Président de la Fédération française du bâtiment. Rassembler les entreprises de bâtiments de toutes tailles afin de défendre efficacement les intérêts collectifs de la profession est la vocation de la Fédération française du bâtiment, que préside Didier Ridoret. Dans un contexte économique extrêmement tendu, face aux enjeux du secteur – notamment la formation des professionnels et la rénovation énergétique des bâtiments existants –, cette vocation prend une force singulière. Confronté à ce climat de très forte évolution et de mobilisation, il nous a livré quelques unes de ses réflexions et attentes.
j3e – France Télévision a diffusé, au cours de son émission « Envoyé spécial », le 30 janvier dernier, un reportage sur les dérives du DPE, notamment le manque de professionnalisme de certains diagnostiqueurs. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Didier Ridoret – Sans avoir vu cette émission, je dirais qu’il est très facile de réaliser un reportage à charge sur une profession. C’est dans la nature humaine, il y a de bons professionnels – j’ai vu beaucoup de DPE très bien faits – et il y en a de moins bons. J’ajouterais que ce métier est récent. Il faut se l’approprier. Vous ne pouvez pas créer une activité ex nihilo et attendre immédiatement un niveau d’expertise et d’expérience exceptionnels. C’est aussi au client final de bien choisir le diagnostiqueur en s’adressant à des professionnels sérieux. Élever le niveau de formation est une bonne idée, sans doute, mais cela réduirait le nombre de ces professionnels et enchérirait le coût du DPE. Si le diagnostiqueur est faible, à nous, entreprises et artisans du bâtiment labellisés RGE, de compenser ensuite en étant force de proposition pour des améliorations de performance énergétique de l’habitat. Mais qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur ce point, la FFB n’encadre pas ce corpus et nos adhérents ne réalisent pas de DPE.
j3e – Vous évoquez les professionnels labellisés RGE. Avez-vous des chiffres sur l’évolution de cette qualification ? Croyez-vous aux 30 000 professionnels labellisés au 1er juillet prochain ?
D. R. – En ce qui concerne le nombre, il y a effectivement un écart entre l’objectif et la réalité (15 000 professionnels sont aujourd’hui qualifiés GE), mais il fallait arrêter une date pour motiver les entre- prises et les artisans à s’engager dans la
voie. Nous constatons aujourd’hui une augmentation extrêmement forte du nombre de stagiaires Feebat. Tous nos organismes de formation sont en flux tendu sur le stage Feebat(1), raison pour laquelle nous avons passé un accord de partenariat avec Point P. Ce groupe nous accompagne pour répondre à notre préoccupation quant au nombre de for- mateurs disponibles.
(1)66 000 stagiaires depuis 2008
j3e – Les professionnels comprennent- ils bien l’objectif au-delà de l’obtention du label RGE ?
D. R. – Comme pour le DPE, tout le monde n’a pas le même degré d’expertise. Certains professionnels l’ont compris et sont très impliqués. Ils sont labellisés RGE depuis de nombreux mois ou même plusieurs années, quand d’autres « attendaient de voir » et ne s’engagent dans la formation qu’aujourd’hui. N’oubliez pas que l’éco-conditionnalité est un choc pour toute la filière. Il faut que nos entreprises et artisans s’habituent à être force de proposition vis-à-vis des clients. Le marché va se mettre en place, et je suis convaincu que nos professionnels sau- ront faire face. Bien sûr, cela suppose de connaître les solutions disponibles sur le marché, le savoir-faire en matière de mise en œuvre, les retours d’expériences… Il faudra du temps avant d’atteindre un rythme de croisière. Cela dit, le mouvement est lancé, il y a une forte appétence pour la formation Feebat, et la communication faite autour de cette qualification RGE par les différents médias crée un mouvement que je trouve extrêmement positif.
Révision de la liste des Ecap
Le 7 janvier dernier, Didier Ridoret était reçu par Marie-Arlette Carlotti, ministre en charge du Handicap. Parmi les sujets abordés, celui de la liste des emplois à conditions d’aptitudes particulières (Ecap), que les pouvoirs publics envisageraient de réviser, voire de supprimer. La Fédération française du bâtiment s’est inquiétée de ce possible changement, certaines branches du bâtiment, notamment le gros œuvre, guère adaptables, selon elle, à des personnes en situation de handicap. « Les entreprises sont déjà très fortement sous contrainte dans nombre de domaines, supprimer la restriction du quota des Ecap pour ces secteurs serait très mal perçu » , a alerté le président de la FFB. Pour Marie-Arlette Carlotti, il ne s’agit que d’une réflexion en cours au sein de son ministère. Mais « une porte s’est ouverte, a expliqué Didier Ridoret, et nous nous sommes exprimés pour dire que, si elle imposait davantage de contraintes sur ces quotas, sachant que les pénalités sont extrêmement fortes en cas de manquements, nos adhérents ne comprendraient pas qu’on puisse les stigmatiser de la sorte ».
j3e – Êtes-vous satisfait des décisions de l’État en matière d’aide à la rénovation énergétique du parc existant ?
D. R. – Les outils mis en place sont performants, je pense notamment à la TVA à 5,5 % pour les travaux de réno- vation énergétique. L’éco-PTZ pour le logement social et le programme « Habiter mieux » géré par l’Anah fonc- tionnent bien également. En revanche, l’éco-PTZ est mal calibré et nous avons demandé un rééquilibrage aux ministres du Logement et du Développement durable, à savoir une durée de prêt allongée et la possibilité de l’utiliser en deux temps. Nous avons en effet constaté que des prêts bancaires plus longs viennent parfois en concurrence de l’éco-PTZ dont les mensualités seront alors plus importantes. Nous essayons de faire passer ce message au gouverne- ment. Pour le moment, nous n’avons pas encore obtenu de résultat, mais nous ne nous décourageons pas.
j3e – Toutes les banques ne soutiendront pas l’éco-PTZ…
D. R. – On peut dire que les banques n’étaient pas très enthousiastes, en effet. Mais aussi parce que la validation des devis exigeait une connaissance technique que les banquiers n’ont pas forcément. Notre souhait est que les entreprises RGE portent cette responsa- bilité en analysant l’éligibilité à l’éco- PTZ, quitte à se tourner vers un tiers véri- ficateur pour s’en assurer.
j3e – La rénovation des copropriétés est le sujet de notre dossier du mois. Le Plan Bâtiment durable parle de former les syndics pour aider ce mouvement de rénovation. Dans les 670 000 coproprié- tés que compte la France, très peu s’en- gagent dans la rénovation. La formation des syndics est-elle un levier suffisant?
D. R. – Vous mettez le doigt sur un sujet sensible et compliqué. Et derrière votre question se dessine, en filigrane, celle de l’obligation de travaux. Certains acteurs voudraient s’engager dans cette voie. À la FFB, nous pourrions défendre cette idée parce qu’elle serait porteuse d’activité et de chiffre d’affaires pour nos adhérents, mais nous ne sommes pas du tout sur cette ligne. Une telle obligation nous engagerait dans un encadrement de travaux extrêmement autoritaire. Or, je pense qu’il vaut mieux inciter qu’obliger. À travers la fiscalité, par exemple, qui peut être un levier suffisamment convaincant. La valeur verte du bâtiment sera à terme un autre levier fort, notamment pour les copropriétés fortement dégradées ; les propriétaires vont comprendre que, s’ils ne maintiennent pas leur patrimoine en état, la valeur de leur bien immobilier va terriblement chuter. Il ne faut pas oublier que, parmi les propriétaires, certains ont des situations financières qui ne leur permettent pas de s’engager dans des travaux ; les contraindre à investir les mettrait en difficulté. Au-delà de la seule volonté, il faut prendre en compte la capacité économique de chaque propriétaire. Cela dit, il y a des solutions de tiers financement, sujet sur lequel la Caisse des dépôts et consignations a lancé une réflexion. L’idée est qu’un tiers financeur puisse s’engager dans des travaux et se rémunère sur les économies d’énergie réalisées. Cette idée me paraît bien meilleure qu’une obligation de travaux. Pour revenir à la formation des syndics, oui, c’est une vraie question. Pour autant, nous parlions des diagnostiqueurs, des entreprises RGE… N’oubliez pas qu’il y a des « sachants » en mesure de les aider. Il est évident que les syndics ne peuvent pas tout savoir techniquement ; ils doivent s’appuyer sur des experts qui seront en mesure de leur projeter des simulations de travaux avec les économies d’énergie générées.
j3e – Le projet de loi Alur répond-il bien, selon vous, aux problématiques posées par la rénovation des copropriétés ?
D. R. – Il y a beaucoup de bonnes choses dans la loi Alur, d’autres le sont moins. La mise en place d’un fonds de travaux, par exemple, est un très bon signal pour les entrepreneurs qui se plaignaient parfois de ne pas être payés après avoir réalisé des travaux.
j3e – Quelles sont vos attentes les plus fortes pour les prochains mois ?
D. R. -Il est urgent de clarifier l’ensemble des modalités précises de l’éco-conditionnalité pour que l’on puisse en communiquer les détails auprès de nos adhérents qui sont en attente d’information. Un seul exemple : la TVA à 5,5 %. Est-il normal d’être encore en attente de précisions de Bercy sur un dispositif mis en place au 1er janvier dernier ? Nous recevons énormément d’appels de professionnels qui nous demandent des informations sur ce nouveau taux de TVA pour la rénovation énergétique du bâtiment, en particulier les travaux induits. Nous ne pouvons pas leur répondre. Nous demandons aux ministères du Logement et du Développement durable d’avoir un regard vraiment exhaustif sur l’éco-conditionnalité pour que l’on puisse rapide- ment communiquer auprès de nos adhérents afin qu’ils soient en mesure de répondre à la mise en œuvre de l’éco- conditionnalité au 1er juillet prochain. Par ailleurs, nous avons obtenu deux dates précises en matière d’éco-conditionnalité: le 1er juillet 2014 pour l’éco-PTZ et le 1er janvier 2015 pour le CIDD. La date d’entrée en vigueur de l’éco-conditionnalité pour les CEE, quant à elle, n’est tou- jours pas complètement actée. Nous espérons que les pouvoirs publics valideront rapidement l’éco-conditionnalité pour les CEE au 1er janvier 2016.
Un plan d’actions « RGE » engagé par la FFB et Point.P auprès de ses instances départementales et régionales, et de ses unions et syndicats nationaux
« Ensemble, en conjuguant nos énergies, nous ferons mieux et davantage pour entraîner et développer le marché ! »
Le 20 février dernier, Didier Ridoret et Patrice Richard, président du directoire du groupe Point.P, ont signé une convention de partenariat, placée sous le par- rainage du Plan Bâtiment durable représenté par son président, Philippe Pelletier. Celle-ci vise à mobiliser les entrepreneurs et artisans du bâtiment afin de les inciter à se former via Feebat pour accéder aux qualifications RGE (Reconnu garant de l’environnement) et notamment à celle des « Pros de la performance énergétique », dans le contexte de l’éco-conditionnalité au 1er juillet 2014 :
• faciliter les échanges et favoriser l’organisation de réunions entre les fédérations départementales et régionales du bâtiment et les équipes départementales de Point.P ;
• indiquer à Point.P les correspondants régionaux et, le cas échéant, départementaux, susceptibles de suivre l’évolution des dossiers de demande de qualification. Pour Didier Ridoret, la FFB et le groupe Point.P ont décidé d’unir leurs forces pour accélérer le rythme d’adaptation des entreprises du bâtiment à la nouvelle donne de la transition énergétique.