Inscrite sur la liste du Patrimoine mondial par l’UNESCO depuis 1982, la saline royale d’Arc-et-Senans (Doubs) est une ancienne manufacture destinée à la production de sel, construite sous l’impulsion du roi Louis XV, entre 1775 et 1779. Chef-d’œuvre de l’architecte Claude-Nicolas Ledoux, elle est un témoignage et un héritage rare de l’histoire de l’architecture industrielle. Au cœur d’un parc de 13 hectares, les constructions sont distribuées autour d’un parfait demi-cercle dont le diamètre est orienté est-ouest et comprennent les bâtiments de production de sel, la maison du directeur et les pavillons des Commis et de la Gabelle.
Le projet « Un Cercle immense » est lancé en 2019 et vise à compléter le demi-cercle existant en créant un îlot de valorisation de la biodiversité et du végétal. En rendant visible le rêve de Nicolas Ledoux, le projet de l’agence Mayot et Toussaint, associée à Gilles Clément, propose de réaménager les 13 hectares au nord des bâtiments de la saline pour y disposer 20 jardins et achever ainsi le cercle. L’agence de conception lumière Le Point Lumineux est tout d’abord sélectionnée lors d’un concours organisé pour la mise en lumière des jardins.
« Nous avons fait part à la maîtrise d’ouvrage de notre regret de ne pas mettre en valeur cette architecture remarquable. C’est ainsi que le projet d’éclairer la végétation fut finalement abandonné et que nous avons travaillé la lumière sur chaque bâtiment, explique Thierry Walger. Nous nous sommes appuyés sur l’étude de Dominique Massounie, maître de conférences à Paris-Nanterre, intitulée Comment éclairer la Saline Royale – Ce que dit Ledoux du rapport de son architecture à la lumière. Nous avons sélectionné des luminaires en tenant compte de leur photométrie, de leurs performances techniques, de leur esthétique bien sûr, et en optant pour une température de couleur de 3 000 K pour l’ensemble des éclairages. »
Modéliser la lumière pour chaque bâtiment
L’ensemble industriel, protégé par une enceinte, est composé de onze bâtiments indépendants formant un demi-cercle autour de la grande cour des bois. Le bâtiment d’entrée constitue l’unique accès au site : il répondait au besoin de contrôler les entrées et les sorties. Il fait office aujourd’hui de librairie à l’est et d’accueil à l’ouest. Côté extérieur, il est doté d’un péristyle formé de huit colonnes doriques éclairées par des encastrés de sol que l’on retrouve également côté intérieur et qui redessinent le pignon du bâtiment. Sous le péristyle, une sorte de grotte en cul-de-four ornée d’un ensemble de blocs de pierre brute évoque les entrailles de la Terre d’où l’on extrait le sel. Un éclairage d’un blanc chaud et discret de la voûte accueille le visiteur.
« Nous avons modélisé tous les éclairages, ce qui nous a permis de déterminer le nombre de luminaires et leurs réglages en intensité pour les positionner exactement afin d’obtenir les effets souhaités », précise le concepteur lumière.
Une lumière uniforme et des reliefs contrastés
Comme tous les membres du personnel, le directeur de la saline vivait sur le site.
La maison du directeur est située au centre du diamètre, d’où l’on peut surveiller l’ensemble des bâtiments. C’est pourquoi le fronton du bâtiment est percé d’un oculus. Il est doté d’un péristyle dont les colonnes doriques le distinguent immédiatement des autres bâtiments : leur fût est composé d’une alternance de pierres cylindriques et cubiques, qui assurent un jeu subtil d’ombre et de lumière. Effet rendu également de nuit grâce aux encastrés de sol implantés au pied des colonnes et à l’éclairage orangé du plafond du péristyle.
« Une fois que nous avons défini les effets que nous souhaitions réaliser, ajoute Thierry Walger, nous avons procédé aux réglages sur chaque bâtiment, en présence de la maîtrise d’ouvrage. Par exemple, les sculptures qui symbolisent l’eau salée qui s’écoule des murs ont été mises en valeur avec une intensité plus élevée que certaines façades planes. De plus, les encastrés qui les éclairent varient en température de couleur, évoquant le ruissellement de l’eau. Les bâtiments qui abritent l’hôtellerie et la restauration ont, quant à eux, été traités dans une ambiance douce et confortable, avec des intensités plus faibles. »
Les régimes d’allumage sont simples : allumage de l’ensemble des circuits d’éclairage de mise en valeur de l’architecture à la tombée de la nuit et, dans le respect de la biodiversité, extinction de ces circuits à minuit. Il est évidemment possible de modifier la programmation des extinctions, lors d’évènements festifs particuliers.