
Le ministre chargé de l’Industrie et de l’Energie, Marc Ferracci, a présenté le 12 février dernier aux représentants de la filière une refonte radicale du cadre de développement du solaire photovoltaïque. Le texte est passé en Conseil de l’énergie le 6 mars, et les professionnels du secteur de l’énergie dénoncent un « moratoire », dans l’attente qu’un nouveau mécanisme de soutien se mette en place dans un calendrier non défini. David Gréau, délégué général d’Enerplan, revient sur les principaux arbitrages présentés par le gouvernement et sur les raisons de ce désengagement soudain.
Le gouvernement a fait part de son intention de modifier l’arrêté tarifaire pour le segment S21, que les organismes professionnels qualifient de « moratoire » sur le solaire en toiture. Pouvez-vous nous expliquer le contexte ?
David Gréau – Le gouvernement envisage de réduire de façon rétroactive, au 1er février, les niveaux de soutien aux projets d’une puissance inférieure à 500 kWc (segment dit « S21 »), avec le risque que plus aucun projet solaire ne soit viable économiquement en 2025. Il s’agirait du 6e arrêté modificatif pour ce segment. Fin 2024, un nombre trop important de projets solaires ont été déposés par rapport aux attentes initiales des pouvoirs publics. L’État cherche bien évidemment à réduire les dépenses publiques, dans le solaire comme ailleurs.
Pouvez-vous revenir sur les évolutions présentées lors de la réunion du 12 février dernier ?
D. G. – Pour les installations résidentielles, dont les puissances sont inférieures à 9 kWc, le soutien public se concentrera sur l’autoconsommation en divisant par trois les soutiens. Ce n’est pas problématique à nos yeux, car le marché des particuliers est tiré à 97 % par ce besoin. Il existe deux manières de soutenir l’autoconsommation. La première sous forme de primes, fixées à hauteur de 8 centimes par watt-crête installé, ce qui revient à 240 € en moyenne pour les installations de 3 kWc, ce qui est très peu. La seconde vise la vente du surplus, avec un tarif d’achat jusque-là fixé à 126,90 €/MWh. Ce tarif va être abaissé à 40 €/MWh, avec rétroactivité au 1er février 2025. Pour les installations de 100 à 500 kW, le tarif d’achat va également être revu à la baisse, passant de 105 €/MWh à 95 €/MWh, avec rétroactivité au 1er février 2025. La pente de dégressivité, qui existait déjà, est rendue plus abrupte d’un trimestre sur l’autre. Aujourd’hui, le nombre de projets solaires déposés représente entre 3 et 4 fois le volume attendu par le gouvernement. Si cette valeur est de facteur 2, la baisse est fixée à 6 % par trimestre, et à 16 % par trimestre en cas de facteur 4. S’il n’y a aucune nouvelle demande de raccordement, une augmentation maximale de 3,5 % est prévue. Ces arbitrages font craindre une chute drastique de l’activité de la filière solaire sur bâtiments et ombrières.
Quelles sont les raisons avancées par le gouvernement pour justifier un tel désengagement ?
D. G. – Le volume des projets déposés entraîne une contrainte budgétaire imprévue. Pour les particuliers, il existe des modèles alternatifs, notamment l’installation de batteries pour stocker le surplus, ou la vente du surplus à des acheteurs non-obligés. L’autre partie de la réponse est qu’il y a un véritable sujet autour de la consommation électrique et de l’électrification des usages. Les usages doivent être décarbonés, mais doit-on pour cela faire croître les moyens de production en amont ou attendre que la demande l’impose ? Aujourd’hui, la production est suffisante, voire excédentaire, ce qui conforte l’État dans ses prises de position. Cependant, le Stop and Go est très néfaste pour la filière. Nous comprenons les impératifs budgétaires et nous souhaitons aller dans le sens du gouvernement. Nous avons formulé des propositions, notamment une garantie d’achèvement pour le segment S21 et une demande de différer l’application pour les particuliers en attendant la TVA à taux réduit qui sera en place le 1er octobre, mais elles n’ont pas été retenues à ce stade par nos interlocuteurs.
Propos recueillis par Alexandre Arène