La rénovation des bâtiments est parmi les priorités des pouvoirs publics et vise à réduire bien sûr les émissions de CO2, les consommations, mais aussi à lutter contre la précarité énergétique des logements. L’objectif affiché est de sortir des énergies fossiles, notamment le fuel, tout en réduisant les dépenses, et les solutions électriques sont aujourd’hui les plus encouragées, au travers de dispositifs de financement. Quelles technologies sont actuellement disponibles au vu des caractéristiques et spécificités des bâtiments tertiaires et collectifs ? Éléments de réponse dans ce dossier.
« Un équipement de chauffage performant s’inscrit dans le programme plus large de la “décarbonation” et il doit répondre à deux notions fondamentales : l’efficacité et la sobriété dans sa conception et, bien sûr, dans son utilisation. On va chercher de l’efficacité au travers du rendement énergétique (SCOP/COP pour les PAC), de l’utilisation de technologies innovantes et d’avenir, et d’un pilotage intelligent du besoin de chauffage », introduit Anthony Kamarad, responsable développement commercial groupes de froid et pompes à chaleur de Carrier France.
Opter pour la sobriété implique aussi de privilégier des matériaux, des équipements et des procédés de fabrication plus responsables. Un équipement de chauffage performant consomme donc peu d’énergie tout au long de son cycle de vie : de sa fabrication à son utilisation jusqu’à sa destruction. Il limite les impacts environnementaux (émissions de CO2) et réduit fortement les coûts de chauffage, poursuit-il.
Vers une électrification massive des systèmes de chauffage ?
Décret BACS, mais aussi décret tertiaire et lutte contre la précarité ne sont pas les seuls déclencheurs de la rénovation des systèmes de chauffage, car la question de l’indépendance énergétique est aussi la question de la décennie.
« Pour y répondre, les technologies PAC font plutôt consensus, tant chez les exploitants et occupants que chez les décideurs publics. Une solution PAC peut en effet permettre d’atteindre 30 à 50 % d’économies par rapport à un chauffage traditionnel, gaz, fuel ou électrique, et ses émissions de gaz à effet de serre sont de plus en plus limitées, notamment avec des fluides frigorigènes avec un impact de plus en plus faible. On est ainsi 5 à 10 fois moins émetteur de CO2 que le fuel et le gaz », explique Emmanuel Bertocchi, responsable produit PAC au sein de Viessmann France.
Avec, pour le bâti collectif et le bâti existant, des contraintes d’abord liées aux puissances nécessaires – et donc à un abonnement et coût électrique en offre de marché –, mais aussi avec des températures de départ qui se doivent d’être suffisantes par rapport aux dimensionnements des réseaux de distribution, et enfin avec une réflexion à mener sur le positionnement possible de la PAC en chaufferie ou toiture et les contraintes de sécurité associées.
« En rénovation globale touchant l’enveloppe et les systèmes actifs, l’hybridation constitue une solution intelligente et un juste milieu, et utilise la complémentarité de deux énergies. Typiquement, l’hybridation peut se faire en gardant le chauffage gaz condensation en tout ou partie, et la PAC, pour la majeure partie du temps, va répondre à la totalité des besoins : la solution gaz intervient en relève, sur les quelques jours de grand froid, lorsque la performance de la PAC se dégrade et que les besoins de chauffe augmentent », explique l’expert. Selon l’étude de Pouget pour Uniclima, dans le cadre d’un projet de rénovation globale touchant également l’enveloppe, une PAC correctement dimensionnée couvre ainsi 70 %, voire 80 % des besoins de chauffage.
Ainsi l’ADEME, dans son scénario « Transition 2050 » prévoit à l’horizon 2050 jusqu’à 5,7 millions de foyers qui pourraient être équipés de solutions hybrides. Il en est de même du scénario prospectif de RTE.
Pour souligner l’intérêt des systèmes hybrides, le biométhane ou biogaz qui pourrait y être utilisé est en mesure d’ores et déjà d’injecter une capacité de près de 12 TWh/an à fin 2023, soit l’équivalent d’environ 3 millions de logements performants chauffés sur un an.
PAC géothermique, tout savoir sur l’exemple du réseau de chaleur de la ville d’Ibos (65)
Le projet et pour quels besoins
Une approche hybride PAC et gaz a été retenue permettant de couvrir les besoins chauffage et ECS d’un ensemble de bâtiments communaux (centre de loisirs, école maternelle, nouvelle cantine, école primaire) pour une surface totale de 3 700 m2.
Pour remplacer quatre chaudières gaz, une cascade de deux PAC eau/eau de 100 kW a donc été mise en place et dimensionnée pour couvrir 90 % des besoins. Des sous-stations desservent les différents bâtiments, et le dimensionnement primaire est quant à lui ad hoc car la nappe d’eau est profonde et abondante.
Les besoins en ECS au niveau de la cantine sont également couverts à hauteur de 75 % par les PAC, avec un appoint électrique.
En relève, une chaudière Vitocrossal 100 permet la couverture de 100 % des besoins en cas de grands froids.
En projet, un nouveau bâtiment à raccorder qui pourra conduire à l’ajout d’une troisième PAC de 100 kW. L’installation de l’ensemble a été effectuée par la société CLIMATEC et le réseau est assez compact avec une longueur de 160 ml.
Pour quels bénéfices ?
« À la clé, des coûts de maintenance divisé par 4 et un COP objectivé à 5 sur une année entière. Avec une empreinte carbone très diminuée, les besoins en gaz étant très réduits », précise Emmanuel Bertocchi, de Viessmann France.
L’ADEME, via le Syndicat départemental d’énergie 65, a accompagné techniquement, mais aussi financièrement avec le Fond Chaleur à hauteur de près de 199 000 euros, la mise en place de ce dossier référent qui n’a concerné que la rénovation des systèmes actifs des bâtiments, la plupart ayant déjà été rénovés ou étant récents.
Emmanuel Bertocchi ajoute qu’en dehors des PAC air/eau, les PAC géothermiques peuvent apporter des performances excellentes et surtout très stables quelles que soient les conditions météorologiques.
Les limites de l’usage des technologies PAC
« En France, nous avons la chance d’avoir une production d’électricité “verte” et peu carbonée grâce au nucléaire, ce qui encourage fortement l’utilisation des PAC pour toutes les applications de chauffage », introduit Anthony Kamarad, de Carrier France.
Mais Il y a malgré tout certaines limites à l’utilisation des PAC :
– Les températures de chauffage qui, avec des chaudières traditionnelles, peuvent atteindre jusqu’à 80 °C. Il est parfois nécessaire de revoir le système de chauffage dans son ensemble pour abaisser la température de fonctionnement.
– Les puissances électriques nécessaires à une PAC pour fonctionner sont très largement supérieures aux chaudières traditionnelles. Il faut donc vérifier la faisabilité avec son fournisseur électrique.
– Les nuisances sonores sont également un aspect important à prendre en compte avec l’utilisation de PAC air/eau. On passe d’une chaudière silencieuse en salle des machines à un équipement en extérieur. Il faut donc bien vérifier les contraintes acoustiques avant toute installation. Carrier propose sur l’ensemble de ses PAC des options bas niveaux sonores pour s’adapter aux différents cas de figure. Une autre solution est l’utilisation de PAC eau/eau. Cela permet d’installer la PAC en salle des machines et par la même occasion d’accroître les performances du système.
– Les volumes des boucles d’eau de chauffage ainsi que les débits d’eau doivent généralement être augmentés pour des raisons techniques liées aux fonctionnements des PAC. Des investissements supplémentaires peuvent donc être nécessaires.
« Cette liste de contraintes est non exhaustive et il est toujours proposé d’accompagner chaque projet pour définir la solution la plus adaptée, avec des solutions dans nos gammes de puissance de 40 kW à 2 MW en fonction des besoins », ajoute l’expert de Carrier France.
À noter que la gamme eau/eau peut utiliser des sources d’énergies renouvelables multiples, chaleur résiduelle des data centers, de l’industrie, mais aussi eaux grises et eau de source souterraine.
Une régulation optimale, associée à un bon dimensionnement des équipements
La régulation doit pouvoir appréhender des contextes variés, par exemple une PAC couplée à des dispositifs de batterie de stockage, mais aussi répondre au cas d’hybridation PAC et gaz, PAC et solaire thermique, ou encore d’énergie bois et gaz, pour ne citer que les cas les plus courants.
Une régulation moderne, réalisée au niveau du système PAC ou d’un automate/GTB est ainsi capable de piloter les équipements :
- en fonction du prix de l’énergie bien sûr – est-il plus intéressant dans une situation météorologique donnée, et compte tenu des besoins à couvrir, d’utiliser une énergie plutôt qu’une autre, et ce en fonction de leurs prix respectifs ? –,
- ou bien encore, d’optimiser la régulation en fonction du bilan carbone des énergies utilisées.
Enfin la régulation des équipements se doit d’être communicante pour, d’une part, autoriser le pilotage à distance pour le mainteneur ou le chauffagiste, mais aussi, d’autre part, pour communiquer et échanger avec les autres systèmes comme les GTB en utilisant les protocoles ouverts et répandus que sont BACnet, KNX ou encore Modbus.
Carrier, tout comme Mitsubishi et Viessmann, propose des systèmes en ce sens, avec une interopérabilité forte vis-à-vis des systèmes de supervision et GTB.
« Une bonne régulation ne fait pas tout et chaque projet a ses solutions, PAC seule ou en cascade, DRV à détente directe et groupe d’eau glacée pour le tertiaire… La capacité de modulation de puissance du système et le bon dimensionnement de la puissance délivrée – notamment pour les systèmes PAC qui ne doivent être ni sous-dimensionnés ni surdimensionnés – sont autant de points pour assurer la performance énergétique du bâtiment », précise Thomas Buray, responsable marketing tertiaire au sein de Mitsubishi Electric France.
Une performance de la PAC qui est aussi liée aux émetteurs en place s’ils sont réutilisés, qui par exemple doivent disposer de surfaces d’échange importantes, surtout si l’on descend en température de départ par rapport à l’ancien système, mais aussi être équipés de têtes thermostatiques régulées pour dispenser par pièce ou zone le juste nécessaire de chaleur.
Accompagner la filière
Pour Tony Vermeulen, directeur Prescription résidentielle au sein de Mitsubishi Electric France, « la technologie des systèmes PAC est encore inhabituelle pour nombre d’installateurs chauffagistes, la formation des acteurs de la filière est donc essentielle et doit aussi être effectuée par les fabricants pour donner une compréhension approfondie de la mise en œuvre des solutions, de leurs bénéfices et des éventuelles contraintes associées ».
Au sein de Mitsubishi Electric, une équipe de prescripteurs pour le secteur résidentiel est aussi en œuvre cette année pour accompagner les projets dans ce domaine, et aider les bureaux d’études et les maîtres d’ouvrage à effectuer le meilleur choix technique.
Jean-François Moreau
Une « résidence sociale et solidaire » pour les seniors à Tulle – Thomas Buray, Mitsubishi Electric France
Ce projet de structure adaptée entre « le chez-soi et l’Ehpad » s’appuie sur une réhabilitation lourde de locaux désaffectés d’une ancienne école normale pour une surface de 3 230 m2 et une extension de 1 456 m2 (RT2012).
En remplacement de l’ancienne chaufferie de l’école, qui était composée de trois chaudières gaz de 80 kW pour le chauffage et une chaudière de 100 kW pour l’ECS, a été mis en place pour le chauffage et la climatisation des PAC de type DRV réversible à condensation par air qui couvrent 80 % des besoins de chaud, avec une puissance chaud/froid installée de 230/280 kW.
Les déperditions totales représentent 289 kW et le projet compte : 60 logements répartis en 7 studios, 40 T2 et 13 T3, mais aussi des espaces communs et partagés (salle d’activités, mini cinéma, espace coiffure…) et un restaurant avec une capacité de 140 repas/jour.
Une CTA double flux avec PAC intégrée a été mise en place pour la salle de projection et des radiateurs électriques sont implantés dans les locaux à occupation passagère type sanitaires.
La production d’ECS est séparée et assurée par un accumulateur sanitaire indépendant au gaz de 60 kW associé à un ballon de 750 litres.
Contraintes et points d’innovation
Le confort des résidents a été pris en compte tant pour le confort d’hiver que d’été et s’appuie sur la gamme « CITY MULTI DRV » avec 10 groupes extérieurs et près de 156 unités intérieures (gainables, cassettes et muraux). La limitation des charges de fluides par système a été étudiée pour assurer un haut niveau de sécurité, notamment dans les locaux à sommeil.
Une GTB permet le suivi du système de climatisation réversible en place pour l’optimisation du fonctionnement et la gestion à distance (remontée des alarmes, défauts) et assurer le suivi des consommations de chaque appartement et les performances globales du bâtiment grâce au comptage énergétique.
Financement de la rénovation du chauffage, les CEE font-ils sens en 2024 ?
Arnaud Debove, directeur réglementaire au sein d’Elite Inspection, organisme d’inspection accrédité pour l’inspection d’opération CEE
Les CEE en 2024, quels changements pour 2024 ?
Il n’y a pas de révolution significative en 2024, sur les secteurs tertiaire et industriel, avec une continuité des opérations existantes qui sont encore pour beaucoup intéressantes à découvrir et à investir. A contrario, le secteur de l’habitat individuel a été fortement impacté, avec la mainmise de l’ANAH sur la rénovation globale de la maison individuelle.
Pour le logement collectif, quels sont les possibles ?
La fiche BAR TH 145 – opération de rénovation globale de bâtiments résidentiels collectifs – est toujours d’actualité et continue à bénéficier du coup de pouce ad hoc. Elle devrait depuis sa création être portée aux nues et il est assez étonnant qu’elle soit aussi peu mise en œuvre, compte tenu du gisement que représente ce secteur. Elle intègre une obligation de raccordement au réseau de chaleur et, si cela n’est pas possible, d’autres solutions telles que des PAC, des chaudières biomasse ou des systèmes solaires thermiques peuvent être mises en œuvre.
Dans le cas où une rénovation globale n’est pas envisageable, il existe de nombreuses fiches qui méritent d’être exploitées : les fiches liées à l’isolation de l’enveloppe, au calorifugeage des réseaux de chauffage ou ECS, et bien sûr les fiches liées au changement de système de chauffage utilisant une énergie fossile par des ENR.
À noter également une petite nouveauté en 2024 : la fiche BAR TH 175, qui s’intéresse à la rénovation globale des appartements.
De nombreuses fiches aussi pour la rénovation tertiaire
Tout d’abord, on peut se réjouir du maintien du coup de pouce « Chauffage des bâtiments collectifs et tertiaire ». Sur ce secteur précis, il n’y a pas de révolution. On peut d’ailleurs constater que la masse de CEE produite, d’après les statistiques mensuelles de la DGEC (direction générale de l’Énergie et du Climat), ne représente qu’une faible proportion du secteur « Bâtiment ». Pour ce qui concerne les opérations qui peuvent paraître intéressantes, citons également l’isolation du bâti, la performance des systèmes de ventilation.
La fiche « GTB » BAT-TH-116 permet de bénéficier d’aides financières s’il y a mise en place d’une GTB de classe B ou A (classes établies au sens de la norme EN-15232). Avec, jusqu’en juin 2024, une bonification doublée pour la mise en œuvre d’une GTB nouvelle, et multipliée par 1,5 pour l’amélioration d’une GTB existante.
Et les contrôles CEE dans tout cela, une réelle utilité ?
Les contrôles CEE permettent notamment de lutter contre la fraude mais ils ne sont pas systématiquement obligatoires suivant les fiches concernées. À l’origine, ils avaient simplement vocation à vérifier que l’opération avait été réalisée. Il est vrai qu’à l’époque, il existait des opérations « fantômes » qui faisaient l’objet d’un financement. Au fur et à mesure, l’arsenal réglementaire s’est étoffé et amélioré pour se diriger vers l’objectif de savoir si le travail est fait, mais également s’il est bien fait.
La réglementation a ainsi réussi à publier des référentiels de contrôle pour quelques fiches d’opération, mais qui sont souvent lacunaires en termes techniques et loin du niveau des audits RGE, par exemple. Beaucoup de fiches ne disposent pas encore de référentiel technique de contrôle mais sont en cours de rédaction, en ventilation mécanique notamment.