iGuzzini : du projecteur halogène au beacon
Pour Renaud Lièvre, directeur général d’iGuzzini France, en muséographie, l’art et l’architecture sont intimement liés. Si l’industrie de l’éclairage a connu des avancées phénoménales depuis l’arrivée de la led, elle a accompli de véritables bonds en avant en ce que Renaud Lièvre qualifie « d’éclairage de l’art », car on éclaire plutôt les œuvres d’art que les musées. Avec l’arrivée de la led, les recherches se sont portées sur l’optique et la miniaturisation des projecteurs et la digitalisation de la lumière.
L’optique : précision et miniaturisation
Le premier objectif est de mettre en valeur l’œuvre d’art tout en la protégeant des nuisances pouvant être causées par le rayonnement lumineux sur les matériaux les plus sensibles. « Nous avons franchi un grand pas lorsque des spots halogènes équipés de réflecteurs, nous sommes passés aux cadreurs led dotés de collimateurs », explique Renaud Lièvre. C’est ainsi qu’iGuzzini a développé la gamme des projecteurs Palco en cadreurs, en diamètres de 19 mm, 37 mm (pour rail à très basse tension – low voltage) et 90 mm, 115 mm (pour rail à tension de réseau). La lentille brevetée offre une haute densité lumineuse grâce aux led CoB combinées à un collimateur avec lentilles, qui émet un faisceau très précis sans aberration chromatique. La version 37 mm présente une association magnétique entre la partie arrière et le groupe optique.
« Prenons l’exemple de la galerie des bijoux au musée des Arts décoratifs, poursuit Renaud Lièvre. La nouvelle installation a permis de libérer les espaces grâce aux projecteurs Palco Low Voltage de faibles dimensions. Les concepteurs lumière de Voyons Voir ont créé une atmosphère onirique et magique : dans un lieu sombre, le précieux de chaque pièce est révélé par des faisceaux de lumière d’une extrême précision, sans qu’on en perçoive l’origine. » Le fabricant fait évoluer son offre au fur et à mesure des mises en lumière : transformateurs pour les rails, adaptateurs, accessoires. Pour la mise en lumière de la Royal Academy of Arts à Londres (concepteur lumière Arup), iGuzzini a également fourni des projecteurs Palco posés avec des adaptateurs sur rails (préexistants) pour permettre des changements d’ambiance fréquents. Le recours à l’interface Bluetooth et aux drivers pour une gradation entre 100 % et 0,1 % complète l’installation, réglable à partir d’une simple application. « Nous avions même anticipé, à l’époque, l’arrivée du beacon, ajoute Renaud Lièvre, système capable d’envoyer des informations textuelles directement aux dispositifs électroniques des personnes qui se trouvent à proximité de la zone couverte par le beacon. »
Vivre une expérience muséale
« Avec les réseaux sociaux, et l’information disponible d’un clic sur son portable, le visiteur d’un musée souhaite vivre une expérience, constate Renaud Lièvre. Pour cela, il existe des outils, via l’éclairage, qui peuvent donner accès, d’une simple pression sur son écran, à des explications sur le tableau devant lequel on se tient ou déclencher un éclairage dynamique adapté à l’œuvre, il s’agit de la technologie beacon. » Un beacon est un petit boîtier qui utilise la connexion Bluetooth Low Energy (BLE) et émet des signaux qui sont lus directement par un smartphone ou une tablette quand celui-ci arrive à proximité des balises. Il est ainsi possible d’envoyer une notification push ou déclencher une action sur l’appareil des visiteurs de musées. « L’idée est de recréer un maillage GPS pour savoir où se trouve l’utilisateur. Nous proposons déjà cette technologie dans nos luminaires », indique Renaud Lièvre.
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Erco : la grammaire de la lumière
Selon le concepteur lumière américain Richard Kelly (1910-1977), des études qualitatives impliquent trois catégories : les lumières pour voir (ambient luminescence), pour mettre en valeur (focal glow) et pour décorer (play of brilliants). Pour Erco, cette « grammaire de la lumière » donne lieu à un éclairage optimal des musées, expositions et galeries. D’après les observations, en effet, les concepts d’éclairage semblent d’autant plus réussis qu’ils combinent ces trois composantes – éclairage général, accentuation et lumière décorative – de façon équilibrée. Cette grammaire constitue donc une base éprouvée pour analyser les espaces, structurer les concepts et sélectionner les outils appropriés.
Expérimenter l’art par la lumière
Selon le fabricant, dans l’histoire de l’art, chaque époque renvoie à des idéaux différents, que la présentation des œuvres doit placer au premier plan. De même, les préférences sociales varient, nécessitant d’adapter la forme. Des tableaux minimalistes grand format produiront, par exemple, un effet maximum sous un éclairage vertical couvrant une vaste surface. À l’inverse, il faudra privilégier une accentuation pour les petits tableaux très contrastés. En plus de l’éclairage des objets, les muséographes et galeristes voient la lumière comme une composante essentielle dans la mise en scène générale de l’exposition et du bâtiment. Les visiteurs accèdent ainsi de façon spectaculaire à la culture et à l’architecture.
Erco explique comment c’est d’abord par la lumière que le visiteur expérimente l’art. La lumière met en scène les œuvres, elle guide le regard de l’observateur et fait partie intégrante de la dramaturgie, puisque ses faisceaux accordent une place particulière aux principales pièces d’exposition de la collection.
Pour faciliter la perception des détails, il est indispensable de prévoir une lumière brillante, assortie d’un bon rendu des couleurs. Une accentuation crée des hiérarchies de perception.
Un éclairage équilibré et évolutif
Une des problématiques de l’éclairage des musées repose sur la capacité à obtenir un juste équilibre des lumières et un éclairage évolutif. Les concepteurs lumière George Sexton Associates et ACL ont relevé le défi au musée Narbo Via, à Narbonne. L’éclairage devait paraître généreux tout en respectant un niveau et une luminosité prescrits et en répondant aux objectifs énergétiques. Les graphiques et les supports devaient être visuellement accessibles et faciles à lire. L’éclairage est équilibré et sans éblouissement, favorisant l’expérience visiteur dans les musées. Le mur lapidaire, conçu par le Studio Adrien Gardère, illustre cet équilibre artistique. Au cœur du musée, ce mur sépare naturellement les galeries publiques des espaces de restauration plus privés. D’inspiration industrielle, le rack métallique de 10 m x 76 m est doté d’un dispositif de levage qui permet de déplacer les pierres architecturales exposées – 760 blocs –, créant une mosaïque en mouvement. Cette scénographie laisse entrevoir le travail des archéologues et des chercheurs à travers un mur de pierres et de lumière dynamique. À Hasselt, en Belgique, le concepteur lumière Ben Boving a su créer un « éclairage flexible pour une diversité spatiale » qui caractérise la galerie d’art Z33. Les plafonds à caissons inspirés du style antique romain constituent une caractéristique particulière des nouvelles salles d’exposition. Ben Boving a intégré dans quelques-uns des caissons des points de montage pour des projecteurs Parscan pour permettre d’établir ultérieurement un plan lumière spécifique à chaque exposition. « Le boîtier rond de Parscan crée un beau contraste par rapport aux caissons de forme pyramidale », remarque Ben Boving.
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Procédés Hallier : la précision du cadreur
Thibault David, directeur R&D et innovation, Procédés Hallier, l’affirme : « La led a franchi depuis quelque temps les portes des musées et galeries d’art. Même si nous remplaçons encore souvent des sources d’ancienne génération par des cœurs de led dans des projecteurs existants ! Les dernières technologies led offrent un spectre assez riche et assez fidèle qui permet cette mise à jour. » En revanche, cette opération ne peut pas s’effectuer sur les cadreurs, c’est trop compliqué et assez peu intéressant en termes de durabilité.
Les cadreurs à l’heure de la led
Le spécialiste du cadreur n’en investit pas moins dans le développement de technologies pour améliorer ce type de projecteur qui a fait la renommée de la marque en la matière. « Nous avons tout mis en œuvre ces dernières années pour adapter le Fenyx à la technologie led et lui conserver ses spécificités, notamment en faisant appel à un spectre qui est le “copié/collé” de la lumière naturelle, de 400 nm à 700 nm. Ces nouvelles versions répondent aux besoins des conservateurs qui souhaitent, pour certains tableaux, reproduire l’environnement lumineux naturel extérieur des toiles au moment où elles ont été peintes. »
Cet ajustement concerne aussi la gestion automatique des niveaux d’éclairement (50 lux sur les tableaux des musées). « On fait de plus en plus appel à la technologie Bluetooth qui permet d’effectuer les réglages via une application smartphone, ou en programmant la baisse d’intensité via un détecteur de présence », précise Thibault David.
Performance énergétique au programme
Longtemps reléguée au second plan (préservation des œuvres oblige), la performance énergétique arrive au centre des préoccupations. Les optiques développées sur mesure offrent des images nettes, avec très peu de perte de lumière. « Sur notre dernière génération de cadreurs, explique Thibault David, nous avons gagné 30 % de lumière en travaillant sur l’optique. Jusque récemment, en muséographie, la question du flux n’était pas un sujet, tant les rendements étaient bien inférieurs aux luminaires d’éclairage général du tertiaire. Cela est dû au fait qu’en façonnant les faisceaux, on perdait beaucoup de flux. Aujourd’hui, la led est mature : le système chauffe moins, donc on utilise moins de matière, pour le dissipateur de chaleur par exemple, et le produit est devenu plus compact. Nous avons démontré notre écoresponsabilité dans le développement de nos produits. Nous disposons de sources changeables, d’optiques remplaçables, avec la meilleure efficacité possible au travers du train optique et donc, nous sommes en mesure de réduire la quantité des matériaux utilisés. »
Déjà, les premières générations de projecteurs led pour les musées sont remplacées, à l’instar du Louvre Lens (inauguré en 2012) qui rééquipe tout son parc. « Nous avons travaillé depuis deux ans au développement de cadreurs spécifiques pour le musée, ajoute Thibault David. Ce qui nous a conduits à prendre en compte un nouveau paramètre qui est l’ergonomie de réglage. Il ne faut pas oublier que les scénographes vont devoir régler des centaines d’appareils, souvent à 4 m de hauteur. Le réglage des lentilles doit s’effectuer simplement, sans forcer. Une fois que les couteaux sont en position, il faut que le système soit assez fort pour que les couteaux glissent bien et ne bougent plus une fois en place. Les adaptations sont d’autant plus faciles à mettre en oeuvre que nos ateliers de fabrication se trouvent à Montreuil aux portes de Paris et que les conservateurs, directeurs de musées, services techniques peuvent venir sur place pour demander des ajustements précis et échanger avec nos techniciens. Nous maîtrisons toute la chaîne de valeur : de la plaque de tôle et du barreau d’aluminium jusqu’à l’optique du luminaire. »
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Zumtobel : le musée, un laboratoire de lumière
On s’est longtemps focalisé sur la préservation des œuvres, car la lumière, issue de sources halogènes ou fluorescentes, comprenait des risques de détérioration. Aujourd’hui, on sait maîtriser les temps d’exposition mais aussi les niveaux d’éclairement. Christophe Vedel, directeur de la prescription et des grands comptes Zumtobel Group, le rappelle : « La led a transformé la façon d’éclairer l’art, et les musées, espaces très peu éclairés et préservés ont donné lieu à des recherches poussées, avec des zooms, lentilles, ouvertures de faisceaux, de plus en plus perfectionnés. Et on s’est aperçu que non seulement la led pouvait répondre aux exigences des scénographes, mais qu’elle pouvait également susciter d’autres découvertes. »
Un intérêt triple : confort, économies et respect de l’œuvre
Pour Christophe Vedel, la led a conduit à la généralisation de la gestion de l’éclairage dans les salles d’exposition et musées, ce qui présente un triple intérêt : apporter un confort supplémentaire aux utilisateurs, générer des économies d’énergie et surtout donner à voir les œuvres tout en les protégeant. « Zumtobel a développé ses propres systèmes de gestion, explique-t-il, ce qui facilite énormément la programmation des automatismes, qui ne se limitent pas à la seule détection, que ce soit de lumière du jour ou de présence. » La led est la seule source qui offre, sans filtres ou dispositifs de protection supplémentaires, une lumière exempte de rayonnements IR et UV. Même lorsque le luminaire est placé à proximité directe des œuvres, l’éclairage est moins nocif qu’avec des systèmes conventionnels. Le risque de décoloration ou de détérioration de matériaux sensibles est ainsi évité. Dans les musées, les galeries et les expositions, une lumière douce (diffuse) est l’un des principaux éléments d’éclairage. Elle estompe les contrastes et projette peu d’ombre, voire aucune. La gestion de l’éclairage permet d’une part de simuler ce type de lumière naturelle de manière étonnamment réaliste, d’autre part de composer une symbiose efficace entre lumière naturelle et artificielle. Des systèmes de commande intelligents combinés à des luminaires adéquats peuvent être utilisés pour toujours adapter la luminosité et les températures de couleur aux besoins de l’exposition.
À température de couleur variable
Zumtobel, comme de nombreux autres fabricants, propose des dispositifs appelés « Tunable White », autrement dit, à variation de blancs, ou, pour être précis, à changement de température de couleur. « La technologie Tunable White de Zumtobel, précise Christophe Vedel, associée à l’optique Zoom Focus, rend de manière authentique les textures et les couleurs, les nuances et les matériaux, en façonnant des contrastes. Le passage simple et rapide d’une température de couleur à l’autre offre des conditions idéales pour créer des solutions lumière sensibles, s’adaptant à n’importe quelle époque artistique ou au caractère de l’exposition. Même en cas de gradation du luminaire à led, la température de couleur sélectionnée reste précise et les matières gardent leur aspect naturel. Une solution lumière permettant la variation de la température de couleur dans la plage de couleur blanche permet de souligner le caractère émotionnel, les contenus, mais aussi les matériaux d’un objet d’art. »