La transition énergétique, autrefois une simple aspiration, est aujourd’hui une réalité palpable, alimentée par des innovations technologiques et des politiques publiques ambitieuses. Au cœur de cette révolution se trouvent les infrastructures de recharge pour véhicules électriques (IRVE), éléments essentiels pour soutenir et accélérer l’adoption des VE.
Les IRVE ne se contentent pas de répondre à un besoin croissant de recharge des batteries ; elles symbolisent une nouvelle ère où la gestion intelligente de l’énergie et l’intégration des énergies renouvelables deviennent des priorités. Qu’il s’agisse de bornes de recharge domestiques, de bornes publiques ou de stations de recharge rapide, chaque installation contribue à un réseau de mobilité plus vert et plus efficient.
Pour les électriciens professionnels, ce secteur en pleine expansion représente une opportunité majeure. En effet, depuis le début de l’année, ce sont près de 12 000 points de recharge qui ont été ouverts au public sur le territoire, soit une augmentation de 30 % sur 12 mois. Maîtriser les subtilités techniques, comprendre les normes et réglementations, et savoir installer et maintenir ces infrastructures sont des compétences désormais cruciales. Les IRVE offrent non seulement de nouvelles perspectives de marché, mais elles renforcent également le rôle central des professionnels de l’électricité dans la transition vers une économie décarbonée.
Différents types d’IRVE pour tous les besoins
Les IRVE désignent l’ensemble des équipements permettant de recharger les batteries des véhicules électriques. Elles se déclinent en plusieurs types, chacun adapté à des usages spécifiques.
Les bornes de recharge domestiques sont les plus courantes pour les particuliers. Installées dans les garages ou les allées privées, elles permettent de recharger un véhicule électrique à domicile, généralement pendant la nuit pour profiter notamment du tarif heures creuses. Un modèle emblématique est la Wallbox Pulsar Plus, réputée pour sa compacité et son efficacité. Ce type de borne utilise une puissance de 3,7 kW à 22 kW, en fonction de l’installation électrique disponible, offrant une recharge complète en plusieurs heures. L’avantage principal est la commodité de pouvoir recharger chez soi sans contrainte de temps, bien que la vitesse de recharge soit plus lente comparée à d’autres types de bornes. Le tarif de la recharge est également plus avantageux que sur une borne publique.
Les bornes de recharge publiques sont déployées dans des parkings, sur des places de stationnement en ville, et dans des centres commerciaux. Elles sont accessibles à tous et leur puissance varie entre 7 kW et 22 kW. Un exemple est la borne EVBox BusinessLine, largement utilisée en Europe pour sa fiabilité et ses options de paiement intégrées. Ces bornes sont idéales pour les utilisateurs urbains qui n’ont pas de place de stationnement privée. Cependant, elles peuvent parfois être occupées, nécessitant une planification pour trouver une borne libre.
Les stations de recharge rapide, comme celles proposées par Tesla avec ses Superchargers ou les bornes Ionity, offrent des puissances de 50 kW à 350 kW. Elles permettent de recharger un véhicule électrique à 80 % en moins de 30 minutes, ce qui est parfait pour les longs trajets sur autoroutes. Leur principal avantage est la rapidité de la recharge, indispensable pour les conducteurs pressés. Néanmoins, le coût de la recharge est souvent plus élevé et ces stations nécessitent une infrastructure électrique plus complexe et coûteuse à mettre en place.
Les stations de recharge ultra-rapides sont la pointe de la technologie, avec des puissances allant jusqu’à 350 kW. Elles sont encore peu répandues mais en croissance, ciblant principalement les véhicules les plus modernes et les trajets longue distance. Un exemple notable est la borne ultra-rapide ABB Terra HP, capable de fournir 200 km d’autonomie en moins de 10 minutes. Si ces stations sont extrêmement performantes, leur déploiement reste limité en raison des coûts d’installation et de maintenance élevés.
Des contraintes administratives…
La mise en place d’une IRVE est encadrée par un ensemble de normes et de réglementations destinées à garantir la sécurité, l’efficacité et l’interopérabilité des systèmes de recharge.
En France, la loi de transition énergétique pour la croissance verte impose des obligations spécifiques concernant les IRVE, par exemple équiper les nouveaux bâtiments résidentiels et non résidentiels de précâblage pour accueillir des bornes de recharge. Les parkings de plus de 10 places doivent également prévoir un certain nombre de bornes de recharge ou des pré-équipements facilitant leur installation future.
Au niveau européen, la directive 2014/94/UE sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs impose aux États membres de mettre en place un cadre pour le développement des IRVE. Cette directive établit des objectifs et des mesures pour assurer l’accessibilité et la compatibilité des bornes de recharge à travers l’Europe.
Les connecteurs et prises de recharge doivent également respecter des normes spécifiques. Le connecteur Type 2 (norme IEC 62196-2) est le standard le plus courant en Europe pour les bornes de recharge publiques et privées. Ce connecteur assure une compatibilité optimale avec la plupart des véhicules électriques vendus en Europe.
L’installation de bornes de recharge nécessite aussi des démarches administratives et le respect de certaines obligations légales. Les installateurs doivent, par exemple, obtenir une autorisation de l’assemblée générale de copropriété pour installer une borne dans un parking résidentiel collectif.
Pour les entreprises et les collectivités, l’installation de bornes de recharge dans les espaces publics doit souvent être coordonnée avec les autorités locales pour s’assurer de la conformité aux plans d’urbanisme et aux réglementations environnementales. Les bornes doivent également être accessibles et respecter les normes d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite.
L’installation des IRVE s’inscrit également dans un cadre environnemental strict. Les réglementations imposent des mesures pour minimiser l’impact environnemental des infrastructures, notamment en favorisant l’utilisation d’énergies renouvelables pour alimenter les bornes de recharge. De plus, certaines subventions sont conditionnées au respect de critères environnementaux tels que l’efficacité énergétique et la réduction des émissions de CO2.
… et des contraintes techniques
La norme NF C 15-100, qui régit les installations électriques en France, inclut des dispositions spécifiques pour les IRVE. Elle impose des exigences en termes de dimensionnement des câbles, de protection contre les surcharges et de mise à la terre.
La norme internationale IEC 61851-1 spécifie les exigences générales relatives aux bornes de recharge pour véhicules électriques. Elle couvre divers aspects tels que la connexion, la communication entre le véhicule et la borne, ainsi que les critères de sécurité électrique.
Un diagnostic préalable du réseau électrique est souvent nécessaire pour s’assurer que l’infrastructure existante peut supporter la charge supplémentaire sans risque. En effet, si le chauffage représentait jusqu’ici le poste le plus énergivore du bâtiment, la recharge des véhicules électriques est en passe de prendre la première place. Si le véhicule électrique se démocratise de plus en plus, il est encore rare d’en compter plus d’un dans une habitation résidentielle. Mais il est nécessaire d’anticiper l’avenir : demain, un couple pourrait être équipé de deux véhicules électriques, voire d’un troisième pour un enfant en âge de conduire. Cela devient donc une réelle contrainte vis-à-vis de l’installation électrique qui devra pouvoir supporter cette demande (additionnée aux autres équipements déjà en place tels que le chauffe-eau et le chauffage électrique par exemple).
Pour répondre à ces contraintes techniques, les fabricants proposent de plus en plus des bornes de recharge dites « intelligentes ». Une borne de recharge classique fonctionne comme un chargeur de smartphone : elle présente une certaine puissance de charge et, lorsque le véhicule électrique est branché, celui-ci se charge à cette puissance. Une borne de recharge intelligente est généralement connectée, ce qui permet de modifier les paramètres de charge à distance, depuis un site internet ou une application mobile. Mais elle peut aussi « prendre des décisions » en fonction des informations qu’elle reçoit, pour faire des économies sur l’électricité, partager équitablement l’énergie entre plusieurs utilisateurs, équilibrer le réseau public d’électricité, etc.
La borne Terra AC Wallbox de chez ABB est par exemple dotée de capacités de communication très complètes : OCPP 1.6, RFID, Wi-Fi, Bluetooth, RJ45, 4G, Modbus, TCP/IP. Selon les besoins, tout peut être intégré ! Elle dispose de plus d’un système de gestion de charge qui utilise les données de consommation provenant d’un compteur intelligent installé en amont. Cette approche permet à la borne de recharge d’ajuster dynamiquement sa puissance en fonction de la demande énergétique instantanée.
Le modèle witty start de Hager peut, lui, intégrer un système de délestage automatique via la TIC (télé-information client), ainsi qu’un système de démarrage différé ou interrupteur horaire. La borne peut ainsi adapter la puissance de recharge (2,3 à 7,4 kW) en fonction de l’installation électrique et des tarifs du kWh les plus avantageux. La version witty solar a même la capacité d’utiliser l’énergie solaire pour recharger le ou les véhicules électriques des utilisateurs.
Associée au gestionnaire flow, la borne est intelligemment pilotée et permet une utilisation efficace de la production électrique, justement répartie entre la maison et la voiture.
Ce type de borne intelligente peut également venir s’intégrer dans un système de gestion d’énergie plus global afin d’optimiser la consommation d’énergie du bâtiment, comme c’est le cas avec le Viessmann Energy Management System (EMS) que nous évoquons dans le dossier consacré au chauffage connecté.
Une formation spécialisée nécessaire
Le décret n° 2017-26 relatif aux IRVE fixe les exigences techniques et de compétences pour les acteurs du marché. Les installateurs déployant des solutions de charge d’une puissance supérieure à 3,7 kVA doivent obtenir cette certification afin de répondre aux obligations fixées par le décret. Il existe 3 niveaux de certification et de formation pour répondre à ce besoin :
IRVE – formation de base (niveau 1) : cette formation vise l’installation de bornes de charge, sans configuration spécifique pour la communication ou la supervision.
IRVE – formation Expert (niveau 2) : cette formation est destinée à l’installation de bornes de charge jusqu’à 22 kVA, avec configuration pour bornes communicantes et supervision de station.
IRVE – recharge rapide : cette formation est destinée à l’installation de bornes de charge rapide de plus de 22 kVA.
Ces formations sont nécessaires non seulement pour la sécurité des installations, mais également pour l’obtention des aides financières, nécessitant l’appel à un professionnel qualifié IRVE.
Des aides financières possibles
Le déploiement des IRVE représente un investissement parfois important. Toutefois, diverses aides et subventions sont disponibles pour alléger ce coût, tant pour les particuliers que pour les entreprises et les collectivités.
Pour les particuliers, l’État français propose le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), qui permet de bénéficier d’un remboursement partiel des frais d’installation des bornes de recharge à domicile. Ce crédit d’impôt peut couvrir jusqu’à 75 % des dépenses engagées, dans la limite de 500 euros par borne installée. L’installation d’une borne par un professionnel qualifié profite également d’un taux de TVA réduit à 5,5 %. En outre, certaines régions et municipalités offrent des subventions complémentaires pour l’installation de bornes de recharge, ce qui peut réduire encore davantage le coût pour les particuliers.
Les entreprises peuvent également bénéficier de diverses aides financières pour l’installation de bornes de recharge. Le programme ADVENIR, financé par les Certificats d’économies d’énergie (CEE), est l’un des dispositifs les plus avantageux. Il offre des subventions pouvant couvrir jusqu’à 30 % des coûts d’installation pour les bornes accessibles au public et 20 % pour les bornes privées à usage interne des entreprises.
Les collectivités locales, quant à elles, disposent de plusieurs sources de financement pour déployer des IRVE sur leur territoire. Le Fonds Chaleur, géré par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), soutient les projets liés aux énergies renouvelables et à la mobilité durable. Les subventions peuvent couvrir une partie importante des coûts d’installation et de maintenance des bornes de recharge dans les espaces publics. De plus, les programmes régionaux et européens, comme le Fonds européen de développement régional (FEDER), offrent des aides substantielles pour les projets d’infrastructure de recharge.
Les fabricants de bornes de recharge, comme Schneider Electric, EVBox ou encore ABB, proposent souvent des solutions clés en main qui incluent des conseils sur les subventions disponibles et l’aide aux démarches administratives. Par exemple, EVBox propose un service d’accompagnement pour optimiser le montage financier des projets d’installation de bornes de recharge, maximisant ainsi les aides perçues.
Il est essentiel pour les porteurs de projets de bien se renseigner sur les aides disponibles au niveau national et local. Les sites des administrations locales, les chambres de commerce et les organisations professionnelles sont des sources précieuses d’information.
Dossier réalisé par Cédric Locqueneux pour la revue Smart Home Électricien+ juin-juillet 2024, à retrouver page 14 :