Pouvez-vous revenir sur les grandes lignes du décret BACS ?
Madeline Corlouer – Les systèmes d’automatisation et de contrôle du bâtiment (BACS) sont des systèmes comprenant tous les produits, logiciels et services d’ingénierie à même de soutenir le fonctionnement efficace sur le plan énergétique, économique et sûr des systèmes techniques de bâtiment, au moyen de commandes automatiques et en facilitant la gestion manuelle de ces systèmes techniques. Il s’agit donc de systèmes de pilotage centralisés des systèmes techniques. L’objectif du décret est d’étendre l’obligation d’installation de ces systèmes pour tous les bâtiments tertiaires équipés d’un système de chauffage ou de climatisation, combiné ou non avec un système de ventilation, dont la puissance nominale utile est supérieure à 70 kW (contre 290 kW jusqu’à présent), à partir du 1er janvier 2024 pour les bâtiments neufs et à partir du 1er janvier 2027 pour les bâtiments existants. Il existe cependant une exemption sur critère économique : si le temps de retour sur investissement (TRI) calculé en amont de l’installation est supérieur à 10 ans, alors le bâtiment est exempté des obligations. Ce décret vise à améliorer la performance énergétique des bâtiments. Les BACS viennent optimiser le fonctionnement des systèmes techniques du bâtiment en automatisant des gestes d’économie d’énergie : baisse du chauffage la nuit et le week-end, voire dans les pièces inoccupées, adaptation de l’éclairage en fonction de la lumière extérieure… En effet, les industriels annoncent jusqu’à 30 % d’économies d’énergie pour les BACS respectant les exigences du décret.
Quelles ont été les principales étapes de sa création ?
M. C. – La directive sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB) a introduit en 2018 l’obligation d’installer des systèmes d’automatisation et de contrôle des bâtiments (BACS) dans tous les bâtiments tertiaires équipés d’un système de chauffage ou de refroidissement, combiné ou non à un système de ventilation, dont la puissance nominale utile est supérieure à 290 kW, et ce, avant 2025. La première version du décret BACS est donc la transposition de cette mesure dans la réglementation française. Cependant, du fait de l’accélération du changement climatique et la guerre en Ukraine, la maîtrise des consommations énergétiques est devenue une priorité majeure dans les politiques publiques. Ainsi, le gouvernement a publié en 2022 le plan de sobriété énergétique dans lequel le décret BACS a été identifié comme un élément clé, puisque l’installation d’un BACS permet un gain d’énergie rapide et à moindre coût. Par ailleurs, au cours de discussions avec les acteurs du bâtiment, nous avons réalisé que l’implémentation du décret actuel n’était pas réalisée correctement. Plus de 70 % des bâtiments ne respectaient pas le décret, soit parce qu’aucun BACS n’était installé, soit parce que même si le BACS était installé, il ne fonctionnait pas de façon optimale et ne permettait donc pas les réductions d’énergie envisagées.
Le décret s’appliquait initialement à des bâtiments dont la puissance des systèmes techniques était supérieure ou égale à 290 kW avant d’être révisé, pour inclure les bâtiments dès 70 kW. Pour quelles raisons le seuil a-t-il été abaissé ?
M. C. – La directive de performance énergétique des bâtiments est en ce moment en cours de refonte, l’article relatif aux BACS en sera donc modifié. La nouvelle directive impose l’installation d’un BACS pour les bâtiments tertiaires dont la puissance des systèmes techniques excède 70 kW avant l’année 2030. Ainsi, pour être en phase avec la future réglementation européenne, le seuil a été abaissé dans le nouveau décret BACS. Par ailleurs, le seuil de 70 kW correspond grossièrement à un bâtiment de 1000 m² moyennement isolé, ce qui est cohérent avec le seuil d’assujettissement du décret tertiaire. Cela permet donc d’utiliser un levier sur les BACS pour atteindre les objectifs du décret tertiaire.
Quelles superficies de bâtiments sont concernées par ce nouveau seuil ?
M. C. – Les bâtiments neufs sont pour la majorité d’ores et déjà équipés de systèmes de régulation, afin de respecter les exigences fixées par les réglementations thermiques et énergétiques existantes. Ainsi, l’abaissement du seuil concerne en particulier les bâtiments existants. À partir de l’observatoire de la performance énergétique (OPE), nous estimons à 180 millions de m² la surface des bâtiments possédant des systèmes de chauffage ou de refroidissement, combinés ou non avec un système de ventilation, dont la puissance est comprise entre 70 et 290 kW concernés par la nouvelle obligation et non exemptés sur critère économique. D’un autre côté, pour les bâtiments dont les systèmes ont une puissance supérieure à 290 kW, la modification du TRI concerne 210 millions de m2. Au total, ce sont donc 390 millions de m2 qui sont concernés par cette obligation, soit environ 40 % du parc tertiaire.
Le décret prévoit des cycles d’inspection obligatoires du fonctionnement des systèmes. Pouvez-vous nous expliquer ?
M. C. – Le nouveau décret prévoit en effet de mettre en place une inspection obligatoire des BACS tous les 5 ans, soit une fréquence similaire à certains systèmes de chauffage ou de refroidissement. Cette fréquence est réduite à 2 ans à la suite de l’installation ou du remplacement du BACS ou d’un des systèmes reliés au BACS. Cette inspection permettra ainsi de vérifier le bon fonctionnement dans le temps des BACS et le bon respect des dispositions du décret BACS. L’inspection est à réaliser à l’initiative du propriétaire du BACS ou bien du syndicat de copropriété. Par ailleurs, le nouveau décret rétablit l’exigence d’entretien des systèmes techniques reliés à un BACS par rapport à l’exemption en vigueur dans l’ancienne version : en effet, bien que contrôlés par un BACS, les systèmes de chauffage ou de refroidissement doivent faire l’objet d’un entretien périodique afin de prévenir de potentiels dysfonctionnements.
Le texte prévoit également des contrôles et des sanctions en cas de non-respect des obligations. Ce point a-t-il été clarifié et les sanctions encourues sont-elles définies ?
M. C. – À ce jour, aucune mesure de contrôle ni de sanctions n’est formellement établie par les textes en vigueur, mais des évolutions sont à envisager.
Quelles seront les prochaines étapes ?
M. C. – La révision du décret BACS et l’anticipation de la révision de la directive DPEB ont été assez bien acceptées par les parties prenantes. Cela a été accompagné par une aide financière spécifique du gouvernement, avec un doublement de l’aide dédiée à l’installation de systèmes BACS jusqu’à la fin de l’année 2023. Nous verrons quelle efficacité cela pourrait avoir et nous pourrions décider de réitérer cette mesure pour encourager tout le monde à équiper rapidement les bâtiments. Par ailleurs, nous travaillons en collaboration avec les autres États membres de l’UE afin de trouver des solutions communes pour la mise en œuvre du décret, mais également pour favoriser l’harmonisation des réglementations européennes dans le domaine de la construction.
Propos recueillis par Alexandre Arène