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Fonroche et l’agglomération d’Agen passent au solaire

Laurent LUBRANO, directeur général de Fonroche Lighting - Jean-Marc Gilly, vice-président du conseil d’agglomération d’Agen, chargé de la commission voirie, pistes cyclables et éclairage public, et maire d’Estillac

FONROCHE LIGHTING est devenu en quelques années le leader mondial de l’éclairage public solaire. Créée en 2011, l’entreprise est dirigée par Laurent Lubrano. Située dans le sud-ouest de la France, Fonroche Lighting conçoit, développe, fabrique et installe des lampadaires solaires autonomes permettant d’éclairer tous types d’infrastructures, du plus petit projet – abribus, route, parking, voie verte, lotissement – aux plus grands ouvrages – autoroutes, ronds-points, centres-villes. Avec près de 240 salariés, Fonroche Lighting exporte sa technologie à l’international, avec des filiales situées en Afrique, en Amérique latine, en Europe et aux États-Unis. La société connaît une forte croissance et prévoit d’atteindre un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros d’ici la fin de l’année 2024.

L’AGGLOMÉRATION D’AGEN, établissement public de coopération intercommunale (EPCI), compte aujourd’hui 44 communes et plus de 100 000 habitants. Le conseil d’agglomération, composé d’au moins un représentant par commune membre (en fonction de leur population) a pour vocation de définir les grandes orientations d’actions de l’établissement public. Composées de délégués communautaires et ouvertes aux conseillers municipaux des communes membres, les commissions permanentes préparent les décisions à soumettre au conseil et au bureau de l’agglomération. Elles créent également en leur sein des groupes de travail territoriaux. Parmi les 13 commissions, citons celle relative à la voirie, aux pistes cyclables et à l’éclairage public.

Comment Fonroche Lighting et l’agglomération d’Agen se sont-elles intéressées à l’éclairage solaire ?
Laurent Lubrano – Fonroche a décidé, fin 2010, de se lancer dans l’éclairage solaire. Nous savons que le monde de demain sera de toute façon connecté avec des systèmes d’énergie vertueux et plus économiques et il nous a semblé que l’éclairage solaire pouvait remplir ces deux fonctions. Nous avons mis au point un système d’éclairage solaire remplissant les fonctions essentielles que l’on demande à l’éclairage : à savoir éclairer toute l’année, 365 nuits sur 365, proposer un produit doté d’une durée de vie la plus longue possible, être compétitifs bien sûr et éclairer puissamment. N’oublions pas qu’à l’époque, on reprochait à l’éclairage solaire son manque de puissance car les systèmes de panneaux, de batterie n’étaient pas au niveau. Pour pouvoir éclairer tous les ouvrages, on doit pouvoir garantir une puissance suffisante et une certaine disponibilité de la lumière. C’est ainsi que Fonroche a proposé des solutions dotées de puissances équivalentes à celles de l’éclairage conventionnel. Nous avons fait la différence grâce au développement d’une batterie dédiée à l’éclairage solaire et qui nous permettait de remplir ces conditions.
Jean-Marc Gilly – En tant que vice-président de l’agglomération d’Agen, je suis chargé de l’éclairage public, des pistes cyclables et des voiries communautaires. Avec les autres élus de l’agglomération, nous avons ensemble opté pour un plan lumière. Mon rôle a vraiment débuté en 2020, même si on avait déjà réfléchi auparavant à différentes solutions pour réduire la facture énergétique car nous avions identifié, au niveau de l’agglomération, des consommations importantes de l’éclairage public. En 2016, notre commission avait eu pour mission de mettre en place un plan de réduction des consommations de nos 20 000 points lumineux. Nous avons défini des zones tests dans lesquelles nous avons expérimenté différents systèmes avec la technologie led, la détection de présence, l’allumage et l’extinction automatiques. Rien qu’en remplaçant nos anciens luminaires par des luminaires leds, on économisait 50 % sur la facture. Ces premiers essais nous ont encouragés pour poursuivre nos efforts dans la recherche de solutions efficaces.

C’est à ce moment-là que votre partenariat avec Fonroche Lighting a commencé ?
Jean-Marc Gilly – Oui, Fonroche a réalisé un diagnostic précis de nos 20 000 points lumineux et les a classés en trois catégories. La première catégorie rassemblait ceux qui avaient déjà été changés, sans problème de maintenance, et qui étaient déjà équipés en leds, ce qui représentait 2 000 luminaires. Ensuite, sur les 18 000 restants, on a identifié ceux que l’on pouvait rénover en remplaçant les lampes sodium par exemple par des sources leds et ceux qu’il était impossible de réhabiliter car trop vétustes, ce qui aurait nécessité de gros travaux de génie civil. Nous avons ainsi retenu 8 000 points lumineux qu’il était plus raisonnable de transformer en lampadaires solaires car l’installation filaire était bien trop compliquée à refaire, le réseau étant en très mauvais état et les coûts de maintenance exorbitants. Le conseil d’agglomération a fait voter un budget de 15 millions d’euros pour traiter les points les plus critiques dès 2021. L’année suivante, nous avons lancé l’éclairage solaire en parallèle avec d’autres actions comme la sécurisation des armoires électriques et avons installé 600 candélabres d’éclairage solaire.
Laurent Lubrano – Fonroche avait réalisé des éclairages solaires à Agen dès 2012, en commençant par les petits ouvrages comme les bords du canal, des petites intersections, des parkings. Il existe donc une forme de progressivité, d’itération ; les services techniques ont pris confiance dans notre matériel et notre entreprise au fur et à mesure des réalisations car nous étions présents au moindre problème. Comme le soulignait Jean-Marc Gilly, il y a eu une décision politique de rénover le parc énergivore, et nous avons procédé par petites touches sans jamais cesser d’être à l’écoute des élus et des services techniques de la ville qui ont effectué des études sur ces premières expériences. De notre côté, nous avons apporté notre expertise sur le solaire en termes de faisabilité et de pertinence : l’éclairage solaire n’apporte pas les mêmes bénéfices selon les lieux considérés.

Comment s’est déroulée votre collaboration, concrètement ?
Laurent Lubrano – Fonroche a mis à disposition des ingénieurs qui ont procédé aux études quartier par quartier, ouvrage par ouvrage, en équipe avec les services techniques de la ville, afin de vérifier le type de sources existantes, l’état des mâts, la qualité de la lumière, les niveaux d’éclairement, la bonne uniformité, etc., et l’état du réseau. Jean-Marc Gilly l’a bien expliqué, un travail important de mise à niveau du réseau, des armoires électriques a été réalisé avec les services techniques, afin d’obtenir un diagnostic et de définir un éclairage solaire qui soit pertinent quantitativement et qualitativement. Et surtout, nous avons calculé un temps de retour sur investissement pour chaque espace. Ainsi, les élus, autour de Jean-Marc Gilly, avec les services techniques, avaient en main un outil leur permettant de prendre les décisions et de les planifier. J
Jean-Marc Gilly –
En effet, à partir de cette étude, nous avons chiffré ce que coûterait la rénovation complète de notre parc. On a rebaptisé le plan lumière en « Plan d’économie d’énergie en éclairage public et signalisation lumineuse tricolore » (PEEEPS) qui a redonné un peu de dynamisme à ce projet, dans tous les sens du terme. Signé en 2022 par Jean Dionis du Séjour, président de l’agglomération d’Agen, Edward Jossa, président de l’UGAP (Union des groupements d’achats publics), et Laurent Lubrano, avec un investissement de 15 millions d’euros (1/3 en leds et 2/3 en solaire), auxquels se sont ajoutés récemment 6 millions d’euros pour 2025, 2026, 2027. Ce qui signifie que nous nous engageons sur le futur mandat [les prochaines élections municipales se tiendront en 2026], ce qui est relativement rare, mais les enjeux économiques et énergétiques sont tellement importants qu’il nous était difficile de mettre un terme au PEEEPS prématurément. Nous n’avons pas eu de mal à convaincre le conseil d’agglomération compte tenu des économies énergétiques obtenues : de 10 millions de kWh, on est passé à 5 millions de kWh. En 2022, nous avons fait installer 600 lampadaires solaires pour 1,5 million d’euros, en 2023, 560 lampadaires, et en 2024, avec un budget de 5 millions d’euros, on aura mis en place 2 140 mâts solaires (soit 10 % de notre parc) et réalisé une économie de 60 % sur les consommations, sans parler de la réduction drastique des coûts de maintenance que nous avons divisés par deux. En 2026, je pense que nous aurons réalisé pas loin de 90 % de la rénovation prévue en solaire. Nous comptons sur l’évolution de la technologie solaire de Fonroche et sur la pérennité des équipements pour tenir pas mal d’années sans opération de maintenance lourde. En trois ans, nous avons rénové l’éclairage des espaces publics les plus vétustes. On éclaire mieux, on éclaire juste, on éclaire là où il le faut.

Comment fonctionne cet éclairage solaire ?
Laurent Lubrano – Je souhaiterais tout d’abord commenter les chiffres donnés par Jean-Marc Gilly, c’est assez spectaculaire : à la fin, on éclaire mieux et cela coûte beaucoup moins cher ! Quand on sera arrivé au bout du PEEEPS, on aura effacé pratiquement plus de 200 km de réseau dédiés à l’éclairage (6 000 mâts solaires), ce qui représente une économie écologique singulière si l’on prend également en compte la réduction des matières (cuivre, béton, métaux) et du carburant nécessaire à l’entretien du réseau. Deuxième remarque : il aurait été impossible de remplacer ces 6 000 points lumineux en technologie traditionnelle dans le même laps de temps. Je reviens au fonctionnement : souvent, quand on pense éclairage solaire, on pense panneaux solaires, mais le cœur névralgique de la technologie se trouve dans les batteries. Début 2010, nous avons proposé un matériel garanti 5 ans, et qui dure en fait bien plus longtemps (10 ou 12 ans au moins). Les dernières batteries que nous avons mises au point offrent une garantie (pièce et main-d’œuvre) de 8 ans mais elles dureront probablement 15 ans. Nous effectuons d’ailleurs des « cyclages » en fonction des lieux où les batteries seront installées, tenant compte des conditions climatiques. Le futur de la technologie, c’est la télégestion et le système d’exploitation. En ce moment, main dans la main avec les services techniques de l’agglomération d’Agen, nous mettons en place le pilotage des installations. Tous les nouveaux lampadaires embarquent des systèmes de communication bidirectionnels, c’est-à-dire qui envoient des informations et en reçoivent : nous pouvons les adresser pour, par exemple, changer le profil horaire, programmer l’allumage et l’extinction par quartier, télégérer l’installation, savoir à quel moment intervenir, grâce aux deux centres de contrôle, celui de la ville et le nôtre afin de garantir la présence de la lumière aux plus faibles consommations et coûts de maintenance et le plus longtemps possible.
Jean-Marc Gilly – Précision importante : sans l’éclairage solaire nous n’aurions pas pu rénover notre parc. Trop long et trop cher avec l’éclairage traditionnel, nous n’avions pas le budget pour remplacer le réseau. De 500 000 euros de frais de maintenance par an, nous sommes passés en 2023 à 400 000 euros, chiffre qui va encore baisser en 2025 et 2026. Notre consommation éclairage public a diminué de 50 % début 2024, et d’autres économies sont attendues au fur et à mesure que la rénovation va avancer. Aujourd’hui, l’éclairage solaire est bien accepté par l’ensemble des élus et des services techniques, convaincus du confort, des économies, de la durabilité qu’il apporte à nos installations. J’insiste pour que les économies générées par le PEEEPS soient immédiatement réinvesties dans la fin du PEEEPS et qu’on ne perde plus de temps.

Quel bilan dressez-vous de cette opération ?
Laurent Lubrano –
Même si le démarrage est parfois un peu long, une fois le programme lancé, nous avons eu la chance de travailler avec des partenaires efficaces, qu’il s’agisse des bureaux d’études, des installateurs, des équipes techniques de l’agglomération et de l’UGAP. Ces collaborations nous poussent à progresser afin de répondre aux demandes de tous ces intervenants et d’accompagner les élus à long terme. Ainsi, nous avons réfléchi à l’aspect intégration des mâts solaires dans le paysage urbain. Par exemple, on a mis au point trois nouvelles lanternes dans une large déclinaison de couleurs à la fois pour les lanternes et pour les mâts. Nous avons travaillé avec des designers, des coloristes, pour obtenir une homogénéité esthétique tout en bénéficiant de solutions adaptées aux histoires architecturales des différents espaces. Demain, l’agglomération d’Agen, une fois le PEEEPS achevé, bénéficiera du parc d’éclairage le plus écologique, le plus économique, le plus intégré, et le plus connecté d’Europe. En résumé, moderne et vertueux !
Jean-Marc Gilly – Nous sommes assez fiers d’avoir pu mener à terme une telle opération et nous avons lancé des commissions d’évaluation des politiques mises en place dans plusieurs domaines, et un plan de communication qui est en train de se construire. Cela passe par exemple par des communiqués auprès du grand public pour expliquer les investissements effectués, donner des précisions sur l’éclairage led, l’éclairage solaire, pourquoi ce choix ; il s’agit de l’argent public, il est important de se montrer pédagogue et de faire prendre conscience des économies réalisées à court terme. Surtout, les espaces publics sont plus confortables, plus agréables la nuit, et plus vertueux sur le plan écologique. L’agglomération est désormais engagée dans une démarche respectueuse de l’environnement et qui tient compte du confort des usagers. Cette opération permet de diminuer les consommations, d’alléger la facture d’électricité, de faciliter le travail de nos services techniques tout en améliorant le bien-être des habitants !

Propos recueillis par Isabelle Arnaud

Isabelle ARNAUD: Rédactrice en chef de la revue Lumières
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