Les entreprises dépendent de centres informatiques ou datacenters, qui traitent, stockent ou échangent de plus en plus d’informations stratégiques, que ce datacenter soit celui d’une entreprise petite ou grande ou celui d’un hébergeur dans le cadre du « cloud computing ». Dans le même temps, les interruptions du réseau sont plus fréquentes et beaucoup plus coûteuses : les ASI (alimentations sans interruption) ou « onduleurs » restent essentiels et évoluent pour suivre les besoins des utilisateurs.
PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE
Après trois années de baisse, la durée de coupure de l’alimentation électrique en France a augmenté de 30 % en 2013, selon les statistiques d’ERDF, pour atteindre un temps moyen par client de 97 min/an. En cause, la recrudescence des aléas climatiques (tempêtes, neige ou orages violents) malgré un plan d’investissement conséquent d’ERDF depuis 2010 pour renouveler les infrastructures. Toutes les régions ne sont pas touchées de la même façon, de 20 min en région parisienne (qui concentre de nombreux datacenters) à 195 min dans le Morbihan. En Europe, ces durées vont de 50 à 250 min. Le coût de ces coupures augmente également fortement : dans un datacenter « cloud » virtualisé, un serveur peut prendre en charge plusieurs applications ; son arrêt peut pénaliser de nombreuses fonctions de l’entreprise ou d’un client. Dans ces conditions, l’installation d’ASI avec leur stockage d’énergie (batteries) reste la règle, mais les besoins et/ou contraintes des utilisateurs évoluent et cela a un impact sur les caractéristiques des ASI : besoin d’un gain en évolutivité, fiabilité et maintenabilité associées à une diminution des coûts d’exploitation (Opex).
Évolutivité des installations et des équipements Pour Stéphane Levillain, directeur Datacenter Business Development EMEA d’Eaton, « les opérateurs de datacenters souhaitent que leurs installations puissent facilement évoluer pour répondre rapidement, et au meilleur coût, à la demande croissante de puissance, avec la nécessité d’une disponibilité proche de 100 % : les systèmes ASI évolutifs sont par définition extensibles. Et cette évolutivité est quasi synonyme de modularité ». Cette modularité peut se faire de deux manières : – au niveau des machines complètes, que l’on peut multiplier en parallèle pour réaliser des installations classées en Tier 1 à Tier 4 suivant leur niveau de disponibilité (modularité horizontale) ; – avec des mod u l e s d e puissance complémentaire qui seront ajoutés dans une armoire conçue pour une augmentation de puissance pendant la vie de l’installation (modularité verticale).
Selon Angel Montilla, Sales Director AC Power d’Emerson Network Power France, « le client recherche une solution très adaptée à son besoin, évolutive pour lisser l’investissement dans le temps, sans “surinstallation” et toujours avec un rendement élevé pour minimiser les coûts de fonctionnement ». De tels ASI sont proposées par presque tous les fabricants jusqu’à des puissances très élevées, dépassant 1 MW par appareil. Mis en parallèle, ces ASI permettent de dépasser 5 MW : de quoi alimenter les datacenters géants.
Ces solutions peuvent présenter un surcoût à l’achat à puissance égale, des tiroirs débrochables ou déconnectables étant plus onéreux. Toutefois, comme le mentionne Hervé Colliot, directeur Prescription d’APC, « de tels tiroirs débrochables “à chaud”, c’est-à-dire lorsque l’équipement est sous tension, améliorent fortement la maintenabilité en réduisant à quelques minutes le temps d’intervention pour changer un module défectueux tout en conservant la protection de la charge. De telles solutions apparues pour des ASI de moyenne puissance (petits et moyens DC) sont aujourd’hui disponibles jusqu’à plusieurs centaines de kW». Des solutions avec des tiroirs déconnectables plus puissants, mais aussi plus lourds à mettre en oeuvre, existent : des tiroirs de 200 kW contenant les fonctions redresseur-onduleur permettent d’atteindre des puissances unitaires de plus de 1,5 MW.
« Le choix d’ASI en technologies complètement modulaires permet aux clients d’évoluer en puissance en rajoutant des modules au fur et à mesure de leur besoin, note Pascal Perrin, groupe Business Developer Datacenters, de Legrand. L’investissement de départ est ainsi limité et les investissements futurs seront nécessaires uniquement si la charge du datacenter augmente. (Fig.1) » Une solution efficace pour éviter les surdimensionnements d’équipements dus à une mauvaise appréciation de l’évolution future des besoins. La charge de beaucoup d’ASI ne dépassait souvent pas 25 à 30 % dans le passé ; un mauvais calcul en termes de rendement. Rendement et fiabilité : des soucis constants De fait, le rendement reste, avec la fiabilité, le souci majeur des exploitants pour minimiser leur facture d’électricité pour des équipements fonctionnant 8 760 h/an. En quelques années, les appareils ont gagné 1 à 2 % de rendement pour atteindre, voire dépasser 96 %. « Cela s’est fait en utilisant de nouvelles technologies à 3 niveaux pour l’électronique du convertisseur et en supprimant dans la plupart des cas le transformateur de sortie encombrant et énergivore », explique Denis Finck, directeur du segment Datacenter de Socomec. Un transformateur qui, pour Angel Montilla, « n’est plus nécessaire, en particulier en régime de neutre TNC ou pour protéger la charge du courant continu en cas de défaut : sa suppression permet ainsi de réduire les pertes de 1 à 1,5 % tout en alimentant des charges de facteur de puissance FP = 1 (kVA = kW) ». Encore un gain pour le client qui n’a pas à se préoccuper d’un éventuel déclassement de puissance en fonction de ses serveurs.
Pour augmenter encore ce rendement et atteindre 99 %, les fabricants proposent plusieurs modes de fonctionnement, souvent appelés écomode : la charge est alimentée par le réseau et bascule automatiquement en quelques millisecondes sur l’onduleur en cas de sortie des tolérances de la tension ou de la fréquence, le client pouvant choisir son mode de fonctionnement. Toutefois, remarque Denis Finck, « peu de responsables d’exploitation prennent vraiment le risque de choisir ce mode économe parce qu’ils craignent toujours un aléa lors de ce transfert ou de la détection de la panne du réseau ».
Une autre solution, pour Éric Rault, responsable des ventes Solutions de Riello Onduleurs, consiste à proposer au client « une fonctionnalité qui permet d’éteindre ou de mettre en veille active un module de puissance automatiquement lorsque la demande est à un niveau bas, tout en maintenant un niveau de redondance N+1. Ce module redémarrera si la puissance du datacenter remonte près du seuil de redondance N+1 ». « Cette solution permet de réelles économies par la mise en veille d’onduleurs lorsque la puissance consommée fluctue fortement ou lors de la montée en puissance d’une salle », confirme Hervé Colliot.
Côté fiabilité, des progrès constants ont été faits, même si la plus grande complexité des systèmes modulaires demande de nouvelles précautions de conception pour éviter les points de défaillance uniques. Stéphane Levillain note « qu’avec le développement du freecooling, la température des salles est désormais plus élevée et moins contrôlée. Il est par conséquent de plus en plus important de prendre en compte le comportement des ASI à des températures plus élevées, par exemple en cas de défaillance du système de refroidissement. Dans un système bien conçu, aucun composant et aucune perte de signal ne devraient conduire à une défaillance critique ». Mais il faut aussi assurer l’accessibilité des composants à changer pendant la vie de l’appareil (condensateurs ou ventilateurs) pour éviter toute fausse manoeuvre, car les opérations de maintenance restent des moments délicats dans la vie d’un datacenter. C’est aussi le cas lors des essais de groupes électrogènes avec des coupures de 20 à 30 s. L’établissement d’un mode opératoire avec le client permet de sécuriser ces opérations. Les batteries aussi évoluent Côté technologie, les batteries au plomb restent, dans 98 % des cas, le moyen de stockage d’énergie. Mais la batterie au plomb de 2014 est nettement plus performante que celle du début des années 2000 (voir encadré). On peut penser qu’elles ont encore de beaux jours devant elles, car si les batteries au lithium présentent des caractéristiques intéressantes (poids, volume, nombre élevé de cycles charge/décharge), elles restent très nettement plus coûteuses que le plomb. En attendant la baisse de leur prix, on reste au plomb. Les ASI ont été l’un des premiers produits concernés en 2008 par un code de conduite signé avec la Commission européenne par les fabricants pour limiter leur impact environnemental. Une nouvelle étape va être franchie avec les travaux d’établissement d’une « empreinte environnementale des produits » (PEP) pour mesurer leurs performances environnementales tout au long de leur vie et élaborer un référentiel unique (voir encadré).
AVIS D’EXPERT
CHRISTOPHE GARNIER, Schneider Electric Environment Standardization ITB
Évaluer l’impact environnemental des produits mis sur le marché européen.
La Commission européenne veut mettre en place une méthode pour évaluer l’impact environnemental de tous les produits mis sur le marché européen (PEP = Profil environnemental produit) : vêtements, équipement électronique, nourriture, papier, mobilier… Des affichages et des mesures s’appliquent déjà sur l’empreinte carbone (CO2) et sur certains produits, mais cette généralisation pourra s’appliquer à tous les produits et tous les impacts environnementaux : impacts sur l’air, sur l’eau, sur la consommation de matières premières… Afin de valider sa méthode publiée début 2013, la Commission a fait appel à des volontaires. Un groupe de fabricants européens d’onduleurs et d’organisations clés dans ce domaine (1), sous la conduite de Schneider Electric, ont déposé un dossier PEP onduleurs, qui a été sélectionné. Ce projet va durer 3 ans et couvrir 3 phases : définition des règles pour calculer l’impact environnemental des produits (2014), application de la méthode et des règles sur les produits des fabricants (2015), et enfin proposition de types de communication de ces impacts environnementaux au public (2016). Une fois la méthode validée, des directives européennes basées sur cette méthodologie PEP seront mises en place pour favoriser les produits avec le moins d’impact possible. Le projet est bien parti grâce aux travaux déjà engagés sur la définition des Product Category Rules, les règles pour encadrer le développement d’ACV, dans différentes instances normatives (IEC) ou associations professionnelles (Cemep). Reste à définir plus précisément l’unité fonctionnelle ainsi que le produit de référence. Les constructeurs sentent vraiment l’intérêt de coordonner leurs efforts afin de définir un cadre le plus précis possible pour mesurer l’impact environnemental des produits.
(1) Lire notre article dans j3e 823, p. 13.
AVIS D’EXPERT HERVÉ MAGGIAR, directeur commercial Europe de l’Ouest-Enersys Reserve Power
Du plomb pur pour des batteries plus performantes
Pour obtenir une meilleure efficacité en décharge, moins d’énergie consommée en floating et plus d’énergie volumique, les batteries à plaques minces en plomb pur (TPPL= Thin Plate Pure Lead) remplacent les batteries au plombcalcium à plaques plus épaisses. Le plomb pur donne des plaques plus résistantes à la corrosion malgré leur faible épaisseur, avec plus de puissance volumique par dm3 (gain de 25 %) et moins de consommation d’énergie lors du maintien en charge. Elles peuvent aussi se stocker chargées plus longtemps, jusqu’à 24 mois, du fait de leur faible autodécharge. Les tests permettent d’envisager une durée de vie de 10 à 12 ans à 20 °C, et ces batteries acceptent des températures plus élevées. Elles sont donc particulièrement adaptées aux datacenters.