Le château de Bonaguil, édifié au XIIIe siècle et transformé au XVe par Bérenger de Roquefeuil, est situé à la frontière de l’Agenais et du Quercy, sur la commune de Saint-Front-sur-Lémance, dans le Lot-et-Garonne, mais il est la propriété de la commune de Fumel. Le nom signifierait « Bonne Aiguille » ou « Bonne Eau » et désigne le site défensif : un promontoire rocheux et escarpé de calcaire urgonien, convenant parfaitement à l’établissement d’un château fort. Le souhait de la Communauté Fumel Vallée du Lot et du maître d’œuvre AC2i était de retrouver, lors de l’ascension vers le château, l’authenticité des lieux, sans dénaturer le cadre. Un travail de recherche a été entrepris afin de trouver le matériau et le calepinage adéquats pour le site, et l’entreprise Occitanie Pierres a proposé des pierres naturelles calcaires en provenance de la carrière de Cénevières.
Éclairages fonctionnels et architecturaux
Quartiers Lumières a été chargé de la conception et de la maîtrise d’œuvre de l’éclairage et de la direction artistique de la mise en scène lumineuse et vidéo. « Il s’agissait, dans cette étude, explique Lionel Bessières, concepteur lumière, Quartiers Lumières, d’accompagner le projet d’aménagement du sentier de Bonaguil (de 350 m de long) par une mise en lumière scénographique parfaitement intégrée et qui puisse être un atout touristique pour drainer un flux en soirée et permette aux visiteurs de s’attarder dans le village. Notre première réflexion s’est portée sur la typologie de matériel que nous allions utiliser et nous avons décidé d’emblée de supprimer tout mât du paysage. Par ailleurs, l’installation devait assurer l’éclairage aussi bien hors saison que pendant la saison touristique avec deux principes différents : des appliques et des encastrés muraux ou de sol pour l’éclairage fonctionnel, des projections vidéo et de gobos pour la mise en scène. La conception du projet est passée par la mise en œuvre d’une maquette numérique et interactive qui a permis aux acteurs de comprendre nos intentions. Des réunions citoyennes ont également été organisées sur site afin d’échanger et de présenter les intentions aux habitants. »
La spécificité de ce projet a résidé dans la mise en œuvre de ces éclairages de mises en valeur patrimoniales, sorte de parcours/spectacle, qui assurent également les lumières fonctionnelles nécessaires ; elles s’éteignent à 1 h en saison touristique et à 21 h en hiver. Ainsi, des appliques murales habillées d’acier Corten dévoilent l’architecture en début de soirée avec un niveau régulé à 20 %. Le long du sentier, des éclairages fonctionnels sont assurés par de petits encastrés de 1 cm de diamètre intégrés dans les mains courantes, tandis que des pavés lumineux en résine balisent le cheminement.
Des interventions interactives
« La grande difficulté résidait dans le choix de l’implantation des appareils vidéo, commente Lionel Bessières. En effet, il fallait qu’ils soient d’un accès aisé afin de pouvoir les monter et démonter facilement en début et fin de saison, et aussi installés le plus discrètement possible. Le dimensionnement et la déformation des projections de gobos et vidéos ont été réalisés au cours d’essais sur site et vérifiés grâce à des simulations numériques. La collaboration avec l’agence AC2i et la qualité et les engagements des équipes d’Ineo et Citelum ont été particulièrement fructueux dans l’aboutissement de la conception lumière. »
La plupart des luminaires sont équipés de leds 3 000 K, et 2 700 K sur les façades ; ils sont régulés par un système CPL avec des niveaux très bas dès le début de soirée qui permettent d’offrir un éclairage suffisant adapté au site. Pour la gestion de l’éclairage, un noeud communicant, situé dans l’armoire, permet de commander l’abaissement de l’intensité selon les zones et l’heure définies par Quartiers Lumières. Jean-Antoine Furet, responsable d’agence, Ineo Equans (Lot-et-Garonne), explique comment l’installation électrique a été conçue : « Nous sommes intervenus très en amont dans le projet afin de choisir avec Quartiers Lumières les appareils de projection les mieux adaptés à la pose et la dépose. Comme le site est inscrit aux monuments historiques, nous devions dissimuler tous les câbles dans les murets dans des caissons étanches. Une fois positionnés, les dispositifs fonctionnent en autonomie, sans intervention de notre part. » Les équipements de scénographie semi-pérenne (de juin à octobre) sont intégrés dans les aménagements et permettent d’accompagner les visiteurs qui déambulent librement autour des mises en scène accompagnées de très légères ambiances sonores.
Dessins lumineux et ambiances sonores
Quartiers Lumières a travaillé avec deux artistes pour la mise en scène : Aymeric Reumaux (Aymeric’Emeric), dessinateur, programmeur, sculpteur, qui intervient dans le spectacle vivant et sur des dispositifs en lien avec le territoire et l’espace public, et qui a dessiné les motifs des gobos ; et Laurent Meunier, graphiste et motion designer qui a créé les vidéos et l’accompagnement sonore. Aymeric Reumaux a bénéficié d’une grande liberté de création, qui n’était cependant pas sans contraintes : « Au XVe siècle, Béranger de Roquefeuil a fait transformer le château mais on n’a aucun plan ni aucune trace de ce à quoi il ressemblait auparavant. Ce manque de documentation a laissé la place à l’imagination pour créer des dessins oniriques qui rejoignent les mythes et légendes qui entourent l’histoire du château. J’ai donc abordé le parcours avec ce côté mystérieux et étrange : ainsi, on peut voir une chouette qui porte un trousseau de clés, un corps allongé qui se métamorphose, un “portrait” de Béranger de Roquefeuil que j’ai réalisé à partir de lignes qui s’entremêlent, un oeil qui surveille le chemin avec Don Quichotte, un carré magique, le carré Sator qui contient le palindrome latin SATOR AREPO TENET OPERA ROTAS. »
Les gobos sont projetés sur les façades des maisons ou les remparts du château, laissant à chaque visiteur sa libre interprétation. Les espaces de projection ont été choisis avec Quartiers Lumières, qui a ajusté l’orientation et le recul des appareils au moment des essais, afin de restituer au mieux les créations imaginées par l’artiste.