise en service et la paramétrer, à partir de son smartphone en Bluetooth, sans être connecté à Internet ».

Ajoutons que les installateurs de centrales photovoltaïques s’intéressent au sujet et se forment en vue de leur qualification pour installer des bornes de recharge, en complément de leur solution de production d’énergie électrique PV.

Totem de communication avec recharge double VE – 1 APLUS. (c) Blue2BGreen

Vehicle to Grid en expérimentation
« Nous sommes en train de passer d’un système énergétique très centralisé à un système décentralisé avec la montée en puissance des énergies renouvelables et, en conséquence, il est nécessaire de bien contrôler la demande pour s’adapter à la production d’énergies renouvelables. Les infrastructures de recharge permettent et permettront de plus en plus de faire cela », explique Corinne Frasson, directrice d’EVBox France.

Le véhicule deviendra donc source d’énergie pour compenser les appels de puissance d’un bâtiment (Smart Home et Smart Building), ou d’un réseau (Smart Grid). Le futur protocole de communication ISO 15-118 assurera cette fonction de recharge et de réinjection de courant dans le réseau, ce que ne permet pas le protocole de gestion de la recharge actuellement implanté dans les véhicules, mais également dans les bornes de recharge, indique Jean-Luc Coupez.

Les premiers véhicules équipés de chargeurs bidirectionnels associés au protocole ISO 15-118 sont encore à l’état de développement et devraient arriver courant 2022-2023.

L’évolution des batteries fait aussi évoluer les temps de charge et… les IRVE
Les optimisations sur les technologies de batteries ainsi que la recherche sur de nouvelles technologies concourent également à l’évolution des infrastructures de recharge de demain. Si, d’ici 2 à 5 ans, comme l’ont annoncé fin octobre une équipe de chercheurs de Pennsylvanie dans la revue Joule, on est capable de recharger en seulement 10 minutes une batterie lithium-ion sans la dégrader, et de fournir ainsi jusqu’à 400 kW et une autonomie d’environ 300 km, là encore, les infrastructures IRVE seront impactées.

Avec, qui plus est, une montée en performances constante des cellules qui allonge aussi l’autonomie des véhicules. Pour illustration, la Renault ZOE lancée en 2013 avec une batterie 22 kWh est désormais équipée d’un pack de 52 kWh. Un doublement de capacité en seulement six ans, et le tout pour un prix similaire à l’ancien modèle. À suivre, donc, car les évolutions des batteries feront nécessairement évoluer les infrastructures et leur dimensionnement.

Borne Legrand monophasée métal Green’up Premium – Modes 2 et 3, de 3,7 kW à 4,6 kW.

La recharge sans fil, c’est pour demain ?
Le principe est simple, basé sur un champ électromagnétique qui circule entre un pôle émetteur, la borne, et un pôle récepteur ou bobine, qui transmet par un convertisseur l’énergie à la batterie du véhicule. Un principe séduisant puisqu’il supprime le câble, aujourd’hui véritable cordon ombilical entre le véhicule et la borne. Jean-Luc Coupez voit aujourd’hui deux freins majeurs au développement de cette technologie, qui demeure à un stade expérimental : « D’une part, l’induction est possible du sol à la voiture et est pour l’instant unidirectionnelle, d’autre part, le positionnement du véhicule dans l’axe du champ magnétique doit être extrêmement précis pour éviter les dispersions et déperditions. » Et le seul véhicule électrique compatible a été annoncé par BMW en 2018, en option sur la BMW 530e en Allemagne, et est cependant indisponible en 2019.

L’avenir de ce nouveau type de recharge passera peut-être par les routes à induction, on parle aussi de recharge dynamique, un dispositif qui s’appuie sur un revêtement intégrant cette technologie, le véhicule se rechargeant ainsi en roulant sur une bande ou un rail de recharge en continu. Cependant, la chute rapide et conséquente du coût des batteries avec un prix du kWh qui a été réduit par 10 en moins de 10 ans, et qui continue de baisser, pourrait aussi enterrer la technologie, car recharger en roulant, pour limiter la taille des batteries et les arrêts, perdrait beaucoup de son intérêt.


Collectivités, syndics, gestionnaires de flotte : quelle stratégie de déploiement des IRVE ?

« On ne met pas n’importe quelle borne à n’importe quel endroit, pour n’importe quel usage, et dans n’importe quelles conditions », énonce Jean-Luc Coupez de Blue2BGreen.

De ce précepte est né Predibornes, un outil d’accompagnement « en ligne » pour aider au déploiement des IRVE. À partir d’éléments descriptifs du territoire concerné (habitants, zone de chalandise, nombre et type d’installations existantes, pourcentage d’utilisation de la charge rapide estimé dans le futur…) et de l’exploitation commerciale envisagée, il est possible de déterminer un plan de déploiement, une volumétrie, de vérifier l’adéquation au réseau existant et les équilibres économiques d’une exploitation, de contrôler les réponses des candidats à l’exploitation sur le service attendu, le nombre de bornes, la rentabilité économique, voire le profit espéré par le biais d’Occupation temporaire de l’espace public.

Jean-Luc Coupez ajoute qu’une version dédiée va être lancée pour les gestionnaires de flotte et les syndics, car les problématiques sont très différentes. En copropriété, la mise en place d’une IRVE est parfois un véritable parcours du combattant, l’usage d’un outil peut s’avérer très efficace pour fédérer autour du projet.


Comment convaincre les usagers que le véhicule électrique répond à leurs besoins ?

C’est tout l’objectif du portail Je-roule-en-electrique.fr réalisé par l’Avere et qui vient d’être lancé fin octobre avec le soutien du ministère de la Transition écologique et solidaire.

Elisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire lors du lancement du site je-roule-en-electrique.fr, le lundi 28 octobre à l’Hôtel de Roquelaure.

Le site présente toutes les réponses pratiques afin de passer sereinement aux véhicules électriques : modèles disponibles sur le marché, autonomie, recharge, aides proposées. Tous les thèmes clés sont abordés avec des simulateurs très intuitifs démontrant les potentiels et les intérêts de l’électrique, et balayant également des préjugés sur l’inadéquation du véhicule électrique face à un besoin de déplacement.

L’idée du site est donc simple, aider à comprendre si l’usage actuel de la personne est compatible avec les besoins, notamment en termes d’autonomie :
– Comment et où recharger où que l’on soit ? Mais aussi combien de temps prend une recharge et avec quelles prises pour quels usages ?
– Quelles économies peut-on réaliser selon l’usage avec un type de véhicule donné ?
– Quelles aides à l’achat et à l’usage en fonction de mon lieu d’habitation ?


De vraies opportunités sont à saisir maintenant
L’essentiel de la demande de bornes de recharge concerne le marché résidentiel individuel et collectif. Mais les vraies opportunités à court et moyen termes sont dans le tertiaire public et privé – parkings des bâtiments tertiaires et industriels – ainsi qu’auprès des territoires qui équipent leurs espaces publics.

Le marché ne se limite pas à l’installation : les contrats de maintenance sont une obligation pour les aménageurs d’infrastructures de recharge de véhicules électriques accessibles au public, avec un calendrier d’inspection de chaque point à réaliser par un installateur qualifié. « Et comme les produits évoluent, la veille technologique à effectuer par les installateurs électriciens est clé, car la notion de service et de maintenance prend le dessus sur l’installation propre de la borne : la borne est une interface utilisateur qui sera de plus en plus sollicitée, contrairement aux installations électriques traditionnelles », conclut Benjamin de Tinguy, de Legrand.

Jean-François Moreau

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