Les solutions de pilotage pour le petit tertiaire et le résidentiel connaissent actuellement une profonde mutation, portée par les enjeux de transition énergétique et de digitalisation des bâtiments. Au-delà de la simple gestion de l’éclairage, ces systèmes s’étendent désormais à l’ensemble des fonctionnalités du bâtiment, avec une attention particulière portée à l’efficacité énergétique et au confort des occupants. Le décret BACS vient renforcer cette dynamique en imposant des obligations de pilotage intelligent pour certains bâtiments tertiaires. Dans ce contexte, les fabricants développent des solutions de plus en plus avancées, combinant edge computing et cloud, pour répondre aux besoins croissants d’interopérabilité et de performance énergétique.
Dans notre précédent dossier consacré à l’éclairage (N° 94 du mois de mars), nous avions exploré les solutions innovantes permettant d’optimiser la consommation énergétique des bâtiments. Le fabricant français Lébénoïd s’était notamment distingué avec sa solution LISA, basée sur la technologie Bluetooth Mesh, capable de transformer les installations lumineuses en un réseau dynamique et réactif. Cette solution permet non seulement un contrôle flexible de l’intensité lumineuse et la programmation selon des horaires définis, mais assure également une réaction automatique à la présence humaine. Les économies d’énergie peuvent atteindre jusqu’à 75 % par rapport aux systèmes d’éclairage traditionnels. D’autres acteurs comme B.E.G. proposent des solutions compatibles avec la norme ISO 52120, alliant sobriété énergétique et confort utilisateur. Ces systèmes d’éclairage intelligent constituent une première brique essentielle dans la gestion globale du bâtiment, qu’il convient maintenant d’étendre aux autres domaines de pilotage.
Les briques essentielles d’une solution de pilotage
Les solutions de pilotage modernes pour le petit tertiaire et le résidentiel reposent sur plusieurs composants clés qui interagissent pour assurer une gestion intelligente et efficace des bâtiments.
Les contrôleurs et automates
Au cœur de tout système de pilotage du bâtiment se trouve le contrôleur, véritable cerveau de l’installation qui assure plusieurs fonctions essentielles. Son rôle principal est de centraliser et traiter les informations provenant des différents capteurs et équipements pour orchestrer le fonctionnement global du bâtiment. Le contrôleur remplit trois missions fondamentales. Premièrement, il collecte en temps réel les données issues des capteurs (présence, luminosité, température, qualité d’air) et des différents équipements connectés. Deuxièmement, il analyse ces informations grâce à des algorithmes intégrés pour prendre des décisions adaptées selon les scénarios programmés. Troisièmement, il pilote les différents actionneurs et équipements (éclairage, chauffage, ventilation, stores) en fonction de cette analyse. La puissance de calcul du contrôleur est donc déterminante car elle conditionne sa capacité à gérer simultanément de multiples programmes complexes, du traitement des données à la gestion des automatismes. Le modèle WAGO PFC100 G2 se distingue par exemple par sa puissance accrue avec 512 Mo de RAM et 4 Go de mémoire flash, permettant de gérer les programmes les plus complexes. Le Compact Controller 100 de WAGO apporte quant à lui une grande simplicité d’intégration grâce à son format modulaire et ses connecteurs débrochables picoMAX. Ces contrôleurs supportent nativement les protocoles IT et OT essentiels comme MQTT, OPC UA et Modbus/TCP.
Les capteurs et actionneurs
Les capteurs et actionneurs constituent les organes sensoriels et moteurs d’un système de pilotage intelligent. Dans un bâtiment moderne, les capteurs collectent en permanence une multitude de données environnementales essentielles : la température ambiante, le taux d’humidité, la luminosité naturelle, la présence des occupants, la qualité de l’air et la consommation énergétique. Ces informations sont transmises au contrôleur qui analyse ces données pour prendre des décisions adaptées. Les actionneurs, véritables bras mécaniques du système, exécutent ensuite les ordres du contrôleur pour modifier l’état du bâtiment, que ce soit pour la variation d’éclairage, l’ouverture des stores ou la régulation du chauffage.
Le capteur COV (composés organiques volatils) de B.E.G. illustre parfaitement l’évolution technologique des capteurs modernes. Il surveille en permanence la qualité de l’air en mesurant les composés organiques volatils, permettant d’obtenir une valeur équivalente en CO2. Son affichage LED tricolore, intégré derrière une lentille, offre une visualisation intuitive : le vert indique une bonne qualité d’air, le jaune signale qu’une ventilation est recommandée au-delà de 800 ppm, et le rouge alerte sur la nécessité d’une ventilation immédiate lorsque le seuil dépasse 1 200 ppm. Un contact sec permet le pilotage automatique d’une ventilation mécanique dès que les seuils critiques sont atteints.
Bien sûr, l’écosystème des capteurs et actionneurs dans un bâtiment intelligent s’étend bien au-delà de la qualité de l’air. Les détecteurs de présence orchestrent l’éclairage et la ventilation tandis que les sondes de température pilotent avec précision le chauffage et la climatisation. Les capteurs d’ensoleillement collaborent avec les actionneurs des protections solaires pour une gestion optimale de la lumière naturelle. Les variateurs d’éclairage intelligents et les électrovannes de chauffage complètent ce dispositif sophistiqué.
Cette synergie entre les différents capteurs et actionneurs permet une gestion véritablement coordonnée du bâtiment. Par exemple, lorsque l’ensoleillement devient trop intense, les stores s’abaissent automatiquement à des positions calculées, l’éclairage artificiel s’ajuste en conséquence, et la ventilation s’adapte pour maintenir une température idéale.
L’interopérabilité
L’ouverture des systèmes est aujourd’hui primordiale. Si nous reprenons par exemple les contrôleurs WAGO, ceux-ci sont programmables sous CODESYS 3.5 et basés sur Linux, permettant l’ajout d’applications tierces via Docker. Le système VIVARES de Ledvance est, lui, compatible DALI-2, assurant l’interopérabilité avec les produits certifiés du marché. Pour sa pérennité, il est important qu’un système puisse évoluer facilement.
Les principaux domaines d’application
La gestion du chauffage, de la ventilation et de la climatisation représente bien sûr un enjeu majeur dans l’optimisation énergétique des bâtiments. L’intégration des solutions Airzone dans l’écosystème Polynhome permet par exemple une gestion intelligente et centralisée des systèmes CVC. Grâce aux dispositifs de la gamme Aidoo, qui transforment les unités CVC en équipements ZigBee, le système peut piloter automatiquement la climatisation en fonction des besoins réels. La qualité de l’air peut, elle, être surveillée en permanence par l’indicateur COV de B.E.G., dont l’affichage LED tricolore offre une visualisation immédiate du niveau de pollution.
L’automatisation des ouvrants et des protections solaires joue également un rôle essentiel dans l’optimisation énergétique et le confort des occupants. Le système permet d’adapter automatiquement la position des stores en fonction de l’ensoleillement et de la température, tout en s’intégrant dans des scénarios globaux incluant la climatisation et l’éclairage.
Enfin, le suivi des consommations énergétiques est bien sûr primordial dans un système de pilotage. Sur une solution cloud comme VIVARES de Ledvance, les données sont accessibles en temps réel via un tableau de bord interactif, permettant d’analyser les consommations et d’optimiser les paramètres de fonctionnement. Cette approche aide à réduire durablement la consommation d’énergie et les coûts d’exploitation.
Les différentes approches architecturales
Le marché des solutions de pilotage du bâtiment se partage aujourd’hui entre deux approches distinctes. L’architecture centralisée, historiquement privilégiée par les solutions GTC classiques, repose sur un contrôleur central unique. Si cette approche a fait ses preuves, elle présente néanmoins des fragilités : une panne du contrôleur peut paralyser l’ensemble du système, tandis que la centralisation des données peut engendrer des ralentissements du réseau.
Face à ces limitations, une nouvelle génération de solutions distribuées émerge. Polynhome fait figure de pionnier avec son Edge Computer, où les ressources de calcul sont réparties dans le bâtiment au plus près des points de collecte. Cette architecture permet non seulement une prise de décision en temps réel, mais renforce aussi la sécurité en limitant les transferts vers le cloud.
L’interopérabilité devient un enjeu majeur, porté par des protocoles standardisés comme Modbus/TCP, MQTT ou BACnet. Polynhome illustre cette tendance avec sa certification ZigBee et Matter ready, permettant d’intégrer facilement des équipements tiers. Son partenariat avec Airzone pour le pilotage CVC démontre d’ailleurs cette capacité d’intégration multimarque.
Dans cette même logique d’ouverture, Schneider Electric propose sa solution Wiser qui combine le protocole KNX, apprécié des intégrateurs pour sa flexibilité, avec des protocoles propriétaires garantissant une expérience utilisateur maîtrisée. Delta Dore complète le panorama avec une approche similaire, en proposant des solutions résidentielles qui excellent particulièrement dans la gestion du chauffage et des ouvrants.
La sécurisation des installations est un autre point sensible. Celle-ci doit être intégrée dès la conception avec des protocoles sécurisés (HTTPS, FTPS, SMTP) et un pare-feu avancé. Les contrôleurs modernes comme le WAGO PFC100 permettent de séparer les réseaux IT et OT grâce à leurs deux interfaces Ethernet, renforçant ainsi la sécurité globale du système.
Edge Computing
L’Edge Computing est une approche de traitement des données qui s’effectue au plus près de leur source et des utilisateurs, plutôt que dans des centres de données distants. Cette architecture décentralisée permet de réduire la latence et la consommation de bande passante. Au lieu d’envoyer toutes les données vers le cloud pour traitement, les calculs sont effectués localement, directement sur les équipements ou dans des serveurs de proximité. Dans le contexte des bâtiments intelligents, l’Edge Computing permet par exemple de traiter localement les données des capteurs (présence, température, qualité d’air) pour une prise de décision en temps réel, sans dépendre d’une connexion cloud permanente.
Sécurité et maintenance
La sécurisation des installations connectées constitue aujourd’hui un enjeu crucial pour les installateurs et les utilisateurs. Les contrôleurs PFC100 de WAGO intègrent nativement des mesures de cybersécurité robustes, sans nécessiter d’équipements externes supplémentaires. Les protocoles de communication sont sécurisés par la couche TLS, tandis qu’un pare-feu avancé restreint les accès au strict nécessaire.
L’architecture distribuée de type Edge Computing, adoptée notamment par Polynhome, améliore la résilience du système en limitant les points de défaillance uniques. Le traitement local des données réduit la dépendance au cloud et renforce la sécurité en limitant les transmissions de données sensibles.
La maintenance prédictive doit s’appuyer sur des outils de surveillance en temps réel pour faciliter et réduire les interventions. Le système cloud VIVARES permet par exemple de suivre l’état des équipements et d’anticiper les interventions nécessaires. Un journal système stocke les différents événements et peut être enrichi depuis le programme automate pour faciliter le diagnostic.
Enfin, la conception matérielle doit privilégier également la fiabilité, avec des contrôleurs sans pile ni ventilateur assurant un fonctionnement sans maintenance. Sur les contrôleurs WAGO, l’horloge temps réel est maintenue durant 7 jours par des condensateurs en cas de coupure d’alimentation. Et les connecteurs débrochables picoMAX, insensibles aux vibrations, garantissent une connexion durable sans entretien périodique. Tout se joue dans les détails !
Comme on le voit, l’évolution des solutions de pilotage pour le petit tertiaire et le résidentiel témoigne d’une transformation profonde du marché. L’approche distribuée basée sur l’Edge Computing, portée notamment par Polynhome, apporte une réponse pertinente aux enjeux de performance et de cybersécurité. La complémentarité des solutions, illustrée par le partenariat entre Polynhome et Airzone, permet d’offrir des systèmes complets et cohérents.
Pour les installateurs, ces nouvelles architectures représentent une opportunité de développement. La simplicité de mise en œuvre, avec des outils de configuration intuitifs et des protocoles standardisés, facilite le déploiement des solutions. L’interopérabilité accrue, notamment avec les certifications ZigBee et Matter ready, garantit la pérennité des installations.
Le marché s’oriente clairement vers des solutions globales intégrant l’ensemble des fonctionnalités du bâtiment, de la gestion CVC à la qualité de l’air, en passant par le contrôle d’accès et la sécurité. Cette approche holistique, combinée à l’intelligence embarquée des systèmes, permet d’optimiser la consommation énergétique tout en améliorant le confort des occupants.
Cédric Locqueneux