Multiples et complexes, les enjeux de l’éclairage muséographique reposent sur des principes qui peuvent sembler contradictoires : mettre en valeur et protéger les œuvres, donner à voir mais limiter les temps d’exposition, assurer le confort du public tout au long de sa visite.
L’éclairage des musées soulève de nombreuses questions ; pour y répondre, nous avons interrogé deux concepteurs lumière et quatre fabricants dont les savoir-faire et les expertises se croisent et se complètent. Bien entendu, nombreux sont les experts qui auraient pu eux aussi apporter leur expertise, mais nos colonnes (papier) ne suffiraient pas pour recueillir tous ces témoignages.
Spécialisé dans l’éclairage muséographique et patrimonial depuis les années 2000, Alexis Coussement (agence ACL) a réalisé l’éclairage de musées tels que Cluny, Carnavalet à Paris, le musée du Gévaudan à Mende et bien d’autres encore.
Le concepteur lumière répond toujours avec un scénographe, un graphiste, à un programme qui a été établi par le musée, par le muséographe – à ne pas confondre avec le scénographe qui, lui, va dessiner les espaces alors que le muséographe va plutôt mettre en séquences un propos, un découpage et suivre la contextualisation du projet. « Nous sommes souvent au croisement de deux missions, explique-t-il : valoriser et montrer les collections, d’une part, préserver et conserver les collections, d’autre part. Il faut accueillir les collections et présenter avec le plus de justesse possible, des œuvres et des objets dans un espace muséographique, en articulant et mettant en évidence le propos scientifique. Cela ne se fait pas sans prendre en compte les éléments historiques et patrimoniaux du musée, les éléments architecturaux (est-ce une rénovation, une création?), les dimensions, les volumes, les classements de sensibilité à la lumière (norme 16163), la diversité des œuvres. »
L’approche lumineuse en lien avec la scénographie
La lumière du jour peut être un atout mais aussi une catastrophe, il faut savoir la maîtriser, « et c’est à nous d’alerter les architectes lorsque cela est possible, poursuit Alexis Coussement. Nous devons tenir compte des normes (EN12-464, les normes énergétiques et normes d’accessibilité), respecter les questions de sécurité, par exemple il peut être nécessaire d’installer les œuvres dans les vitrines, ce qui peut poser des problèmes de reflets. Ainsi, nous définissons l’approche lumineuse en lien étroit avec la scénographie et l’architecture. » Pour Alexis Coussement, le travail s’effectue en équipe : la scénographie raconte le propos de la collection, définit les espaces, les couleurs, les points de vue, les agencements de vitrines, les mises en regard des objets, jusqu’à la dramaturgie, et la théâtralisation des collections. Dans le même temps, le projet d’éclairage doit prendre en compte le confort visuel et l’accessibilité pour un public très varié : avec le contrôle de l’éblouissement, l’absence de reflets, des niveaux lumineux contraints aussi bien en termes de hauteur de l’œil (par rapport aux enfants, aux personnes en fauteuil) que d’acuité (et de déficience visuelle), pour la vision de l’œuvre que pour la lecture des cartels. Et Alexis Coussement d’ajouter : « On est partagé entre l’envie de voir à l’extérieur et de laisser entrer la lumière du jour, la nécessité de préserver les œuvres, la tentation de scénariser, dramatiser. Comment créer les contrastes, jouer sur les puissances lumineuses entre le objets et les espaces; accompagner la médiation ? » En amont, le conservateur et le concepteur lumière échangent, afin de raconter ou de mettre en valeur par la lumière ; elle suit le fil conducteur de la scénographie : est-ce chronologique, thématique ? Enfin, la donnée la plus importante pour la préservation des œuvres repose sur la notion de temps d’exposition qui s’exprime en lux.heures.
Valoriser en préservant
Le Centre de recherche et de restauration des Musées de France préconise à l’heure actuelle une exposition de 15 000 lux.heures par an pour les objets sensibles. « Mais il faut savoir, précise Alexis Coussement, que les dentelles en lin doivent être éclairées à plus de 50 lux, sinon elles jaunissent! Pour les expositions permanentes, cela pose un problème car les œuvres peuvent atteindre ce niveau très rapidement. Il y a donc dans ces musées des stratégies de rotation des œuvres, d’art graphique ou de textiles. De plus, les objets vont répondre différemment à la façon dont on va les valoriser par la lumière. Souvent, l’image de l’objet va nous permettre d’anticiper mais c’est au réglage et lors des essais qu’on finalise la mise en lumière. »
Il n’est pas interdit de jouer sur les différents éclairages et Alexis Coussement ne s’en prive pas : au musée d’Art moderne de Paris, il a mis en place, dans une même salle, un éclairage général et un autre de théâtralisation, avec des teintes froides pour le premier et des teintes chaudes pour le second. Autre exemple : les vitraux au musée de Cluny étaient précédemment dans une salle à part, complètement noire, et rétroéclairés. Lors de la rénovation, le scénographe Adrien Gardère n’a pas séparé les vitraux des autres objets de la même époque ou de la même thématique, et l’éclairage est totalement différent.
« Je peux donner un autre exemple où l’éclairage s’est vraiment adapté à l’objet. Nous travaillons sur des stèles archéologiques avec des gravures mais celles-ci ont été découvertes après les objets eux-mêmes. On a testé l’éclairage pour chacune des stèles, et défini l’angle sous lequel il fallait que la lumière arrive : par le dessus, par les côtés. Dans ce cas, on construit vraiment la mise en lumière de l’objet. »
Entre magie et sorcellerie
Une des difficultés de la mise en lumière consiste à supprimer, voire limiter tout reflet, qu’il soit dû aux vitrines, aux objets eux-mêmes, ou encore aux fenêtres. Non seulement il faut éviter les reflets mais aussi la création d’ombres, par exemple générées par le visiteur lui-même. « Il y a aussi tout un travail sur la mise en valeur des matières, rappelle Alexis Coussement. C’est là qu’il faut qu’on utilise toute la magie, toute la sorcellerie de l’éclairage ! La lumière qui se déplace dans le vide ne produit rien, on ne la voit pas, on ne la voit que lorsqu’elle touche un objet; elle va donc avoir énormément d’interactions avec les différentes matières : minérales, végétales, organiques, papier, marbre, pierre, plâtre. Il faut à la fois maîtriser ces interactions et s’en servir pour comprendre les volumes et mettre en valeur les sculptures, par exemple. Nous nous devons aussi de respecter les couleurs et donc de faire appel à des IRC très élevés et de choisir des températures de couleur en adéquation avec les objets et la collection.»
Enjeux écologiques et économiques
Les musées n’échappent pas à la règle : il faut baisser la facture d’électricité et utiliser des matières recyclées. « Au musée de Cluny, raconte le concepteur lumière, la solution mise en place a permis de remanufacturer des luminaires existants et ainsi, de convertir en leds une bonne partie du musée. On s’est appuyé sur une grande variété d’espaces que le visiteur rencontre au long du parcours, des salles avec une grande hauteur sous plafond, d’autres très étroites : on a essayé de rendre justice à chaque œuvre, que chaque objet soit magnifié et éclairé, un par un. En éclairage muséographique, on fait vraiment de la haute couture, du sur-mesure. On a éclairé le musée Méliès à la cinémathèque française, dont beaucoup d’objets jouent avec la lumière frontale. La lumière y raconte une histoire par son effet brut sur les objets et les espaces, mais également par son évolution dans le temps, voire son interactivité avec les visiteurs qui peuvent jouer avec, “manipuler” l’éclairage. »
Analyser la typologie des œuvres
Stéphanie Daniel, conceptrice lumière, en est convaincue elle aussi : en plus de bien connaître l’environnement du musée, il est nécessaire de comprendre le parcours scénographique et d’analyser la typologie des œuvres. C’est exactement ce qu’elle a fait pour imaginer le nouvel éclairage du Centre spatial Guyanais situé à l’intérieur du Centre national d’études spatiales. Inauguré en 1996, il a subi une complète rénovation : les objectifs de la structure ont été repensés pour en faire un centre d’interprétation, un lieu qui favorise la compréhension du CSG et met en valeur ses missions. L’ossature du bâtiment actuel, avec sa forme caractéristique en octogone, a été conservée, mais à l’intérieur, l’espace a été complètement restructuré pour permettre la création de nouvelles zones d’exposition sur trois niveaux. La rénovation du musée est portée par le CNES, assisté de la Semeccel de Toulouse. Le groupement Présence est chargé de la maîtrise d’œuvre, qui comprend deux volets : les travaux d’aménagement sur le bâtiment et la rénovation du parcours muséographique avec la participation de Stéphanie Daniel, chargée de la conception lumière. L’espace central, appelé «la clairière des lanceurs» qui mesure environ 10 m de haut, accueillera des maquettes de fusées et un show multimédia et lumineux (en DMX) adapté au film qui sera projeté.
Stéphanie Daniel a conçu deux effets de lumière avec des projecteurs intégrés à la structure métallique : l’un destiné à éclairer les maquettes et les cartels en dessous, et un éclairage destiné aux circulations.
Tout autour de ce noyau sont aménagées des salles d’exposition rondes, métalliques, ouvertes sur la clairière sur deux niveaux. Des rails en croix sont intégrés aux plafonds des salles et recevront les luminaires pour l’éclairage général. Par ailleurs, un tube lumineux différent et des rubans leds un peu «satellitaires» permettront d’obtenir une ambiance dans chaque îlot. « Il fallait s’inscrire dans l’architecture hors du commun du centre spatial et être très proche des thèmes abordés. Pour cela, j’ai utilisé des luminaires à gobos qui projetteront des images satellitaires sur les fusées. »
Un éclairage dynamique pour redonner à voir
La démarche n’était pas si différente, finalement, lorsque la conceptrice lumière s’est emparée de la rénovation de l’éclairage intérieur du château d’Azay-le-Rideau. Bâti sous le règne de François Ier par Gilles Berthelot, financier du roi, le château d’Azay-le-Rideau présente une subtile alliance de traditions françaises et de décors innovants venus d’Italie. Devenu une icône du nouvel art de bâtir du Val de Loire au XVIe siècle, il est aujourd’hui considéré comme l’un des fleurons de l’architecture de la première Renaissance française.
Enthousiasmée par le succès des soirées lumineuses extérieures, Nathalie Muratet, cheffe du secteur culturel, château d’Azay-le-Rideau, a demandé à Stéphanie Daniel de moderniser l’éclairage intérieur du château, en restant dans un budget très serré. La conceptrice lumière a eu l’idée d’intégrer dans chaque luminaire une carte Casambi permettant de les piloter. Deux scénarios ont été créés et programmés à heures fixes : jour et nuit avec moins d’intensité, un peu intimiste dans une ambiance chaleureuse. Les scénarios peuvent être modifiés par le régisseur du musée à partir d’un ordinateur. D’autres salles vont être équipées cette année.
Stéphanie Daniel est aussi intervenue, avec des solutions Erco, sur l’éclairage de la fresque La Fée Électricité, de Raoul Dufy, au musée d’Art moderne de Paris. La fresque déploie l’histoire de l’électricité et de ses applications, depuis les premières observations jusqu’aux réalisations techniques les plus modernes.
Le tableau est formé de 250 panneaux en contreplaqué mesurant chacun 2 m de hauteur sur 1,20 m de largeur. L’éclairage a été renouvelé en utilisant des projecteurs leds qui permettent un niveau plus intense et uniforme sur les 600 m² de l’œuvre et ses 10 m de haut. Ce changement d’éclairage a permis une économie d’énergie de près de 15 %. Grâce à la programmation de 10 scénarios différents, les médiateurs peuvent faire un focus sur telle et telle partie. Tandis que l’ensemble de la fresque reste éclairé uniformément, chaque médiateur peut choisir, à partir de sa tablette, de baisser l’intensité de la zone environnant le détail mis particulièrement en lumière et sur lequel il souhaite donner des explications précises. Trois autres scénarios sont proposés pour les privatisations.
Technologie et souplesse
Pour Matthew Cobham, directeur du développement des marchés internationaux, Erco, membre de l’ICOM, « c’est ainsi qu’il faut considérer l’éclairage des musées : penser que l’on cherche à donner à voir au plus grand nombre en cherchant l’équilibre entre l’expérience muséale et la préservation des œuvres, car il y a conflit entre les deux. Et n’est pas la même pour tous : les groupes scolaires ne regardent pas un tableau comme les personnes âgées ou comme les académiques qui veulent étudier une œuvre ».
L’essentiel réside dans une lumière qui répond aux attentes de l’observateur, fût-il conservateur, scénographe, scolaire, personne âgée…
Le Caravage a révolutionné l’art de la peinture par son utilisation unique de l’ombre et de la lumière, les jeux d’ombre et de lumière ne sont pas seulement sa signature, ils attirent le regard. « On croit savoir qu’il aimait peindre sous la lumière naturelle, souligne Matthew Cobham, mais doit-on pour autant éclairer ses tableaux avec un éclairage similaire ? » Rembrandt est célèbre pour ses clairs-obscurs, une technique qui crée un contraste frappant entre la lumière et l’ombre. La question est : doit-on éclairer les œuvres des peintres de la même façon qu’ils s’éclairaient eux-mêmes lorsqu’ils peignaient, ou doit-on éclairer les peintures pour donner à voir aux visiteurs ?
Selon Matthew Cobham, « la lumière joue un double rôle : elle a un pouvoir d’attraction vers le musée lui-même et permet aussi de raconter l’histoire d’une toile. Quant à vouloir recréer la lumière existante lorsque l’artiste a peint l’œuvre, je crois que c’est impossible, car on ne regarde pas une œuvre dans les conditions où l’artiste l’a peinte. Notre rôle à nous, fabricants, c’est de proposer des outils avec le plus de souplesse possible pour réaliser cet éclairage. Cette souplesse permet de s’adapter aux différentes expositions, les œuvres ont parfois une rotation très rapide et il faut que tous les outils d’éclairage soient disponibles ».
Matthew Cobham insiste sur la souplesse des solutions mises à disposition des concepteurs lumière. « Il est entendu qu’un IRC élevé convient le mieux pour éclairer un tableau, mais nous avons réalisé des tests à l’aveugle avec des IRC différents et avons été surpris de constater que parfois, les visiteurs préféraient des IRC moins élevés. Je pense qu’il ne faut pas forcément s’arrêter à la théorie, mais aussi prendre en compte le ressenti des visiteurs et essayer, de façon générale, de proposer des produits qui offrent le plus de choix et surtout de souplesse possibles. »
Ainsi, Erco propose, au sein d’un même produit, plusieurs températures de couleur; il est possible de changer les lentilles, les plages de flux sont très larges afin de couvrir le plus grand nombre de besoins dans une même salle (œuvres, cartels, ménages, circulations, etc.). « De plus, poursuit Matthew Cobham, nos appareils présentent une valeur SDCM (Standard Deviation of Colour Matching) de 1,5. » La valeur SDCM décrit, au moyen des ellipses définies par MacAdam, la cohérence chromatique (variation de la localisation chromatique) des sources lumineuses. Plus la valeur SDCM est petite, plus l’écart possible de la couleur de lumière par rapport aux coordonnées de couleur spécifiées dans les caractéristiques techniques de la source lumineuse est faible. Toutes les leds qui se trouvent dans l’aire délimitée par la première ellipse sont perçues par l’observateur comme étant identiques quant à leur localisation chromatique (SDCM = 1).
Les leds qui se trouvent dans la zone délimitée par la deuxième ellipse et également, sous certaines conditions, dans celle correspondant à la troisième ellipse, sont perçues comme étant très similaires. C’est à partir de SDCM = 4 que les différences sont perçues.
Le pilotage de l’éclairage est aussi un outil important qui permet de s’adapter au musée. Par exemple, l’extension du musée Matisse à Nice et les travaux conçus par l’architecte Jean-François Bodin ont été l’occasion d’actualiser la façon dont la lumière est pilotée dans tous les espaces. Depuis 2017, l’éclairage est passé à des appareils leds, combinés à des systèmes de pilotage pour gérer l’éclairement. L’entrée des visiteurs est située dans l’extension, sous le rez-de-chaussée, et c’est en face de la billetterie qu’est exposée Fleurs et fruits, de 4,10 x 8,7 m. Malgré l’omniprésence de l’œuvre, lors de l’achat de leurs billets, nombreux étaient les visiteurs qui passaient devant sans y prêter attention. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’idée est venue d’utiliser le Tunable White et une lumière dynamique en choisissant le spectre intéressant pour cette œuvre, afin de raconter son histoire, d’attirer l’attention des visiteurs et de réduire le temps d’exposition cumulé à la lumière. « Nous avons un devoir de mise en valeur des œuvres et nous devons les protéger pour les générations futures », affirme Matthew Cobham.
Des solutions dédiées aux musées
Cyril Jaquillard, chef de produits, Sylvania Group, adhère également à cette idée et explique comment la marque Concord a développé des gammes dédiées à l’éclairage muséographique comme le Beacon, projecteur sur rail, orientable, qui se décline en sept modèles. Sans cesse mise à jour, la gamme, cette année, va connaître un complet renouveau avec des versions lancées dans les prochains mois.
« L’éclairage joue un rôle clé dans tous les espaces d’exposition, explique Cyril Jaquillard, et notre bureau de recherche et développement s’est attaché à étudier les besoins des musées afin que l’éclairage permette de modifier l’ambiance du lieu, attire le regard sur des œuvres particulières, guide le visiteur dans son parcours, de l’entrée jusqu’à la sortie. L’éclairage d’espaces de musées ou de galeries doit mettre en lumière et souligner la texture, la couleur et la forme des pièces exposées, qu’il s’agisse d’objets historiques, d’œuvres d’art moderne, de tableaux ou de sculptures. »
Les gammes Beacon se déclinent en plusieurs tailles (de 80 et à 114 mm pour les diamètres) pour couvrir des besoins très larges et répondre à des spécificités techniques ou des usages.
« Après presque vingt ans d’existence, le Beacon fait peau neuve avec des caractéristiques améliorées, poursuit Cyril Jaquillard. Son efficacité lumineuse atteint presque 130 W/ lm et un IRC supérieur à 97 en standard sur l’ensemble de la gamme. Fabriqué en Europe (Angleterre), il présente une durée de vie de 90000 heures en L90. »
Il offre une température de couleur ajustable de 1800 K à 6500 K. Grâce à la variété d’angles de faisceau disponibles, l’optique de Beacon est réglable de 8° jusqu’à 60°, les concepteurs et les conservateurs peuvent créer l’effet désiré, qu’il s’agisse de mettre l’accent sur un petit objet posé sur un socle ou d’illuminer une sculpture.
« Beacon est proposé dans des versions DALI, poursuit Cyril Jaquillard, et avec un potentiomètre intégré qui permet de jouer sur le flux du projecteur, ainsi que des versions dotées de la technologie de gestion SylSmart StandAlone qui utilise le protocole Casambi, permettant de travailler des scènes, des groupes de projecteurs, des éclairages dynamiques. »
L’esthétique de Beacon a été entièrement revue, avec désormais un transformateur et un adaptateur intégrés dans le corps du produit et des corps aluminium en blanc ou noir (les composants sont tous de la même couleur).
Le Círculo de Bellas Artes de Madrid
« Même si nous améliorons sans cesse les performances de nos gammes, indique Cyril Jaquillard, nous restons très flexibles dans nos études d’éclairage muséographiques, à l’instar du CBA de Madrid qui a fait appel à Sylvania pour éclairer la coupole centrale de la salle de bal, l’antichambre “Fuentecilla” (appelée ainsi en raison de sa fontaine centrale) et les salles d’exposition Picasso et Goya. »
L’éclairage de la coupole a été le projet le plus récent. Divisé en huit segments, il est décoré dans des tons clairs qui apportent luminosité et ornementation des volumes. L’objectif était de baigner de lumière l’ensemble de la coupole et de mettre en valeur la structure, d’accentuer les couleurs et de transmettre de la profondeur, puisque le cercle central ne pouvait pas être vu. Seizeprojecteurs Pixo ont été installés, sélectionnés pour leur longue durée de vie, et leurs optiques. Dans la Fuentecilla, l’installation de projecteurs Ludospot 111 avec leur accessoire de montage en surface a permis d’uniformiser l’éclairage de la pièce, qui était auparavant assez sombre, et de mettre en valeur ses couleurs dorées. Seules 13 unités ont suffi pour atteindre les objectifs demandés par le CBA.
Dans les salles Picasso ou Goya, la gamme de projecteurs Beacon a été choisie, avec trois versions différentes, une Wall Washer, la XL pour un faisceau élargi et sa version Muse II. Ces produits ont permis d’ajuster et de réguler l’éclairage des salles, en soulignant les œuvres à mettre en valeur par l’ouverture ou la fermeture du faisceau lumineux, en structurant les espaces et en offrant une expérience de visite parfaitement adéquate.
Les produits ont été modifiés avec une puce pour transmettre la lumière chaude demandée par le CBA, et leur IRC 97 permet une parfaite retransmission des couleurs, importante dans toute exposition. La gradation produit par produit a été effectuée pour obtenir la combinaison parfaite des espaces.
Précis, exigeant, qualitatif, contrôlé et contrôlable
Ce sont en ces termes que Vincent Loppé directeur technique, iGuzzini France, définit l’éclairage muséographique, termes auxquels il ajoute : discret et sur mesure.
« Commençons par la précision, annonce-t-il : elle passe par la fabrication d’optiques professionnelles, c’est-à-dire que nous allons développer les optiques autour de leds qui existent sur le marché, que l’on va choisir les meilleures leds en fonction de notre besoin et de l’application, avec un IRC 97 par exemple. Le choix des leds va aussi porter sur le SDCM, égal à 2, chez iGuzzini, car il est indispensable de bénéficier d’une stabilité de la qualité de la led tout au long de la durée de vie des luminaires. »
Pourquoi contrôlé et contrôlable ? La réponse est simple : on ne peut pas dépasser une certaine quantité de lux par an, en fonction des types des matériaux plus fragiles que d’autres. « Par exemple, détaille Vincent Loppé, pour une œuvre qui n’est pas particulièrement sensible, on peut éclairer à 36000 lux par an. Soit on fait 50 lux pendant 3 mois à raison de 8 heures par jour, soit 25 lux pendant 4 heures par jour sur 12 mois. »
Selon Vincent Loppé, il est important d’aborder le projet d’éclairage différemment selon qu’il s’agit d’exposition permanente ou temporaire. « On a tendance à penser, remarque-t-il, que l’éclairage muséographique est seulement de l’éclairage d’accentuation, mais c’est une idée reçue. En effet, on a souvent recours aux Wall Washers pour des expositions temporaires (les œuvres sont variées et de plusieurs formes et tailles) ou de projecteurs sur rails orientables pour les adapter (en ajouter ou en enlever, par exemple). Nous nous devons de proposer des solutions avec une large profondeur de gammes. » Un seul projecteur doit offrir de multiples possibilités : un choix d’optiques, différents types de faisceaux, serrés ou larges, des températures de couleur différentes (3000 K ou 4000 K ou 2700 K et la possibilité de faire varier). Une nouvelle température de couleur est apparue sur le marché européen, c’est le 3500 K, surtout pour l’art contemporain (avec IRC de 97).
« Il est intéressant que la gamme de projecteurs standards comprenne aussi des cadreurs, constate Vincent Loppé, indispensables à l’éclairage des tableaux. iGuzzini a développé un nouveau produit beamer avec effet de zoom : entre 15° et 50° d’ouverture; ce qui offre au conservateur une grande souplesse de réglage. »
L’éclairage doit être contrôlable, non pas tant pour réaliser des économies d’énergie (même si dans un musée la question des consommations est cruciale), mais surtout pour gérer la lumière : soit avec une gestion en DALI avec une programmation en amont; soit à l’aide de gradations manuelles que les conservateurs préfèrent, selon Vincent Loppé, car ils peuvent affiner la scénographie. Ce qui est encore plus vrai dans les galeries, où les mêmes techniques d’éclairage sont utilisées, mais à des échelles beaucoup plus réduites.
L’intelligence des services
L’accès à des services intelligents est très simple, par exemple avec la technologie beacon, qui consiste à positionner des petits modules sur les luminaires, qui permettent d’obtenir via un téléphone portable des informations sur l’œuvre. Elle offre aussi la possibilité d’obtenir des relevés de durée d’occupation devant certaines œuvres (pour ajuster l’éclairage par exemple). Le fabricant propose aussi un nouveau système qui permet de changer le réfracteur et de modifier la distribution lumineuse, on peut passer d’un 16° à 30° ou 40° d’ouverture (système push & go). Il est intégré dans le modèle Palco et dans les nouvelles gammes.
« La miniaturisation des appareils devient un gage de respect de l’environnement : moins de matières utilisées, souligne Vincent Loppé. Un très bon exemple est le musée des Arts décoratifs à Paris, dans la galerie des bijoux, où la fibre optique a été remplacée par de tout petits appareils leds. Parfois, il ne faut pas hésiter à assombrir les espaces afin de mieux les mettre en valeur par la lumière artificielle. »
Enfin, Vincent Loppé revient sur le réglage définitif des faisceaux, qui doit se faire seulement lorsqu’on a pris connaissance des objets exposés, de leur forme, matière et couleur.
« Il faut aussi éclairer les ateliers de restauration des œuvres, rappelle-t-il. Ce sont des espaces souvent oubliés dans les cahiers des charges : on préconise un éclairement général de 200 ou 300 lux accompagné d’un éclairage d’appoint que les restaurateurs se procurent eux-mêmes. » iGuzzini propose également des projecteurs comme le Palco qui se déclinent pour l’extérieur, offrant une unité de produits.
Allier bien-être, perception et protection de l’art
Tobias Jonk a étudié la décoration d’intérieur, l’architecture et la conception centrée sur l’homme. Actuellement basé à Lemgo, en Allemagne, où Zumtobel produit tous ses luminaires, il est responsable du développement de l’application art et culture. À ce titre, il s’entretient avec les institutions pour comprendre les besoins de demain et développer des solutions adaptées. En outre, il dirige le département marketing de l’art et de la culture.
Pour Tobias Jonk, trois choses sont essentielles dans l’éclairage des musées : le bien-être des visiteurs, la perception de l’art et la protection de l’art. « Pour moi, le musée a quatre missions, explique-t-il, collecter, préserver, rechercher et communiquer. Tout ce que nous faisons est destiné aux personnes, l’humain. Nous pouvons contribuer à remplir les trois derniers points. La lumière étant un rayonnement, elle modifie la matière sur laquelle elle brille. Cela peut prendre des siècles, ou seulement quelques heures comme une brûlure de soleil, mais la lumière change la matière. Depuis 14 ans, nous menons des recherches sur la prévention des dommages sur les œuvres d’art. Nous avons beaucoup appris et développé un spectre spécial avec moins de radiation, mais toujours des IRC élevés. Le développement durable n’est pas seulement une question d’économies d’énergie, c’est aussi et surtout une question de préservation de l’art pour les générations futures. »
Pour Tobias Jonk, il existe trois niveaux d’éclairage : l’éclairage direct comme le soleil, l’éclairage global qui vient du ciel et l’éclairage périmétrique, qui est la réflexion de la lumière vers le haut des deux premiers. C’est dans ce scénario que l’œil humain voit le mieux, car il a grandi dans ces conditions pendant des millions d’années. « Alors, pourquoi ne pas utiliser ce scénario d’éclairage pour la perception de l’art, interroge Tobias Jonk. Une fenêtre de ciel artificiel représente le ciel, le lèche-mur apporte l’éclairage périphérique et le projecteur est la lumière directe du soleil. Avec une composition fine des niveaux d’éclairement et de bons contrastes, il est même possible que la lumière ressentie paraisse encore plus puissante. Cela permet d’économiser de l’énergie et de préserver l’art! Bien sûr, chaque matière a son propre seuil et réagit différemment aux radiations, comme le montre notre livre blanc sur l’Arlequin, de Picasso, sur notre site. »
La technologie au service de la conservation
En jouant sur le temps d’exposition, l’intensité et le spectre, il est possible d’optimiser la perception par différents angles d’éclairage.
Tobias Jonk explique que la durée peut être contrôlée par des capteurs connectés qui mesurent la luminosité et la présence ; ou en éteignant l’ensemble de l’éclairage lorsque personne n’est présent. Si les capteurs sont connectés les uns aux autres, la lumière s’allume dans la salle d’exposition lorsque le visiteur arrive dans une salle, de sorte qu’il n’a jamais l’impression de pénétrer dans un espace sombre. « Nous pouvons aussi agir sur le spectre, poursuit Tobias Jonk. Nous avons appris à optimiser la perception des couleurs avec un IRC élevé, ce qui signifie un spectre plein de toutes les couleurs, mais aussi à réduire l’intensité au minimum. C’est ainsi que nous avons réalisé nos premiers essais avec des leds dotées d’un IRC 97 et un très faible éclairement qui permet de prolonger la durée d’exposition jusqu’à 44000 heures, ce qui représente environ 12 ans d’exposition, avant qu’une remise à neuf ne soit nécessaire. »