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Rassembler pour créer des synergies

Interview croisée avec Tristan De Witte (à gauche), président du groupe Rivalen, et Sylvain Palombo, président du groupe Lighting Developpement ©DR

Rivalen a pour objectif de réussir des synergies gagnantes en vue de pérenniser des entreprises, des emplois et des savoir-faire dans des territoires. Lighting Developpement accompagne ses clients, depuis 2018, tout au long de leurs projets d’éclairage fonctionnel et les soutient dans leur démarche de transition énergétique.

Rivalen est un investisseur-architecte qui ordonne, bâtit et développe les activités de marques acquises dans un même projet participatif. Rivalen regroupe cinq marques : Roger Pradier (créateur et fabricant français de luminaires d’extérieur depuis plus de 100 ans – Siège et site de production à Châteauroux, dans l’Indre) ; Sécurlite (fabricant français de luminaires longue durée et antivandalisme depuis plus de 30 ans – Siège et site de production à La Ferté-Bernard, dans la Sarthe) ; Brossier Saderne (né dans les années 1980 de la rencontre de deux ébénistes : Jean Brossier et Claude Saderne, qui, en 1987, créent la marque et se lancent dans la fabrication de luminaires sur mesure, principalement dédiés à l’hôtellerie – Siège et site de production à Beaucouzé, dans le Maine-et-Loire) ; Luzeva conçoit et fabrique depuis plus de 30 ans des luminaires d’intérieur originaux et qualitatifs – Siège et site de production à Lyon ; Radian, créé par Gérard de Longcamp en 1985, développe et fabrique des luminaires pour répondre aux exigences des architectes, concepteurs, bureaux d’études, ou donneurs d’ordres – Siège et showroom à Paris ; site de production à Bouaye, en Loire-Atlantique); ainsi que Hoël accélérateur de la croissance des marques, de leur autonomie et de leurs synergies, féconde et rassemble toutes les énergies créatrices de valeur.
Lighting Developpement regroupe quatre marques : Lébénoïd qui fabrique depuis 1922 des produits et solutions à destination des professionnels via la distribution professionnelle, des gammes de luminaires fonctionnels avec un large choix de performances, flux lumineux et designs – Siège et site de production dans le Rhône et en Tunisie) ; Integratech,  fondée en 2009, se spécialise dans l’éclairage pour les domaines de l’industrie, du tertiaire, de l’extérieur sportif et urbain, disponibles via la distribution professionnelle – Siège à Montaigu-Zichem Belgique) ; Sunlux (entreprise fondée en 1985 à Clermont-Ferrand, spécialiste dans le développement, la fabrication et la commercialisation des matériels d’éclairage destinés aux professionnels ;  Specilux, basée à Bailly, dans les Yvelines, commercialise les produits issus de l’usine de production de Saint-Julien-du-Sault, dans l’Yonne, qui, depuis plus de 30 ans, imagine et fabrique des appareils d’éclairage pour les professionnels de la GSA, GSB et du commerce.

Comment vos groupes respectifs, Lighting Developpement et Rivalen, ont-ils été créés ?
Sylvain Palombo – Lighting Developpement fait suite au MBO que j’ai porté en 2018, lors de la cession de Lébénoïd par le groupe ABB. Le groupe réalise aujourd’hui environ 50 millions de chiffre d’affaires. Il intègre quatre marques, quatre sites de production et emploie 135 personnes. Notre offre comprend des luminaires fonctionnels couvrant différents secteurs d’activité : industrie, logistique, commerces, bureaux, bâtiments publics (locaux d’enseignement, hôpitaux, etc.). Lighting Developpement est un groupe hybride par la nature des produits qu’il commercialise et le mode de commercialisation : c’est-à-dire via des circuits de distribution professionnelle, les installateurs ou les utilisateurs, selon les marchés adressés. Nos quatre sites de production – dont trois en France –, chacun dédié à une typologie de fabrication définie, ou bien à un savoir-faire industriel particulier (électronique, plasturgie, métallerie, assemblage manuel) assurent un service de proximité pour tout type de volumes de production.
Tristan De Witte – J’ai créé Rivalen en 2017, une holding industrielle, pour racheter et consolider un certain nombre de fabricants locaux, créer des synergies entre eux, et s’ancrer dans un contexte d’économie circulaire concernant le monde du bâtiment, de l’habitat. Je trouve intéressant de répondre avec l’industrie aux enjeux environnementaux : fabriquer là on l’on consomme. Issu d’une famille industrielle dont j’ai vu le groupe textile vendu par appartement dans ma jeunesse, j’ai travaillé au sein d’un fonds d’investissement dédié aux PME dans l’idée de me préparer à la création de ce collectif industriel, avec des acteurs qui doivent trouver des synergies entre eux via, notamment, la prescription dans l’éclairage. Je pense aller aussi vers d’autres univers de la maison : le mobilier, les robinets, etc. L’architecte trouvera ainsi toutes les entreprises dont il a besoin au sein d’un même groupe. Je suis entré dans le monde de la lumière par Roger Pradier, la première société que j’ai rachetée, puis l’ont rejointe Sécurlite, Brossier Saderne, Luzeva, et la dernière, Radian, ce qui fait un total de cinq usines réparties sur le territoire français. Ajoutée à ce groupe, Hoël, société de conseils, garante des synergies que l’on met en œuvre. Rivalen est une société à mission, c’est-à-dire qui déclare sa raison d’être à travers plusieurs objectifs sociaux et environnementaux.

“Nos marques s’inscrivent dans les synergies industrielles que nous mettons en œuvre, chacune apportant aux autres sa propre expertise.” Tristan De Witte

Pourquoi avez-vous choisi le secteur de l’éclairage ?
Tristan De Witte – Pour moi, il s’agit d’un hasard, car au départ, c’est l’habitat qui m’intéresse, et les matériaux et les équipements que l’on utilise pour la maison. Dans le domaine de l’éclairage, à l’aspect décoration s’ajoute la notion d’optimisation énergétique, et la lumière est un moyen d’embellir les choses, d’apporter du soin aux choses qui nous entourent. De plus, c’est un secteur assez morcelé où il reste beaucoup à faire avec un tissu industriel et des acteurs dont on manque en France. J’ai le sentiment, aujourd’hui, qu’avec toutes ces sociétés, nous arrivons au bout de ce que nous pouvons faire en termes de synergies et d’ambition de croissance organique, alors que l’éclairage renferme des gisements intéressants dans ce domaine.
Sylvain Palombo – La lumière c’est la vie. Je reste moi aussi convaincu qu’elle ouvre le champ des possibles, en imaginant des systèmes qui portent plusieurs fonctions complémentaires à la génération de lumière. C’est ce qui rend le domaine passionnant. Pour ma part, je suis « tombé dans la lumière » par accident, en 2006. Mes fonctions dans l’électronique m’ont conduit à tenir dans mes mains les toutes premières leds de puissance, sorties du laboratoire d’un fabricant européen. Je me suis alors interrogé quant aux applications de ces composants, qui étonnaient par leur compacité et leur robustesse. J’ai déposé deux brevets : un qui concernait une lampe de plongée à led, et l’autre l’éclairage linéaire pour les grandes surfaces. En parallèle et au sein de ma TPE, j’ai commencé à travailler l’électronique de puissance associée à l’éclairage à led en tant que prestataire pour de multiples entreprises d’éclairage « conventionnel ». Puis, je suis entré chez Lébénoïd, jusqu’au MBO. Le marché de l’éclairage passionne aussi d’un point de vue financier et industriel, du fait qu’il reste encore très éclaté et propice à la consolidation, à laquelle nous participons. Les sociétés, une fois intégrées dans le groupe, continuent à servir leurs clients historiques, sans redondance et sans interférences négatives avec l’existant. Ainsi, nos marques multiplient l’intérêt industriel, économique et commercial pour nos clients.

Quelles sont les singularités de Lighting Developpement, de Rivalen ?
Sylvain Palombo – Les entreprises se complètent au sein de Lighting Developpement et les savoir-faire s’additionnent. Du fait des possibilités de fourniture multiples sur nos marchés, notre agilité permet une réponse flexible aux clients. Nos sites de production locaux nous permettent de diminuer notre empreinte carbone en général, et de générer des économies plus vertueuses. Grâce à notre empreinte industrielle locale, nos clients trouvent une vraie réponse à la recyclabilité de leurs déchets avec nos possibilités de «déconstruction». Notre proximité permet de considérer pragmatiquement le thème de l’économie circulaire. Nous maîtrisons parfaitement l’achat des matières premières, leur transformation à l’aide de procédés industriels propriétaires : cette intégration verticale rend possible la valorisation interne de ce qui pourrait être un déchet. Il s’agit du réemploi de tout ou partie du luminaire ou de sa transformation en matière recyclée. Les avantages économiques actuels du groupe répondront aux exigences futures de nos clients.
Tristan De Witte – Nous sommes dans le même état d’esprit : nous capitalisons sur les marques dont les savoir-faire, s’appuyant souvent sur plusieurs dizaines d’années d’expérience, apportent une grande légitimité à ce collectif. Et, en effet, elles peuvent s’inscrire dans les synergies industrielles que l’on veut mettre en œuvre, chacune apportant aux autres sa propre expertise. C’est un des avantages de l’ancrage local : les sites de production travaillent dans un périmètre relativement restreint, ce qui facilite les flux, la logistique, les transports, favorisant ainsi l’économie circulaire (la durabilité, la recyclabilité). Ajoutons à cela l’aspect social. Pour ma part, je préfère vivre dans un monde où ce que je consomme est issu d’une production locale qui crée des emplois; c’est l’idée du «cradle to cradle», «du berceau au berceau, en français», modèle d’écoconception basé sur le principe de la pollution zéro et la réutilisation totale des matières premières qui servent à fabriquer un produit. Nous, industriels, sommes dépositaires de quelque chose. Si je me projette dans un business model que j’aimerais construire, je pars de la matière première qui n’appartient à personne, on l’utilise, on lui donne une vie et on doit sans arrêt la recycler, c’est notre responsabilité d’industriel aujourd’hui.

“La révolution de la led est suivie d’une autre révolution : celle de la recyclabilité, de l’économie circulaire.” Sylvain Palombo

Comment décririez-vous l’évolution de l’éclairage ces dix dernières années?
Tristan De Witte – Je suis arrivé dans le domaine de l’éclairage juste après la led et j’ai l’impression que, selon les marchés, il y a une certaine perte des valeurs très liée à toute cette importation massive et à une course aux prix pour des raisons de coût de main-d’œuvre éloignée, on a déflaté un marché. Pour autant, je pense qu’en termes de qualité de lumière, l’industrie de l’éclairage y a gagné, car la technologie avance très vite, avec d’énormes progrès. C’est par la technique que l’on parvient à maintenir ou à recréer de la valeur. Il faut retrouver une certaine autonomie dans ce que l’on consomme : ce processus de réindustrialisation dans un cadre d’économie circulaire est primordial. C’est là que nos groupes ont une place à reprendre, et je pense qu’on a vraiment une réponse à apporter aux besoins, c’est ce que j’appelle « reconstruire ».
Sylvain Palombo – La révolution de la led a en effet eu un impact pour les acteurs de l’éclairage, qu’ils soient producteurs ou utilisateurs. Un marché de type oligopole est devenu éclaté. Les barrières à l’entrée, affaiblies, ont permis l’introduction de produits fabriqués à moindres efforts donc à coûts moindres, suscitant tout un tas de vocations. Depuis, nous constatons un effondrement régulier des prix, sur l’effet d’une pression concurrentielle très forte – Tristan citait le faible coût de main-d’œuvre. Je suis d’accord avec lui : la valeur a fondu de façon inversement proportionnelle à l’augmentation des performances des produits. Nous, industriels, n’avons eu de cesse de nous adapter en proposant des évolutions technologiques, des méthodes de fabrication, des méthodes de distribution innovantes afin de satisfaire aux attentes légitimes de nos clients. Cependant, il nous semble entrevoir la fin d’un cycle et, peut-être, le réalisme et le pragmatisme, nés des années Covid, sont-ils en train de gagner la conscience collective. Nous sommes armés pour faire face à cette tendance.

Comment envisagez-vous les 10 prochaines années de l’éclairage ?
Sylvain Palombo – J’espère que l’éclairage sera responsable, durable, et multifonctionnel. Responsable parce qu’épargnant des ressources que l’on sait comptées via des circuits les plus courts possibles. Durable, parce que les technologies permettront d’ancrer l’achat dans une logique de réemploi. Multifonctionnel, car on trouve une vraie opportunité à disposer de points lumineux avec leur énergie disponible dans une enveloppe mécanique : leur combinaison transforme le rôle du luminaire. Il peut dès lors apporter d’autres services pour bien d’autres usages. Le luminaire deviendra le couteau suisse du bâtiment.
Tristan De Witte – J’adhère à tout ce que vient de dire Sylvain Palombo. Rien de plus passionnant que faire appel à tous les moyens dont on dispose pour atteindre ces objectifs. Je suis assez optimiste sur toute cette phase dans un moment où le contexte est assez morose. Dans nos métiers, on a vraiment quelque chose à transformer et on est à notre place pour le faire. Finalement, la crise sanitaire nous a fait prendre conscience de beaucoup de choses, et le moment est venu de réagir au changement et de se doter des moyens financiers nécessaires, c’est ce que nous nous efforçons de faire en créant ces synergies. En tant qu’industriels, nous devons nous responsabiliser pour dessiner le futur. Nous sommes tous les deux, Sylvain Palombo et moi-même, engagés dans l’action de Bpifrance qui a lancé en 2023 la première promotion de «l’Accélérateur Fabricants d’éclairage». Composé de 10 entreprises à fort potentiel, ce programme d’accompagnement de proximité aide les entrepreneurs dans la définition d’une feuille de route stratégique propre à la filière française durant 18 mois. Construire cette feuille de route de la filière nous permettra de répondre à ces enjeux d’économie circulaire et de reprendre notre place en tant qu’acteur responsable de l’industrie et du changement !

Propos recueillis par Isabelle Arnaud

 

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