IGNES, un syndicat toujours plus actif.
IGNES, l’Alliance des industriels des solutions électriques et numériques prend de plus en plus d’importance dans le débat public et politique. Ce syndicat de fabricants dirigé par Anne-Sophie Perrissin-Fabert, déléguée générale d’IGNES, nous explique comment les fabricants se mobilisent pour aller vers un monde plus sobre et économe.
Electricien+ – Chaque syndicat a ses prérogatives, mais beaucoup d’actions sont menées conjointement avec les autres syndicats de la filière électrique et vous avez cosigné de nombreuses tribunes. Est-ce une stratégie pour gagner en visibilité ?
Anne-Sophie Perrissin-Fabert – Nous avons surtout le souhait de gagner en lisibilité. En groupe, nous sommes plus forts et tous les syndicats de la filière électrique sont complémentaires. Chez IGNES, c’est dans notre culture car nous sommes déjà le fruit d’une alliance. C’est l’ADN d’IGNES de fédérer des industriels qui sont tous les jours concurrents, mais qui se mobilisent aussi pour obtenir une parole collective. Et c’est vrai qu’aujourd’hui, nous défendons des sujets dont les enjeux sont au cœur de l’actualité. Nous avons le souhait de travailler en filière afin de renforcer notre discours collectif pour être cohérents, alignés et plus facilement entendus. Historiquement, on est une filière très forte, très soudée, installateurs, distributeurs, fabricants et énergéticiens.
Quand la ministre Agnès Pannier-Runacher dit que tout ne se règle pas dans les textes de loi, je suis en phase avec ces propos.
Le syndicat a été auditionné par la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation. Et vous êtes passée au JT de France 2. IGNES prend de l’envergure sur les sujets de société.
A.-S. P.-F. – Nous avons cette chance que nos sujets soient au cœur des enjeux de société et nos adhérents ont les solutions qui y répondent. C’est notre rôle de représenter la filière et d’être porte-parole auprès du grand public sur le bénéfice des solutions qui peuvent jouer un rôle clé dans le quotidien des Français. C’est donc cette dimension qu’IGNES essaie d’incarner de plus en plus.
On essaie de faire des propositions et d’être constructifs afin d’apporter des idées pour faire bouger les lignes, pour déclencher ce qui peut être le maillon manquant. Quand la ministre Agnès Pannier-Runacher dit que tout ne se règle pas dans les textes de loi, je suis en phase avec ces propos. Il faut aussi être sur le terrain et mettre les gens autour d’une table pour que certaines choses avancent. Certes, le législatif et le réglementaire sont nécessaires, mais beaucoup de sujets relèvent surtout de leur mise en application et de la mobilisation des acteurs sur le terrain.
Au sein d’IGNES, les femmes sont très présentes et dernièrement, des femmes ont été élues aux directions de grandes institutions ou de grands groupes. Est-ce que les choses changent vraiment ?
A.-S. P. — F. — Je pense que la féminisation est clairement un enjeu saisi par tous nos adhérents. Tous ont des politiques incitatives sur ce sujet-là. Cela étant, il faut laisser du temps au temps pour que les choses évoluent. Chez IGNES, on a un exemple très concret sur notre comité « Éclairage de sécurité », qui a connu un certain nombre de départs en retraite et de renouvellements. Et ce comité sera bientôt majoritairement féminin.
Si vous êtes d’accord, faisons le point sur les avancées des sujets du syndicat, à savoir le bâtiment connecté, la sobriété énergétique, le maintien à domicile, la réduction des émissions carbone et la sécurité des biens et des personnes.
Que proposez-vous sur le bâtiment connecté ?
A.-S. P. — F. — Le digital et le connecté ne doivent pas être une fin en soi. Pour IGNES, c’est une couche d’intelligence et de fonctionnalité au service d’un usage. Aujourd’hui, deux usages principaux tirent le connecté. Premier axe : la sobriété énergétique qui s’ajoute à l’efficacité énergétique. L’idée est de compléter le panel isolation, ventilation, changement de chaudière avec du pilotage. C’est une grande nouveauté, qui a pris son élan à l’occasion du premier plan de sobriété. On voit clairement dans les politiques publiques les textes qui intègrent progressivement cette dimension de pilotage. Nous appelons d’ailleurs à la publication d’un guide pour accompagner le décret « thermostat » qui impose la présence d’un thermostat dans toutes les pièces des logements à horizon 2027.
Deuxième axe : le bien vieillir grâce à l’adaptation des logements. Le dispositif MaPrimeAdapt’ prendra effet le 1er janvier 2024 et nous travaillons le sujet de l’adaptation en étroite collaboration avec la filière Silver éco. C’est un enjeu de société majeur, avec la courbe démographique qui ne cesse de croître. Ce doit être une véritable politique publique qui ne se résume pas à un guichet financier. Il est certes important de soutenir les ménages qui en auront le plus besoin, mais il est aussi important que la politique publique d’adaptation des logements au vieillissement engage une prise de conscience et une évolution des comportements auprès de l’ensemble des seniors et leurs proches aidants.
Nous venons de décider d’étendre le périmètre de nos actions stratégiques au Smart Home Net Zero.
Pouvons-nous faire un focus sur les sujets de l’énergie ?
A.-S. P. — F. — Le fameux décret « thermostat » est paru il y a quelques jours et va imposer des solutions de pilotage du chauffage, somme toute basiques pour les professionnels, mais qui introduisent quand même la régulation pièce par pièce ou par zone, avec de la programmation. Donc c’est quand même un grand progrès. On espère que ce socle réglementaire va permettre d’inciter et faire la promotion de solutions plus performantes et plus intelligentes. Pour rappel, cette obligation impose une régulation par pièce aussi bien en logement neuf qu’en existant. En simplifiant, c’est l’équivalent du décret BACS sur la partie chauffage, mais pour le résidentiel. Ces solutions connectées apportent plus de services et d’économies d’énergie. Fin 2022, 1 thermostat sur 2 vendus était connecté, ce qui n’était pas le cas au début de l’année. Grâce à de la pédagogie, on doit pouvoir valoriser davantage son réel bénéfice économique. Finalement mieux gérer son budget, sans perte de confort.
Comment vous placez-vous sur l’approche réduction de carbone ?
A.-S. P-F. – RTE a sorti l’application EcoWatt. Véritable météo de l’électricité. ÉcoWatt informe en temps réel sur le niveau de consommation électrique des Français, région par région. L’outil est disponible gratuitement sur internet. IGNES a été un des premiers signataires de la charte. Nous avons de nombreux adhérents qui l’ont également signée. Certains sont même allés plus loin puisqu’ils ont implémenté l’API dans leurs solutions de pilotage connecté. Il y a plusieurs aspects sur la partie sobriété. C’est l’idée du consommer mieux. On sait qu’en fonction de l’heure à laquelle on consomme, l’impact carbone n’est pas le même. C’est un chantier qui est devant nous, car les tarifs uniques de l’énergie ne reflètent pas la réalité carbone. L’objectif serait de plus consommer en dehors des périodes de pointe.
Et concernant la sécurité des biens et des personnes ?
A.-S. P.-F. – Nous avons saisi l’opportunité des élections régionales puis présidentielles pour renforcer ce travail de pédagogie et de sensibilisation de fond autour de l’importance de la sécurisation des accès. À titre d’exemple, nous avons salué la mesure de subvention, lors de l’achat d’une alarme, prise par Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, incitant à protéger au mieux son domicile. Et nous poursuivons cet effort de communication en période de départ en vacances. Nous échangeons aussi beaucoup avec l’association Vigik et le groupe La Poste.
En groupe, nous sommes plus forts et tous les syndicats de la filière électrique sont complémentaires.
Vous continuez à participer à Objectif Fibre et venez de faire paraître le Guide 2023. Est-ce encore un sujet d’actualité ?
A.-S. P.-F. – Effectivement, il s’agit du nouveau guide actualisé sur le raccordement des locaux individuels neufs. On a publié l’année dernière celui sur le raccordement pour les immeubles collectifs neufs ou rénovés. Ces deux guides restent toujours d’actualité. En effet, bien que nous soyons presque arrivés au bout du déploiement de la fibre, il reste encore à finaliser les travaux de raccordements des abonnés dans les territoires. L’enjeu porte vraiment sur le raccordement et la chaîne de qualité qui va permettre une bonne connexion dans toutes les pièces de vie du domicile. Pour l’instant, il y a encore du chemin à faire compte tenu de l’insatisfaction de nombreux Français. Sur ce sujet-là, on a travaillé avec Promotelec. Une campagne a été faite pour promouvoir le rôle des électriciens face aux problèmes de connexion internet.
IGNES a été l’instigateur de FAB-DIS, le format d’échange de données produits standardisées entre fabricants et distributeurs. Ce format dépasse maintenant la filière électrique. Est-ce une réussite ?
A.-S. P.-F. – C’est une société dont IGNES est actionnaire à 50 % avec Coédis (fusion de la FDME et de la FNAS). C’est une belle réussite que cette initiative prise par notre filière électrique ! L’habitude de travailler ensemble, comme je le mentionnais au début de cet entretien, nous a permis de dépasser nos différences pour créer un format unifié standardisé d’échanges de données qui est aujourd’hui utilisé par toute la filière électrique. Ce format est maintenant repris dans de nombreux autres secteurs du bâtiment. Nous prévoyons une communication prochainement sur le sujet FAB-DIS V3.
Le programme Oscar, dédié aux parties prenantes de la rénovation énergétique, a pour objectif de faciliter l’accès aux aides publiques (aides de l’ANAH) et privées (CEE). Pouvez-vous nous expliquer ce programme peu connu des artisans ?
A.-S. P. -F. – Le programme Oscar est encore peu connu des électriciens, du fait de sa récente application. Pour en savoir plus, il faut aller sur le site programme-oscar-cee.fr. Le programme Oscar s’engage au plus près des acteurs de la filière du bâtiment pour faciliter l’accès aux aides à la rénovation énergétique. Il s’agit d’un programme de certificats d’économies d’énergie (CEE). Nous croyons beaucoup dans ce programme qui a deux volets : un volet de formation et de référents sur les aides à la rénovation parmi les professionnels. Il est pour nous très important de s’appuyer sur la filière professionnelle (artisans, distributeurs, industriels) pour accompagner et informer sur ces aides incitatives. L’autre volet du programme est une expérimentation sur une solution numérique qui va faciliter le parcours client pour l’utilisation des CEE de petits montants, en s’appuyant sur le distributeur professionnel comme une véritable pierre angulaire. Car aujourd’hui, trop peu de personnes se mobilisent pour récupérer ces CEE qui soutiennent des produits de petits montants, car il y a plus de démarches administratives pour l’électricien ou pour le particulier que de gain financier. L’expérimentation a prévu un parcours qui ne change pas ou très peu les habitudes des installateurs.
Je constate que l’activité et la présence d’IGNES vont croissantes. Vous êtes présents politiquement, vous sortez des guides, des dossiers, des articles, vous êtes sur les salons et à la TV. Comment faites-vous ?
A.-S. P.-F. – Nous avons la chance d’être une équipe de 9 permanents. On est une équipe très mobilisée, avec des adhérents également très engagés. Nous prévoyons d’ailleurs de renforcer l’équipe avec deux nouvelles recrues.
Le mot de la fin ?
A.-S. P.-F. – J’aurais souhaité vous parler du sujet de l’adaptation au changement climatique. Nous avions soulevé beaucoup de sujets d’actualité dans nos propositions pour la présidentielle. Mais le volet de l’adaptation au changement climatique en est un qui ressort particulièrement. Tous les enjeux de confort d’été, avec les fortes chaleurs, sont importants car nos adhérents ont des solutions efficaces qui allient protections solaires et pilotage des brasseurs d’air et de la climatisation. C’est un thème qui nous tient à cœur et nous venons, à l’occasion de notre Assemblée Générale, de décider d’étendre le périmètre de nos actions stratégiques au Smart Home Net Zero, pour s’inscrire pleinement dans les enjeux de décarbonation du bâtiment. Dans ce cadre, IGNES annonce la création de Clubs, à commencer par le Club « Je décale » pour massifier le 3ème pilier de l’appel gouvernemental « Je baisse, j’éteins, je décale », visant à mieux piloter les consommations énergétiques. Il y a plus de 10 ans, IGNES s’est forgé autour du Smart Home, promesse d’un habitat intelligent au service de la sécurité et du confort de l’occupant. Pour répondre aux enjeux globaux de décarbonation, IGNES étend aujourd’hui sa vocation au Smart Home Net Zéro : un habitat au service du quotidien des Français et qui devient évolutif face à une plus grande électrification (véhicule électrique, pompe à chaleur, photovoltaïque, autoconsommation…). Par exemple, en quittant son logement, l’habitant va enclencher son système d’alarme, ce qui va automatiquement engendrer une ouverture/fermeture des volets et une baisse de la température du chauffage ou de la climatisation, selon la saison. Autant de solutions qui, au-delà du confort et de la sécurité, sont capables de favoriser la sobriété, de faciliter l’autoconsommation et de contribuer à l’équilibre du système électrique, notamment grâce à une infrastructure électrique et numérique performante, des équipements connectés et un pilotage global à l’échelle du logement.