L’enjeu est triple sur les volets énergétique, confort, mais aussi santé pour les occupants, et donc au sens large, avec une problématique de santé publique largement étudiée par l’Observatoire de la Qualité de l’Air Intérieur (OQAI).
Les polluants proviennent le plus souvent de l’air confiné, de l’humidité, de la chaleur excessive mais également en ce qui concerne les polluants chimiques, de sources variées de matériaux de second œuvre, colles, peintures, parquets vitrifiés, moquettes, papiers peints et produits d’entretien mais aussi des ameublements. A cela s’ajoute l’environnement immédiat du bâtiment, avec au sens large la pollution extérieure liée par exemple au trafic urbain.
Des textes de références et des labels pour la QAI
A ce jour, le texte de référence est la règlementation pour les bureaux qui définit les débits minimaux par typologie d’usage.
S’ajoutent à cela des règles spécifiques pour certains de type de bâtiment tertiaire, typiquement les bâtiments scolaires et les environnements hospitaliers. Des objectifs peuvent aussi être liés aux labels de construction et de rénovation qui intègrent tous depuis plusieurs années, la composante QAI dans leur référentiel. Pour exemple, leAlliance HQE notamment propose un protocole et des règles d’application pour la mesure de la QAI en environnement tertiaire et de bureaux.
Le label INTAIRIEUR a constitué un référentiel technique avec un focus unique sur la QAI pour le bâtiment, ce référentiel technique de contrôle et d’accompagnement pouvant constituer pour les maitres d’ouvrage, une réponse pragmatique et adaptée ciblée sur les enjeux de la QAI. Le référentiel de certification WELL est lui centré sur la santé et le bien-être des collaborateurs et le label Osmoz aborde à la fois le bien-être et la performance RSE des organisations, de la conception du bâti jusqu’à la gestion / politique RH.
« Le secret de la longévité c’est de continuer de respirer »
Comme le dit avec humour l’écrivain Bruce Lansky, pour continuer de respirer et donc de bien respirer, les systèmes de renouvellement d’air ou ventilation ou encore les systèmes de purification sont des solutions adaptées et à décliner de façon différente suivant les situations rencontrées, mais aussi selon l’usage du bâtiment et la localisation des espaces qui y sont associés : une salle de réunion n’aura pas la même problématique de renouvellement d’air, qu’un open space ou un espace repos ou encore un couloir de circulation. Tous les systèmes du marché de gestion de l’air ont amélioré leurs performances, pour adapter les régimes de renouvellement d’air, mais aussi pour mieux filtrer et mieux et prévenir gérer les pertes de charges liées aux encrassements des filtrations. Certains systèmes peuvent combiner mesure de CO2 et taux de particules fines en sus de la maitrise de la température et de l’hygrométrie
Simuler la QAI
Le point de départ pour une bonne QAI, que ce soit pour le neuf ou en rénovation lourde, c’est bien entendu la conception, avec le bon dimensionnement du système de renouvellement d’air et des réseaux aérauliques, et le choix judicieux des emplacements de prises d’air neuf notamment. Ensuite le choix des équipements avec notamment les performances thermiques et aérauliques, suivi du travail de l’installateur avec le choix des réseaux aérauliques, leur bonne étanchéité et leur propreté à la mise en œuvre seront les autres étapes clés.
Pour Maxence Mendez, fondateur de la société Octopus Lab « une étape de plus peut être franchie en conception avec l’usage de l’intelligence artificielle qui va permettre de créer un modèle de simulation de la QAI du futur bâtiment, avec les concentrations de polluants – COVs et particules fines – mais aussi le risque d’infection virale, en s’appuyant sur à la fois les sources d’émission du bâti et des matériaux le constituant, mais aussi sur les transferts aérauliques et les interactions entre surfaces et polluants » De ce modèle, il est par exemple possible de simuler différents choix de matériaux, d’intégrer également la stratégie de ventilation (débit, mode de fonctionnement, filtre) et le type de système (Simple flux double flux ..) et d’étudier l’impact de la pollution extérieure et de la météo sur la QAI.
Pour une conception de bureaux, avec le moteur d’Octopus Lab, il a été possible d’identifier les choix de conception et de ventilation pouvant avoir un impact notable sur la QAI en simulant les matériaux, le mobilier, l’occupation prévue, le système de ventilation et de recirculation de l’air et la mesure des particules fines sur la zone industrielle siège du futur bâtiment, poursuit l’expert d’Octopus Lab.
Prédire la QAI et piloter la ventilation en conséquence
En plaçant un nombre limité de capteurs de QAI en complément de ceux existants, et en s’appuyant à nouveau sur les fondamentaux de la technologie d’IA d’Octopus Lab, il a été possible sur un projet tertiaire, par croisement des différentes données comme les taux d’occupation, les ouvertures de fenêtres et toutes les données pertinentes y inclus les prévisions météo, de déterminer les débits de ventilation en fonction de la prévision de la QAI, en prenant en compte les pics de pollution extérieure.
Il est ainsi possible de piloter la CTA d’un bâtiment avec un objectif double de limitation des concentrations en CO2 et en particules fines par exemple.
« Ces objectifs vont bien entendu être multiples et différents suivant les projets, mais dans tous les cas, la QAI prédictive permet d’aller plus loin dans les économies et, dans le cas présent, cela a permis de diminuer la charge de la CTA de plus de 60% tout en garantissant un confort optimal pour les occupants » ajoute Maxence Mendez.
Prédire et optimiser le confort thermique, la QAI et la performance énergétique
L’exemple d’un bâtiment de bureaux sur Lyon
Par Maxence Mendez, fondateur de Octopus Lab
Pour un immeuble de bureaux de 3 000 M2 en R+4 situé en région Lyonnaise, le projet mis en place a eu pour objectifs simultanés, via le moteur d’IA, de gérer à la fois l’amélioration de la QAI, le maintien du confort et la baisse des consommations énergétiques, explique Maxence Mendez.
La CVC en place dans le bâtiment se basait sur une PAC et plusieurs circuits de distribution, et, pour le côté ventilation, sur une centrale double flux. Des capteurs supplémentaires ont été installés aux différents niveaux. Pour ce projet, ce sont des capteurs multi-polluants mais aussi de mesure d’occupation et de confort général (température, humidité, lumière et bruit). On retrouve ainsi quatre capteurs multi-mesures par étage.
Via une passerelle vers la GTB en place, il a été possible de récupérer et remonter les températures des départs et retours des circuits de distribution, la température d’air des différents compartiments de la CTA, les débits/vitesses de la CTA. Les données sont ainsi remontées vers la supervision de la QAI, « INDALO Supervision » qui permet d’anticiper et éviter la pollution de l’air intérieur, mais aussi de réduire la sur-ventilation ou tout simplement ventiler au plus juste selon le nombre d’occupants, le nombre d’occupants heure par heure étant estimé en fonction notamment des paramètres de Température, hygrométrie, et CO2.
La solution en place optimise également la consommation générale de ventilation et de chauffage grâce aux prévisions de confort thermique et de QAI. Des tableaux de bord de la supervision « INDALO » d’Octopus Lab permettent d’avoir une vision globale et détaillée par pièce ou par zone des paramètres mesurés des polluants détectés et les prévisions de QAI sur les prochaines 24 H.
La passerelle retransmet ensuite à la GTB les différentes consignes des zones (CTA, boîtes à débit variables, chauffage et climatisation).
Avec l’algorithme de technologie prédictive, il est ainsi possible de trouver le meilleur compromis entre le besoin de chauffage, l’apport d’air neuf versus recyclé en fonction des objectifs de qualité d’air (par exemple CO2 et particules fines). Avec à la clé des économies estimées de plus de 70% via le pilotage prédictif des équipements CVC.
Mesurer pour mieux assurer la qualité de l’air
Anouvong Visouthivong, responsable technique B.E.G. France
Capteur de QAI, mais pour quelles mesures ?
Beaucoup de capteurs du marché se basent sur la mesure du CO2. La solution de B.E.G. est quant à elle basée sur une mesure de Composés Organiques Volatils (COV) dont la détection de substances dangereuses présentes dans l’air est plus appropriée. Par ailleurs, certains COVs sont particulièrement dangereux pour la santé : le benzène (provenant de l’extérieur) et le formaldéhyde (matériaux de construction, décoration et produits d’entretien) notamment, c’est pourquoi il est important d’effectuer un contrôle quotidien de la qualité d’air. La ventilation doit pouvoir réagir en fonction d’un seuil déterminé afin d’assainir l’atmosphère des polluants présents dans l’air ainsi que du CO2. De plus, le capteur de QAI va fournir des informations sur la température ambiante, l’humidité, le taux de CO2eq mais également sur d’autres mesures additionnelles possibles.
Quelle architecture type pour un projet de QAI ?
Il y a en tout premier lieu les capteurs de mesure de la qualité d’air qui sont déployés dans différentes zones du bâtiment. Ensuite sont typiquement déclinés :
- Les systèmes de CVC du bâtiment sont connectés au système de gestion en KNX pour permettre un contrôle centralisé et une optimisation en fonction des données des capteurs.
- La GTB qui constitue ensuite le cœur du système, recevant les données des capteurs et contrôlant les équipements de CVC en fonction des paramètres prédéfinis et des stratégies d’optimisation énergétique.
- Le réseau de communication assure la transmission des données entre les capteurs, la GTB et les équipements de CVC, et peut inclure des protocoles filaires comme KNX/IP, des passerelles vers le Modbus ou rester en réseau BACNET/IP.
- L’interface utilisateur : le serveur web de B.E.G. permet aux utilisateurs de surveiller les données de qualité de l’air, de contrôler les équipements de CVC et de configurer les paramètres du système.
- L’intégration avec d’autres systèmes : Le système peut être intégré avec d’autres systèmes de gestion de bâtiments, tels que les systèmes d’éclairage, de sécurité, de SME, etc., pour une gestion globale et cohérente du bâtiment.
Quelles fréquences de remontées et pour quels usages ?
Les considérations majeures à prendre en compte pour les fréquences de mesures sont :
1) Le temps de réaction : Dans certains environnements sensibles, le changement de QAI peut être rapide, en ce cas des remontées d’informations fréquentes sont nécessaires.
2) L’efficacité énergétique : une fréquence de remontées d’informations plus élevée peut permettre une optimisation plus précise des systèmes de CVC, contribuant ainsi à une efficacité énergétique optimisée au plus juste en fonction des besoins réels.
3) L’analyse des tendances : l’analyse des tendances de QAI peut être plus détaillée au fil du temps si l’échantillonnage de mesure est plus élevée, ce qui peut être utile pour identifier les sources de problèmes récurrents et mettre en œuvre des solutions préventives.
4) La capacité de stockage des données : il est également important de tenir compte de la capacité de stockage des données du système. Une fréquence trop élevée de remontées d’informations peut entraîner une surcharge de données.
5) La surcharge de bus : la charge de remontée d’information doit être estimée par rapport à l’ensemble du trafic sur le réseau KNX.
Pour chaque type de mesure, une ou des actions sont possibles : pour illustration, un défaut de QAI peut déclencher via la GTB une augmentation du débit d’air frais et d’extraction, tandis que des fluctuations de températures sur certaines zones, couplées éventuellement à la détection de présence, vont être utilisées pour optimiser les horaires de fonctionnement de la CVC, permettant d’éviter ainsi le gaspillage d’énergie lorsqu’une zone n’est pas occupée.
Jean-François Moreau