Les villes sont aux premières lignes dans l’adaptation au changement climatique, la transition énergétique et la réduction des émissions de CO2. Comment les maires prennent-ils en compte ces enjeux au sein de leur ville ?
Murielle Fabre – L’adaptation aux changements climatiques est un chantier colossal dont les coûts ne sont pas encore estimés. Les maires agissent à leur niveau en désimperméabilisant, en plantant des arbres et, plus largement, une végétation adaptée. Leurs actions pour préserver la biodiversité et les ressources en eau sont primordiales. Mais il faut dire que l’adaptation des territoires aux changements climatiques suppose des moyens importants et un modèle de financement qui reste à inventer. S’agissant de la transition énergétique et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous avons plusieurs leviers pour agir : l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments publics, la restauration scolaire, l’organisation des transports urbains, les politiques d’urbanisme, les actions de sensibilisation auprès de nos concitoyens, le soutien à la production locale d’énergie renouvelable, l’accompagnement des particuliers et des bailleurs sur certains travaux (point info énergie…).
Stéphanie Gay-Torrente – En Effet, les maires sont en première ligne de la lutte contre le changement climatique. Ils mettent en œuvre des actions concrètes au niveau local pour réduire les émissions de CO2 et adapter les villes aux impacts du réchauffement climatique. Ces actions incluent la rénovation énergétique des bâtiments, le développement des énergies renouvelables, la promotion des transports durables et la gestion des risques naturels. Le Salon des maires constitue un événement clé pour les élus et leurs équipes face à des défis tels que le financement des projets, la coordination des acteurs et l’acceptabilité sociale de certaines mesures. Le salon agit tel un catalyseur pour l’action climatique au niveau local. Il permet aux élus de trouver des réponses collectives et concrètes en se dotant des outils nécessaires pour faire face aux enjeux environnementaux et de construire des villes plus durables et résilientes.
Globalement, constatez-vous un volontarisme des maires, des équipes municipales et des agents des collectivités sur ces enjeux ?
M. F. – Les maires sont motivés, mobilisés et je veux le dire : efficients et efficaces, car nous agissons dans une relation de proximité avec l’ensemble des acteurs (particuliers, entreprises…) permettant d’adapter nos politiques publiques aux besoins du territoire. Pour autant, notre volontarisme est contraint par un manque de moyens financiers et une normalisation excessive de l’action publique par l’État qui affecte également et malheureusement ce mouvement. La première édition du « Panorama des financements climat des collectivités locales » , coproduit par I4CE et la direction des études et de la recherche de la Banque Postale, confirme que les collectivités sont en pleine accélération sur le climat : 8,3 Md€ investis en 2022 dans les secteurs clés de la transition bas carbone, et même presque 10 Md€ en 2023 (données provisoires), contre un peu moins de 6 Md€ en 2017. Cette dynamique est tirée par les prix, mais aussi par les volumes. La part du climat dans les investissements locaux était de 9,5 % en 2017 elle est passée à 13 % en 2023. Le Panorama évalue les besoins d’investissement climat des collectivités à hauteur de 19 Md€ en moyenne annuelle 2024-2030 pour répondre aux objectifs fixés par la SNBC, dont les objectifs sont très élevés par exemple pour la rénovation des bâtiments publics, premier poste de dépenses, ou le changement des pratiques de mobilité (développement des transports collectifs, du véhicule électrique et du vélo).
S. G. T. – Indéniablement, le temps de la prise de conscience est dépassé. L’ensemble des chantiers d’actions de la transition écologique est pleinement investi, en témoigne la place des sujets dans les centres d’intérêt des visiteurs du salon collectés chaque année dans nos enquêtes, plaçant en tête l’environnement, l’énergie, les transports et la biodiversité. Sur le salon, chaque espace dédié à ces enjeux – adaptation des territoires, planification écologique, sobriété énergétique, mobilité décarbonée, habitat durable – bénéficie d’une audience forte. Les élus et les cadres sont curieux et demandeurs. Tout est à présent dans l’accélération et l’adaptation des solutions à la diversité et aux contextes territoriaux. L’offre et le programme du salon sont ainsi travaillés pour accompagner les collectivités de toutes tailles au plus près de leurs besoins.
Y a-t-il des disparités selon la taille, la géographie ou la population des villes ?
M. F. – Il y a des disparités de moyens et de besoins, pas de volonté et d’enthousiasme. Ces disparités doivent être traitées par une véritable vision de l’aménagement du territoire.
S. G. T. – La diversité des territoires est bien sûr une réalité et il y a des échelons de collectivités avec des compétences, des responsabilités et des actions respectives et coordonnées : la région, le département et le bloc communal. Ils participent tous au salon.
Il est aussi important de ne pas aborder les territoires les uns par rapport aux autres, mais de les accompagner dans leurs spécificités et leurs liens.
Quel est le rôle de l’AMF pour favoriser la diffusion de ces sujets ?
M. F. – Nous avons sur ce sujet comme sur d’autres une mission d’alerte du Gouvernement et d’échanges avec les ministères sur les politiques publiques nationales. Nous portons également une mission de diffusion des bonnes pratiques et de délivrance de conseils auprès de nos adhérents.
Quelle sera la place des sujets liés à la transition énergétique des villes lors de la prochaine édition du Salon des maires et des collectivités ?
M. F. – Au Congrès des maires, ce sujet est central avec de multiples débats et ateliers : prévention des risques, projets alimentaires territoriaux, service public ferroviaire, ZAN, délinquance environnementale, adaptation aux changements climatiques, gestion de l’eau, les communes rurales en transformation ou encore finances et transition écologique.
S. G. T. – Les enjeux énergétiques sont au cœur du Salon des maires depuis toujours. Les énergéticiens et plus largement les acteurs de l’énergie et services énergétiques ont toujours eu une place centrale et, bien sûr, un lien privilégié avec les collectivités du fait de l’organisation des services (régies) territoriaux de l’énergie, des infrastructures, des réseaux. Depuis 2021, nous avons en complément développé beaucoup plus la présence d’entreprises et d’experts dans le domaine du solaire, du biogaz et de l’hydrogène afin de répondre à des projets locaux, parfois même des micro-projets, notamment en matière d’autoconsommation, à l’échelle d’un bâtiment, d’un quartier, d’une zone d’activité. Le sujet de l’économie d’énergie est également beaucoup plus développé, notamment pour l’éclairage public avec la présence d’industriels qui ont particulièrement innové ces dernières années. Les collectivités témoignent aussi d’une vigilance forte sur l’accompagnement des ménages et la lutte contre la précarité énergétique (logement ou transport).
Le plan de sobriété énergétique présenté à l’hiver 2022-2023 par le gouvernement a visé à réduire les dépenses énergétiques des collectivités. Quelles actions ont été mises en œuvre pour atteindre 10 % de réduction des consommations ?
M. F. – Nous n’avons pas attendu la guerre en Ukraine et la nécessité de rompre avec la dépendance au gaz russe pour agir. Mais il est vrai que le contexte était plus favorable pour renforcer l’acceptabilité des mesures auprès de nos concitoyens qui vivaient eux aussi très directement la spirale infernale du prix de l’énergie. Les principaux leviers mis en œuvre ont été une gestion draconienne du chauffage de leurs locaux, des actions sur l’éclairage des bâtiments et l’éclairage public (y compris ornementaux), mais aussi un engagement constant en matière d’investissement qui porte ses fruits.
Comment les mairies et collectivités sont-elles parvenues à pérenniser ces économies ou à les renforcer ?
M. F. – Les efforts structurels sur le bâti (rénovation), la consommation (régulation) et le comportement (bonnes pratiques) se poursuivent et s’accentuent.
Pouvez-vous nous donner un exemple concret sur ces deux points ?
M. F. – L’encadrement de la puissance et des horaires de l’éclairage public se constate partout. L’échauffement des sportifs dans les gymnases ne sert plus uniquement à éviter les claquages !
Le sujet de la performance énergétique du parc de bâtiments tertiaires publics, notamment les écoles, les bâtiments administratifs, ainsi que les équipements sportifs et l’éclairage public font l’objet d’une attention particulière. Quels sont les leviers d’économies les plus rapides et les plus simples à mettre en œuvre ?
M. F. – L’efficacité de la décentralisation, c’est le sur-mesure quand l’État fait du prêt-à-porter. Tout doit commencer par un diagnostic pour rationaliser la dépense en identifiant les actions au meilleur ratio « coût-bénéfice ». L’AMF qui porte avec la FNCCR le programme ACTEE + est très engagée pour diffuser des exemples de bonnes pratiques. Ce programme, financé par les CEE, accompagne la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités. Plusieurs webinaires ont ainsi été organisés cette année, le dernier en date portait sur les actions à gains rapides qu’il est possible de mettre en œuvre efficacement dans un temps court pour améliorer facilement le confort d’hiver et d’été d’un bâtiment.
Le Salon des maires et l’AMF sont-ils parties prenantes pour sensibiliser les communes sur ces sujets ?
M. F. – Le salon est une complémentarité au Congrès des maires qui lui proposera de multiples débats et ateliers pour mieux comprendre les défis, identifier des principes d’action et partager des solutions. Cet événement annuel conforte une action constante de conseils et d’échanges sur de bonnes pratiques.
S. G. T. – Le salon a posé les cadres et organisé son offre pour permettre une plus grande cohérence et lisibilité des enjeux et leviers d’action en matière énergétique : nomenclature des activités des exposants, qui fonctionnent aussi en guide de visite pour le public visiteur, à savoir les élus et les cadres territoriaux ; des espaces thématiques : espaces de conférences et de débats pour permettre aussi de se projeter, penser les sujets, structurer les modalités d’action (espaces dits « Atmosphères » dédiés à la « sobriété énergétique » et aux « mobilités décarbonées » ; un espace Lab « Territoire bas-carbone »). Les acteurs du secteur de l’énergie sont présents au-delà de la sensibilisation pour permettre aux collectivités d’être opérationnelles sur ces sujets dans les temps et les échéances avec des solutions concrètes.
Quels seront les thèmes phares de cette édition du Salon des maires ?
M. F. – Le thème du 106e Congrès sera « Les communes… Heureusement ! ». Le fil rouge portera sur la mise en exergue de la capacité des communes et des maires à être toujours présents. Dans la période de trouble politique et institutionnel que nous traversons, les communes restent un pôle de stabilité. Elles font fonctionner les services publics du quotidien, portent des projets concrets qui améliorent le cadre de vie des habitants, donnent un sens à l’action publique, et font vivre notre démocratie à l’échelle locale. Malgré les procès injustes et les discours stigmatisants dont les maires sont de plus en plus victimes, nous souhaitons pouvoir toujours dire, toujours entendre « Les communes… Heureusement ! », en démontrant le rôle positif, essentiel des collectivités. La question financière, l’organisation territoriale, la transition écologique et l’accompagnement des communes rurales seront au cœur de nos échanges dans un esprit républicain et dans une volonté constante de faire progresser le pays par la décentralisation et les libertés.
S. G. T. – La période actuelle est une période d’accélération des transitions énergétique, écologique, sociale, économique nécessaires. Il s’agit bien, sur tous les sujets de la transition écologique (énergie et décarbonation, gestion de l’eau, adaptation face aux risques et aux vulnérabilités, les changements de modèles et l’adoption de formes de sobriété énergétique, hydrique, foncière, de ressources…), d’un temps de changement d’échelle de pratiques, d’intensification, de massification… c’est ce que nous entendons par le thème de cette année « accélération ».
Cette année, nous mettons un accent fort sur les enjeux de biodiversité que nous voulons faire gagner en maturité collective et en expertise. Ainsi, nous lançons le Salon de la Biodiversité et du Génie écologique au cœur du Salon des maires et des collectivités qui vise à décupler les ambitions en matière de restauration et de protection des espaces naturels, des écosystèmes, des milieux, du vivant. Il y a beaucoup de questionnements sur l’action en faveur de la biodiversité qui bouscule nos modèles. Nous voulons proposer un salon qui apporte des éclaircissements et des réponses.
Nous rassemblons cette année pour la première fois un pôle d’expertise du vivant, notamment avec les filières professionnelles du génie écologique et avec eux, nous construisons une programmation pour éclairer les enjeux clés de la biodiversité pour les collectivités et plus largement pour les acteurs économiques territoriaux.
Quels en seront les moments forts ?
M. F. – Il y a tout d’abord l’envie de répondre aux attentes de nos visiteurs, les maires de France ! Outre notre assemblée générale, il y aura autant de temps forts que de thèmes abordés, à commencer par les débats qui se tiendront dans le grand auditorium et qui traiteront du Zéro artificialisation nette (ZAN), de ruralité, de démocratie participative ou encore des finances locales. C’est, en tout, près d’une quarantaine de thématiques que le Congrès offrira aux élus sous forme de débats, forums, points-info, ou encore de formations. En parallèle de ces conférences, d’autres temps forts tels que des signatures de convention, une séquence dédiée à l’Ukraine seront organisés.
S. G. T. – Le Salon des maires et des collectivités, ce sont désormais en réalité 3 salons (Salon des sports & parasports et le nouveau Salon de la Biodiversité et du Génie écologique).
Chaque pavillon avec ses secteurs en synergie présente sa propre dynamique et ses enjeux :
Le pavillon 6 accueille le Salon des sports et parasports, les secteurs de la culture et des loisirs, ainsi que les secteurs relevant de l’action sociale et des solidarités (petite enfance, jeunesse, éducation, santé, bien vieillir) et sera un hall entier tourné sur les enjeux sociaux, sociétaux, de solidarité et d’inclusion avec tout un écosystème d’acteurs réunis.
Le pavillon 4 accueille les secteurs et les acteurs de l’énergie et du climat, des transports et des mobilités ainsi que de la tech et du numérique… et donc, un écosystème d’action large sur les enjeux de décarbonation. Les pavillons 2 et 3 réunis et imbriqués permettront d’ancrer la transition écologique comme colonne vertébrale de l’attractivité et de la cohésion territoriale, avec un parcours de visite qui mènera les visiteurs du secteur du développement – enjeu de dynamisme, de revitalisation, d’économie de proximité, de développement de l’économie sociale et solidaire, de financement, de commande publique… au secteur de l’environnement, de la gestion des risques et de la construction et de l’aménagement. Ainsi, ces pavillons 2 et 3 réunis apporteront toute l’expertise nécessaire aux enjeux d’adaptation et de résilience territoriales. Le pavillon 3 accueillera donc, à la croisée de ces secteurs, le nouveau Salon de la Biodiversité et du Génie écologique, pilier plus récent de la transition écologique que nous nous devons d’accompagner.
Comment le salon va-t-il évoluer dans les prochaines années pour répondre aux nouveaux enjeux de la ville ?
M. F. – Le Congrès des maires offre des moments de réflexion entre élus, d’analyses, de propositions et de solutions qui s’adaptent d’année en année, car cet événement résulte d’un travail quotidien avec nos adhérents, les maires et présidents d’intercommunalité.
S. G. T. – Les enjeux environnementaux et climatiques resteront fortement présents et se conjugueront avec des questions démographiques qui vont nous amener à passer au crible du « bien vieillir » et de l’inclusion tous les secteurs du salon, de l’aménagement au sport en passant par la santé, la sécurité, les transports, le numérique… afin de proposer aux collectivités des solutions qui prendront en compte ce nouvel enjeu.
Avez-vous quelque chose à ajouter ?
M. F. – Oui, profitons du contexte politique actuel pour redonner de la confiance et des libertés à nos communes. Laissez-nous faire ! Laissez-nous agir ! Nous pouvons faire gagner la France par sa base, c’est-à-dire ses collectivités, ses entreprises, ses associations, ses citoyens. Il y a plus que jamais besoin de proximité.
Propos recueillis par Alexandre Arène