Les populations des zones rurales isolées sont, depuis des décennies, les grandes perdantes des programmes d’électrification de la plupart des pays en développement. Ainsi, en Afrique subsaharienne, seulement 10% des populations vivant en zone rurale bénéficient d’un accès à l’électricité.
Les grands réseaux électriques ne seront jamais une réponse au contexte d’habitat extrêmement dispersé qui caractérise de nombreux pays en développement.
Continuer de vouloir dupliquer là-bas nos modèles de production centralisés, utilisant le plus souvent une énergie chère et polluante est un mirage et une erreur profonde, aussi bien technique qu’économique.
C’est une voie sans issue, impuissante à alimenter des myriades de villages éloignés les uns des autres et ne disposant pas des ressources qui permettraient de rentabiliser des infrastructures lourdes, dont la mise en œuvre est d’ailleurs hors de portée des agendas de la solidarité internationale ou des financements institutionnels.
Partout disponible, l’énergie solaire, par sa souplesse et la légèreté des équipements à mettre en place, est aujourd’hui la seule qui puisse permettre d’apporter rapidement et efficacement l’électricité aux milliards d’habitants qui vivent éparpillés dans des territoires immenses et qui resteront longtemps à l’écart des grands réseaux électriques.
Si l’on remonte aux premières années de développement du photovoltaïque, il faut se souvenir que cette technologie était avant tout perçue comme une énergie pour pays riches.
Mais aujourd’hui l’amélioration des performances et la chute vertigineuse des coûts de production, font de l’énergie solaire une énergie à la portée de tous et désormais concurrentielle des autres énergies, quelles qu’elles soient. Et qui plus est, cette énergie non polluante reste notre meilleure arme contre le changement climatique.
Mais électrifier un territoire ou un village, ce n’est pas se contenter de distribuer des kits solaires aux familles les moins pauvres.
Cette posture est une fausse bonne solution. Elle ne permet pas de répondre aux besoins collectifs élémentaires, l’éclairage d’une école, l’électrification d’un dispensaire ou d’une maternité, ou une vie sociale retrouvée quand la lumière s’installe sur la place du village.
Elle ne permet pas l’accès à une eau de qualité, qu’il faut aller puiser désormais dans des nappes de plus en plus profondes.
Se contenter de distribuer des lampes solaires ne permet pas d’accéder aux outils de la connaissance, ni d’accéder aux moyens de communication, sans lesquels des millions de villages resteront coupés du monde.
Electrifier un village, à notre sens, c’est mettre en place une installation de production communautaire, une ferme solaire couvrant à la fois des usages à but non lucratif (l’éducation, la santé, l’accès à l’eau, la vie sociale), des usages commerciaux, et des usages domestiques.
Au centre de ce modèle, une cheville ouvrière : un opérateur pour entretenir les installations, les développer et offrir de nouveaux services. Il n’y a pas d’électricité sans électricien.
Mais au cœur de la réussite durable de tout projet d’électrification, il est une condition incontournable: la formation.
Là où il n’y avait pas d’électricité il n’y a pas d’électriciens. Il ne peut donc y avoir de projets pérennes, sans transfert de compétences et partage du savoir.
C’est la condition pour que les acteurs locaux s’approprient les projets et maitrisent leur mise en œuvre, tout en veillant à une utilisation rationnelle des équipements.
Avec d’autres ONG, nous avons fait, des années durant, la démonstration de solutions locales éprouvées, fondées sur le recours aux énergies renouvelables, au premier rang desquelles l’énergie solaire.
Son coût désormais accessible, sa facilité de mise en œuvre et sa capacité à répondre à une large échelle de besoins, en font une arme d’électrification massive pour les zones rurales isolées des pays en développement.
Par Jean Pierre Cerdan, secrétaire général d’Electriciens sans frontières