En matière de transition énergétique, la meilleure des énergies est tout bonnement celle qui n’est pas produite, donc pas consommée. Il y a donc nécessité à ce que l’électricité produite soit pleinement utilisée, à bon escient, et ne se perde pas, quelque part entre le producteur et le consommateur. À ce jour, ce n’est pas d’actualité, une part non négligeable de cette énergie étant perdue pendant son transport. C’est un impondérable technique, mais ce n’est pas une fatalité. La start-up francilienne Check-in green, grâce à sa suite logicielle, fait partie de la solution pour limiter le gaspillage et réduire les coûts induits pour le consommateur.
La circulation de l’électricité sur le réseau de transport génère des pertes, et l’écart entre l’énergie consommée et l’énergie réellement utilisée entraîne des coûts : « Cette électricité qui est considérée comme perdue parce qu’elle n’est pas utilisée est toutefois bien facturée par le fournisseur auprès du client final », souligne Mathieu Perchais, cofondateur de Check-in green. Par ailleurs, cet appel d’énergie inutile perturbe le réseau électrique, « les dysfonctionnements sont là aussi intégrés dans la grille tarifaire du producteur d’énergie ». Ce phénomène est clairement identifié, « il se manifeste en présence de moteurs à cause du déphasage entre l’intensité et la tension des circuits alternatifs ». Une situation qui mérite que l’on se penche dessus, car « elle représente tous les ans, au niveau européen, l’équivalent de la production de quatre centrales nucléaires, soit 48 Twh/an », et qui devrait d’ailleurs s’amplifier « en raison de l’usage toujours plus intensif des composants électroniques ».
Et le problème n’est que partiellement résolu : « Il y a bien des incitations tarifaires d’Enedis pour que les utilisateurs s’équipent de condensateurs, mais le taux d’équipement reste faible et les matériels ne sont pas toujours entretenus. » Les grandes entreprises, quant à elles, ne sont pas concernées, « elles disposent de solutions, qu’elles connaissent, et qu’elles utilisent ». La cible prioritaire de Check-in green sera donc les PME-PMI, « qui ne sont pas forcément au courant du principe des pertes dans les réseaux électriques et qui ont de substantielles économies à réaliser ». Toute l’économie ou presque est concernée, « des dizaines de milliers d’entreprises en France », dans tous les secteurs d’activité, industrie, grande distribution, logistique, y compris les services des collectivités : hôpitaux, lycées, stations d’épuration… Le marché, que défriche la start-up, « représente un montant annuel de 200 millions d’euros* pour le seul territoire français ».
Fondée en 2016 et basée à Orsay, Check-in green se positionne « comme la 1re solution de détection automatique et de réduction des pertes électriques à distance des entreprises ».
Grâce à un effort soutenu de R&D, le projet, qui fut présenté lors de la COP 21 de Paris, « a donné naissance à une plateforme logicielle qui permet à la fois la détection de la surconsommation d’énergie réactive des entreprises et le dimensionnement des matériels pour apporter la correction nécessaire ». Ce service innovant, qui s’appuie sur l’exploitation des données et l’Internet des objets appliqués au monde de l’énergie, positionné entre le fournisseur d’énergie et le consommateur, « est donc une solution complète d’économie d’énergie électrique pour les entreprises qui fait partie intégrante des technologies de Smart Grids ». Effectivement, « l’exploitation de données massives est le point fort de la solution Check-in green ». La start-up qui stocke, traite et analyse l’ensemble des datas, « rajoute les données contextuelles de consommation de [ses] clients ».
Le dispositif, breveté depuis avril 2018, « s’articule autour de quatre étapes : mesure des charges électriques, collecte des données, calcul du facteur de puissance et compensation de l’énergie ». Ces étapes automatisées « évitent les déplacements pour des campagnes de mesure complexes qui pouvaient constituer un verrou technologique et économique à la réduction des pertes dans les réseaux électriques tout en étant chronophages ». La jeune entreprise rend donc possible et rentable cette activité en permettant « d’évaluer à la fois le montant des pertes et la pertinence d’un investissement dans un transformateur, tout en augmentant l’espérance de vie des matériels électriques de 30 % environ ». En d’autres termes, « nous vendons du confort et des économies à nos clients qui savent tout de suite combien ça coûte et ce qu’il y a à mettre en œuvre d’un point de vue matériel, tout en allégeant les contraintes techniques du gestionnaire de distribution électrique ».
Depuis l’Île-de-France, son port d’attache, l’entreprise pousse ses pions en priorité dans les zones sensibles, Bretagne, Sud-Est, « des régions sans installations de production électrique ou qui ne disposent que d’une seule ligne à très haute tension », avant d’attaquer plus tard le blanc de la carte.
Pour conforter sa pérennité économique, la marque Check-in green s’appuie sur deux sources de revenus. La première consiste à commercialiser directement « la supervision de l’énergie réactive aux entreprises, via trois produits distincts, le diagnostic, le service suivi et le service alerte, moyennant une facturation à la prestation ou mensuellement ». La seconde, « pour obtenir un déploiement plus rapide de nos solutions, nous créons un réseau d’électriciens-installateurs pour exploiter notre licence. Celle-ci les autorise à commercialiser notre procédé simple et efficace auprès de leurs clients, à utiliser nos outils de diagnostic et notre savoir-faire, sur une période de quatre ans renouvelable. Nous sommes aussi en mesure de leur garantir qu’un confrère ne va pas exploiter le même procédé sur un même domaine ou secteur géographique ». Une solution qui permet aux électriciens-installateurs de fidéliser leur portefeuille clients avec de nouveaux services innovants.
Arrivé tôt sur un marché en devenir, Check-in green ne s’endort pourtant pas sur ses premiers succès commerciaux. La start-up sait que son avance repose en grande partie sur l’innovation technologique, la seule à pouvoir conserver l’écart, voire le creuser. « Nous renforçons notre offre technologique par de nouvelles briques logicielles qui sont autant de nouvelles fonctionnalités pour nos clients. De nouveaux brevets confirmeront cet effort en R&D », et des extensions sont en cours un peu partout dans le monde, Europe, Inde, Japon, États-Unis et Chine. Histoire de préparer l’avenir de l’entreprise, qui se jouera aussi par-delà nos frontières. Le marché mondial, dans ce domaine précis, « est évalué à ce jour à 4,8 milliards de dollars ».
Olivier Durand