Géothermie, l’énergie renouvelable disponible en permanence

(c) Fotolia

La géothermie en France est encore un peu le parent pauvre des énergies renouvelables… et pourtant les systèmes sont au point et permettent de produire en permanence de l’énergie avec des installations qui, pour les plus anciennes, fonctionnent depuis les années 60. Quelles sont les technologies possibles en 2017 ? Pour quels usages ? comment sont-elles choisies et mises en œuvre ?

Si l’on met de côté l’Ile-de-France qui est la région du monde la plus « géothermisée » puisque 6% de ses habitants sont chauffés par un réseau de chaleur ayant pour base la géothermie, cette ressource renouvelable, pourtant indépendante des conditions météorologiques, n’est pas vraiment valorisée à sa juste hauteur en France.

« En Allemagne et dans les pays Scandinaves c’est 25 à 50 % des PACs installées qui sont des PACs géothermiques, en France c’est seulement à peine 3% du marché », indique Bernard Karpp directeur technique de Stiebel Eltron fabricant Européen de solutions de pompes à chaleur.

Selon le syndicat Uniclima, qui publie des indicateurs du marché Français des PACs géothermiques, la géothermie retrouve des couleurs en cette fin d’année 2016, mais avec au total, seulement 2 700 unités vendues sur l’année.

Plus on creuse, plus on a chaud !

Le rayonnement solaire et les conditions climatiques ont une influence sur la température terrestre des premiers mètres du sous-sol. Au-delà, l’énergie géothermale provient de la chaleur stockée depuis des millions d’années dans l’écorce terrestre.

Le principe technique des installations de géothermie est ensuite lié à la température des aquifères exploités qui augmente en fonction de la profondeur.

À moins de 100 mètres, la température du sol et des aquifères se situe généralement autour de 20°C. Ce type de géothermie, appelé « très basse énergie », nécessite la mise en place de pompes à chaleur pour atteindre une température suffisante pour le chauffage d’habitations ou de bâtiments du secteur tertiaire par exemple.

Entre 30 et 150°C, la « basse énergie » est plus adaptée à une exploitation collective par le biais des réseaux de chauffage urbain.

Au-delà de ce seuil, on parle de géothermie profonde avec des températures situées entre 180°C et allant jusqu’à 300 °C permettent la production d’électricité. « Dans les territoires d’outre-mer, la géothermie à haute température peut permettre, en complément du solaire et de l’éolien, d’atteindre l’autonomie énergétique. En métropole, elle restera relativement marginale, mais la France doit mettre le paquet pour exporter sa technologie », précise Elsa Demangeon, du Syndicat des énergies renouvelables (SER).

Géothermie basse température ou très basse énergie

Lorsque les ressources ont une température inférieure à 30°C, elles ne peuvent être valorisées par simple échange de chaleur. Leur utilisation implique alors la mise en œuvre d’une pompe à chaleur qui en élève ou en abaisse la température pour produire de la chaleur ou du froid. On parle aussi de géothermie très basse température assistée par pompe à chaleur.

« Cela concerne l’exploitation de deux types de ressources : l’énergie présente dans le sous-sol et la chaleur contenue dans l’eau des aquifères souterrains. Pour l’énergie dans le sol, deux grandes approches sont possibles : des capteurs horizontaux répartis et enterrés à faible profondeur, ou bien des sondes géothermiques verticales », explique Bernard Karpp.  Une seule sonde suffit pour un logement individuel mais pour un bâtiment tertiaire d’envergure, c’est un champ de plusieurs dizaines de sondes qui est à disposer.

Les pompes à chaleur peuvent, pour certaines, fonctionner indifféremment en mode eau glycolée / eau – pour puiser la chaleur dans le sol – ou bien en mode eau / eau – pour puiser la chaleur dans les nappes. Les PACs peuvent aussi se connecter en cascade. « Sur notre gamme dédiée au tertiaire, les puissances unitaires sont de 20 à 66kW et nous pouvons mettre en cascade jusqu’à 6 machines pour une puissance de 400 kW », illustre l’expert.

« Les freins au déploiement de ces types de projets sont de plusieurs ordres : tout d’abord la réglementation pour la géothermie de minime importance stipule, en plus des déclarations des règles renforcées, que certaines zones sont désormais non exploitables. En France, certains installateurs y voient un frein, une charge de travail plus importante et préfèrent privilégier des solutions à base de PAC air/eau ou air/air » explique-t-il. Enfin ce type de projet est plus coûteux à l’installation même si sa longévité ainsi que son faible coût en exploitation lui confèrent des atouts indéniables.

La formation est aussi un point important et nécessaire, notamment pour le dimensionnement et la mise en œuvre de l’installation.

Pompe à chaleur Vitocal 300 avec ballon stockage ECS.
(c) Viessmann

Des fondations qui captent la chaleur

Il est possible d’équiper les pieux de fondation en béton des bâtiments avec des capteurs (tubes de polyéthylène placés au coeur du pieu) et de connecter ce système de captage à une pompe à chaleur pour fournir de la chaleur ou du froid au bâtiment. Les pieux permettent d’extraire la chaleur du sous-sol pour satisfaire des besoins de chaleur en hiver, mais aussi d’y rejeter des charges thermiques issues de la production de froid en été. « On parle ainsi de stockage saisonnier, la chaleur de l’été étant emmagasinée progressivement en sous-sol pour être puisé ensuite en hiver », indique Jean-Baptiste Bernard de ECOME.

« La technologie des pieux énergétiques peut être mise en application dans le cadre de la construction de tout type de bâtiment, cependant la possibilité d’exploiter ce potentiel énergétique dépend de la taille et du type de fondations profondes, ces dernières étant déterminées en fonction de la nature du sol et des conditions statiques du bâtiment », poursuit l’expert.

Mise en place d’une sonde dans un pieu de fondation. (c) ECOME

Désormais sous avis technique et bien maitrisée, de gros projets sont en perspective notamment en secteur hospitalier, car cette solution apporte une part significative d’EnR au projet, ce qui la rend très adapté à la RBR2020, conclut-il.

La géothermie qui produit du chaud et du froid en simultané

Quand les usages imposent d’avoir une production simultanée de chaud et de froid, il est possible d’installer des thermo-frigo-pompes ou encore des PACs  6 ou 8 tubes :  deux tubes pour la géothermie, deux pour le chaud et deux pour le froid.

« Sur ces projets, il y a tantôt production de chaud, tantôt de froid et tantôt production simultanée de chaud et de froid, le solde étant en ce cas pris sur la géothermie qui est le pivot de l’installation. Les rendements des PACs dans ce mode de fonctionnement sont proches de 8 », explique Jean-Baptiste Bernard. Plusieurs stations du métro du Grand Paris vont être équipées d’un tel système. Un autre exemple à Cognac où la géothermie sur nappe va refroidir un datacenter, mais également chauffer et/ou refroidir un bâtiment tertiaire. Ici encore, un dispositif de thermo-frigo pompe va être mis en oeuvre, la géothermie servant de pivot à l’installation.


Chauffage et rafraîchissement passif par géothermie, l’exemple du centre de loisirs de Langatte en Moselle

Mis en service depuis bientôt trois ans, ce projet est le fruit des conseils de l’équipe de maîtres d’œuvre et de l’installateur, l’entreprise Laplace, qui ont valorisé ce choix auprès du maître d’ouvrage par rapport à l’autre option basée sur une chaudière propane.

« Le point de départ c’est une étude de la nappe phréatique pour savoir si elle peut alimenter correctement l’installation ». Une fois ce point validé, tout commence donc par un forage effectué par une société spécialisée. L’installateur prend ensuite le relai pour la mise en place des PACs et des accessoires des circuits primaire et secondaires.

Langatte le ballon tampon et deux des trois PACS Stiebel

Trois pompes à chaleur eau/eau Stiebel Eltron ont été installées (puissance unitaire de 86,7 kW et COP machine de 5,6 pour le chauffage), l’ensemble s’appuyant sur trois puits d’aspiration, avec une température d’eau moyenne de 12°C et deux puits de refoulement.

L’installation couvre les besoins de chauffage de l’eau des bassins, de l’air ambiant du bassin, des salles de musculation et du bowling et enfin du circuit plancher chauffant de 810 m². « Le système se charge également de rafraichir les locaux de manière passive et seules les pompes de circulation fonctionnent tout en chauffant l’eau des bassins en été », détaille l’expert.

Une des pompes à chaleur, d’une puissance de 35,3 kW, associée à un ballon de stockage de 1 000 L, est dédiée à la production d’eau chaude sanitaire avec un départ à 75°C afin de pouvoir réaliser les cycles anti-légionnelles quotidiens sans résistance d’appoint.


Géothermie et réseau de chaleur, un couple solide

Une nouvelle géothermie pour le réseau de chauffage urbain de Tremblay-en-France

La nouvelle géothermie, inaugurée le 24 mai, est en service depuis septembre 2016 en remplacement de l’ancienne géothermie mise en place il y a 30 ans. Plus performante, elle dessert le réseau de chaleur existant avec un taux de couverture de près de 80%. D’une longueur de 10 km, le réseau pourvoit les besoins en chauffage et eau chaude sanitaire des logements et des bâtiments raccordés au travers de 61 sous-stations.

Le projet, porté par le Syndicat d’équipement et d’aménagement des Pays de France et de l’Aulnoye (SEAPFPA), a été mené conjointement par IDEX et DALKIA France qui ont constitué une société dédiée pour en assurer la conception et l’exploitation.

« La température de la nappe de prélèvement, située dans le dogger à une profondeur d’environ 1 800 m, est de 73°C. L’eau géothermale captée cède ses calories à l’eau du réseau de chaleur via deux échangeurs calorifiques. Il n’y a pas de mélange entre l’eau géothermale et l’eau du réseau de chaleur.  L’eau géothermale, après avoir cédé ses calories, est réinjectée dans le sous-sol dans le dogger  à 45-50 °C environ, nous avons d’ailleurs une obligation de ne pas rejeter en dessous de 40°C », explique Celia Robert, cheffe de projets de Dalkia, en charge de l’ingénierie du nouveau système.

L’usage de la chaleur est direct, sans pompe à chaleur et les échangeurs de séparation, réalisés en alliage titane pour limiter la corrosion par l’eau géothermale, permettent d’atteindre sur le départ du circuit du réseau de chaleur une température voisine de 72° C.

Aujourd’hui, la centrale a une puissance de 11,8 MW. Deux chaufferies gaz existantes assurent l’appoint et le secours aux abonnés et totalisent une puissance de 26,6 MW.

« La seule consommation électrique est celle des pompes ; la pompe immergée dans le puits de production qui assure un débit d’environ 300 m3/h en hiver et la pompe de réinjection », détaille Celia Robert.

Écran de supervision – boucle géothermale
(c) Pages-Energie

D’autres projets de renouvellement de doublets géothermiques sont en cours ou en extension par exemple à Maison-Alfort, d’autres ont été créés tel Bagneux ou Neuilly sur Marne. « Certains de ces projets intègrent une pompe à chaleur entre le doublet et le réseau de chaleur, soit parce que la température de la boucle géothermale est trop faible (par exemple au Plessis-Robinson le forage est à 1 000 m et la température de la source est aux environs de 35°C), soit parce qu’il est nécessaire de booster l’apport géothermique dans le réseau ce qui permet de limiter en tout ou partie l’appoint gaz », explique Bernard Lamy, directeur technique et grands projets pour Dalkia IDF.

La géothermie portée par les territoires

D’ici 2020, la production d’énergie par géothermie devra être démultipliée, le potentiel de développement est important et ce pour tout type d’installation géothermique. Ce potentiel est cependant conditionné par la situation géologique et la présence d’éventuels aquifère. En ce sens, un appel à projet est en cours en région PACA et l’Ademe IDF en annonce un second cet automne pour la géothermie directe ou avec PAC.

Chantal Jouanno – inauguration de la géothermie de Tremblay (c) Pages-Energie

Chantal Jouanno, vice-présidente chargée de l’environnement et de l’aménagement des territoires pour la Région Ile-de-France a exprimé la volonté forte de soutenir ce type de projet et d’augmenter globalement de 35% les investissements sur les technologies innovantes. Gageons que d’autres régions suivent cette direction.

Jean-François Moreau

 

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