« La lumière révèle les matières, structure et magnifie les volumes, les objets, souligne l’architecture, donne à voir et façonne l’espace. La magie naît de la rencontre et du volume. » C’est ainsi que Philippe Mombellet décrit sa démarche, qui l’a conduit pendant 25 ans à partager sa passion avec chorégraphes, metteurs en scène, scénographes, architectes, mais aussi et surtout avec des personnes mues par la même envie de faire vivre des espaces grâce à la lumière.
Philippe Mombellet crée l’agence Ponctuelle le 14 décembre 1998. Aujourd’hui, l’agence est composée de personnalités issues de l’architecture et du monde du spectacle, portant des savoir-faire différents. L’équipe de Ponctuelle aime collaborer avec des créateurs de tous horizons pour apporter une palette de compétences en matière de conseils, d’études personnalisées, d’expertises, de conceptions et de réalisations. Associant innovation et création, l’agence propose des solutions sur mesure en tenant compte des contraintes et des objectifs de chaque projet. La grande expérience acquise dans la valorisation d’évènements éphémères et de spectacles vivants a permis à l’équipe de développer une réelle capacité à s’adapter à des projets variés, à des « metteurs en scène » créatifs et exigeants. Ponctuelle est membre adhérent de l’ACE et de l’AFE, elle soutient Certiled.
Vous êtes issu de l’école de la rue Blanche (École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre – ENSATT). Est-ce là que vous vous êtes intéressé à la lumière ?
Philippe Mombellet – Oui, j’ai été formé aux techniques du spectacle vivant et j’avais pris la spécialité « éclairage scénique ». On commençait tout juste à voir arriver des outils spécifiques, des projecteurs de poursuite, et même le métier d’éclairagiste n’en était qu’à ses débuts. En sortant de l’école, à la fin des années 1970, j’avais donc une formation technique et administrative… J’ai commencé comme intermittent du spectacle avec des compagnies de danse principalement. Je travaillais surtout sur le vivant car les décors étaient très sobres, voire inexistants ; il fallait éclairer les corps qui se déplaçaient en permanence et le plus souvent sur un fond noir. On s’aidait de tableaux, de films pour accompagner au mieux les chorégraphies. Ensuite, je me suis tourné vers le théâtre et l’opéra qui utilisaient des décors. L’éclairage devenait un travail de mise en lumière architecturale en quelque sorte, c’était un autre univers : tout à coup, je faisais face à des lignes, des volumes, des costumes avec des couleurs. Les metteurs en scène nous donnaient carte blanche, c’était fascinant de pouvoir inventer la lumière en échangeant avec les décorateurs, les architectes d’intérieur. Finalement, c’est ce qui m’a amené à réfléchir à la lumière comme outil et comme mise en valeur de l’architecture.
C’est à ce moment-là que vous avez décidé de vous consacrer à la lumière dans l’architecture ?
Philippe Mombellet – Pas tout à fait, la transition s’est faite progressivement. J’ai tout d’abord créé « Changement à vue » avec un associé scénographe en 1992. J’intervenais principalement en tant qu’éclairagiste et je me suis rendu compte qu’il y avait vraiment de la place pour une agence qui ne se consacre qu’à la lumière, c’étaient les débuts des concepteurs lumière. J’ai donc fondé Ponctuelle en 1998. Ensuite, cela a pris un peu de temps avant que mon activité ne démarre vraiment. Jusqu’en 2006, je suis beaucoup intervenu dans des musées, des expositions ; puis j’ai rencontré l’agence d’architecture 4BI qui m’a fait entièrement confiance. Nous avons notamment travaillé à cette époque-là sur le hall du Musée des arts décoratifs qui, je crois, est toujours le même aujourd’hui. En architecture, la lumière donne l’éclat aux volumes et aux espaces.
C’est ce qui la différencie de l’éclairage du spectacle vivant ?
Philippe Mombellet – Oui, tout au moins dans ces années-là. Les architectes découvraient les ressources de l’éclairage pour mettre en scène l’intérieur d’un musée, d’une boutique, d’une villa. En jouant sur les ombres, les contrastes, on quittait l’univers des grandes illuminations, des éclairages tapageurs. Nous disposions d’outils lumière, à nous de les positionner au bon endroit, de les régler de la bonne manière : pour moi, c’est la base de l’éclairage architectural. L’agence s’est mise à développer des projecteurs à leds (c’étaient les débuts) avec des lentilles adaptées. Il fallait tout réinventer : les rendus étant très différents de ce à quoi nous étions habitués. Nous poursuivons cette activité encore aujourd’hui avec des ingénieurs qui apportent leurs compétences et leur pertinence pour concevoir des nouveaux outils. C’est en 2008, pour les 10 ans de Ponctuelle que le vrai tournant s’est opéré. À cette époque, nous avons commencé à nous diversifier, à mettre en lumière des boutiques de luxe, des musées, des bureaux, etc. Auparavant, je m’étais engagé dans l’enseignement, notamment dans le cadre du DMA (diplôme des métiers d’art) à Nantes et j’avais fait l’expérience de la transmission, à la fois auprès des étudiants mais aussi au sein de Ponctuelle qui s’agrandissait, tant en nombre de collaborateurs qu’en surface de bureaux.
Nous avons encore élargi notre domaine d’activité en intervenant dans le secteur de l’industrie, des gares, un salon d’attente à Roissy… Les architectes nous faisaient confiance et nous proposaient des projets qui sortaient de notre zone de confort. Comme c’est difficile d’expliquer la lumière, pour faire comprendre notre approche, nous montrons ce que nous faisons et ensuite, nous échangeons sur nos intentions. On se nourrit aussi beaucoup des idées des uns et des autres au sein de l’agence. 25 ans après sa création, Ponctuelle compte 15 collaborateurs qui partagent la même passion, même s’ils sont de formations différentes. La période Covid a renforcé notre réflexion dans la recherche et le développement de produits (nous avons créé récemment des petits projecteurs pour les musées), ce qui nous permet, plus que jamais, de nous enrichir de l’expertise des uns et des autres. Aujourd’hui, deux personnes se concentrent sur le design de nouveaux produits, durables, réparables, en utilisant des matériaux recyclés et recyclables avec pour objectif de disposer d’outils performants qui nous aident à améliorer la lumière dans les espaces. Et si la technologie est omniprésente, on doit trouver le moyen de faire vibrer la lumière sans oublier l’essentiel !
Et pour vous, qu’est-ce que c’est, l’essentiel ?
Philippe Mombellet – Par exemple, c’est d’instaurer le dialogue, entre nous à l’agence, avec les architectes, les designers, les scénographies. Pour la rendre magique, on doit travailler la lumière, la faire vivre, en douceur, discrètement. Je pense que notre rôle est de faire ressentir la lumière, plus que de la donner à voir. Au théâtre, généralement on cache les sources au spectateur et on l’emmène vers un coucher de soleil, un lever du jour. Dans l’architecture, c’est un peu la même chose, on partage la lumière avec d’autres, on ne travaille pas seul, on est dans l’écoute. Je pense que l’agence renvoie cette image. Et l’amoureux de la lumière que je suis espère avoir transmis cet « essentiel » à l’équipe et qu’il perdurera dans la suite des aventures de Ponctuelle.