BIM GEM pour une gestion plus efficace de l’exploitation et de la maintenance du bâtiment

Visualisation d'un bâtiment avec la solution 3D de Stereograph. © Stereograph

Utilisé dans le bâtiment depuis plus de 20 ans, le BIM ou Building Information Modeling est un ensemble d’outils et de méthodes pour la conception des projets de construction et la coordination des travaux. Ce BIM, enrichi de nouvelles données, pourra ensuite être utilisé en phase d’exploitation et de maintenance des bâtiments : c’est le BIM GEM (BIM Gestion Exploitation Maintenance).

Le BIM intervient pendant toute la phase de conception d’un projet de bâtiment ou d’un grand chantier tel que le chantier du Grand Paris Express et sera suivi par le BIM construction qui intègre les produits et équipements finaux, ainsi que l’ensemble des informations relatives à l’exécution des travaux. Durant ces étapes, l’utilisation d’une maquette numérique 3D va permettre de visualiser l’ensemble du projet et sera utilisée par les architectes, bureaux d’études et toutes les entreprises intervenant sur le site.

Comme l’explique Loïc Drugeault, directeur marketing de Codra : « Le BIM est avant tout une démarche, qui démarre avec la conception et la construction et doit s’étendre à l’exploitation. C’est un mix de technologies, de conseils et de savoir métier. La combinaison du BIM et des usages permet d’apporter un ensemble de services. »

Solution BIM Exploitation Temps réel Panorama de Codra. © Codra

Mais le BIM ne va pas s’arrêter à la remise à la fin du chantier d’un DOE numérique (dossier des ouvrages exécutés) livré au maître d’ouvrage avec des informations conformes au « tel que construit ».


Laurent Truscello, Responsable Produits et Services Métiers de Carl Software. © Carl Software

AVIS D’EXPERT

Laurent Truscello, responsable produits et services métier de CARL Software

« Le BIM GEM pour les services techniques repose sur la capacité de proposer un système global et interopéré qui associe GMAO et BIM »

Aujourd’hui, un BIM GEM réussi, c’est avant tout la transition du DOE d’un bâtiment ou d’une infrastructure, des acteurs du monde de la construction (architectes, donneurs d’ordres, ingénieurs réseau, entreprises du BTP, AMO…) à celui de l’exploitation et de la maintenance (mainteneurs, sous-traitants, Facility Managers, occupants, exploitants…).

Ce passage est d’autant plus difficile que le bâtiment dispose d’une complexité technologique (comme des hôpitaux avec des lots techniques ou réseaux sophistiqués), d’une taille étendue (un site avec plusieurs bâtiments et plusieurs maquettes), voire qu’il s’agisse d’infrastructures ou d’usines.

Le BIM s’invite comme une véritable promesse pour faciliter cette transition en termes de diffusion et de partage des données attributaires ou géométriques. Le BIM s’impose comme référentiel à la GMAO sur la partie descriptive et en ce qui concerne la décomposition du « patrimoine ».

L’une des difficultés est d’accepter que le BIM construction n’ait pas exactement le même usage que pour l’exploitation maintenance : il faudra donc accepter que des données se simplifient ou se détaillent en fonction de la phase du projet. C’est plus facile à dire qu’à faire car le diable se cache dans les détails. Et même s’il y a quelques bonnes pratiques, il n’y a pas de règle absolue.

Le BIM GEM pour les services techniques repose sur la capacité de proposer un système global et interopéré qui associe GMAO et BIM. Ce système associe donc les données de gestion d’un bâtiment (cycle de vie des équipements, processus maintenance…) avec celle du BIM (en tant que référentiel graphique et attributaire de ces équipements).

Plusieurs configurations émergent :
• Soit la mise en place de connecteurs entre la ou les maquettes BIM et la GMAO. Certaines GMAO étant déjà connectées aux plans ou aux SIG, le BIM était une évidence. En tant que solution de GMAO de référence, il nous paraissait incontournable de proposer une solution intégrée avec notre propre plateforme BIM et CIM Web à usage des acteurs des services techniques.
• Soit la mise en place de BOS (Building Operating System) hyperviseur entre la maquette et l’outil de GMAO. Des acteurs références du marché comme SpinalCom ou Stereograph sont ainsi des partenaires avec lesquels nous interopérons. Nous avons fait le choix de l’ouverture pour laisser à nos clients le choix des solutions.
Par extension, on peut aussi parler de Jumeau Numérique lorsque l’on associe en plus la dimension « temps réel » avec les données chaudes en provenance des GTB ou des Objets connectés (IoT).


Des solutions pour gérer et optimiser l’utilisation des installations
Dans le cycle de vie du bâtiment, la phase d’exploitation peut représenter plus de 80 % du coût total de possession, il est donc important d’utiliser le BIM pour optimiser l’exploitation et la maintenance. Mais le BIM GEM doit être pensé et réalisé comme une entité évolutive qui inclura toutes les données et les éléments pertinents destinés à l’exploitation du bâtiment (tertiaire, industriel, commercial, hospitalier…) : emplacement des ouvertures, implantation des réseaux et équipements électriques et de communication, équipements techniques CVC, équipements de sécurité et d’éclairage, disponibilité des espaces, etc.

Qu’elles soient statiques et issues de la maquette numérique du bâtiment ou dynamiques en provenance de l’exploitation et de l’utilisation du bâtiment par la GTB ou la GMAO, ces données permettront une gestion plus efficace grâce à cette plateforme unique BIM GEM ; mais le BIM GEM ne va pas remplacer une GMAO ou une GTC. Cette centralisation des données va apporter des bénéfices pour le suivi énergétique et opérationnel du bâtiment.

Maquette 3D de la solution BIM Immersive by Wago. © Wago

Wago, société spécialisée dans la technique de connexion et l’automatisation, a développé la solution Immersive by Wago, s’appuyant sur la réalité augmentée et permettant de visualiser les alertes de n’importe quel équipement collectif, de naviguer en 3D dans chaque bâtiment.

Vue Panorama/Codra des systèmes techniques au CHU de Tourcoing © Codra

Pascal Tigréat, responsable du département Automation de Wago France, présente cette solution : « Avec Immersive by Wago, nous mettons à disposition toutes les informations réellement utiles. C’est-à-dire que toutes les informations fournies par la GTC et les autres métiers sont accessibles au travers d’une maquette 3 D fluide et simple de manipulation. Elle sert d’outil collaboratif entre les occupants du bâtiment et ceux qui exploitent le bâtiment. Cette solution légère pouvant tourner sur smartphone ne nécessite pas de ressources importantes, avec une fluidité graphique dans le déplacement et la visualisation, seules les informations utiles sont transmises ; l’affichage des données en fonction des utilisateurs et de leurs droits se fait à partir d’une maquette commune. Pour modéliser un bâtiment, cela peut se faire par import d’IFC ou à partir d’un plan 2D en PDF, de données géospatiales suivant la norme GeoJSON ou de fichiers KML de Google Maps. Si l’on part de rien, la modélisation de ce que l’on voit se fait avec un éditeur ne nécessitant pas de grande formation pour cliquer, déposer et coller pour la mise en place des objets qui ne font pas partie de la structure visible. »

Les différentes vues du BIM-GEM pour le circuit électrique. © Schneider Electric

L’infrastructure électrique et de communication du bâtiment est un élément important du BIM GEM
Au niveau de la conception et de la construction du bâtiment, des outils ou applications Web vont permettre d’intégrer dans le BIM les conceptions des systèmes électriques (câblages, busways…) et les spécifications des composants et équipements, leurs caractéristiques physiques, électriques, énergétiques ou de coûts. Cela va permettre aussi de réaliser plus rapidement la disposition des salles électriques et des systèmes de distribution. Ce jumeau numérique BIM GEM va fournir des éléments précis pour chaque infrastructure et tous les équipements importants. Un équipement (tableau électrique, transformateur, capteur, équipement de contrôle…) peut être localisé rapidement avec ses données opérationnelles, ses caractéristiques et performances, son historique. L’objectif étant une maintenance prédictive ou en cas de défaut une réparation rapide, mais aussi l’optimisation et la performance énergétique ou le confort et la sécurité des occupants.

Maquette avec implantation de l’architecture électrique. © Schneider Electric

La question des données est importante car, comme l’explique Bertrand Lack, Chief Data Expert & BIM Influence de Schneider Electric, « la structuration des données est importante et on peut en identifier trois types :
– les “product data” qui proviennent du fabricant qui décrit ses produits ;
– les “system data” dont l’émetteur est un ingénieur qui fait le design d’une installation électrique ou d’un bâtiment :
– les données de l’IoT, l’émetteur de la donnée étant le produit lui-même.
Ces trois types de données sont étroitement corrélés. Elles peuvent provenir d’équipements de différents fournisseurs. Pour le BIM GEM, on a besoin d’un Data Model pour décrire une installation électrique, quelle est sa topologie : schéma unifilaire, représentation mécanique du tableau, où est situé le tableau dans le bâtiment et comment tout cela communique. On a donc besoin d’un Normalized Electrical Model ou NEM qui permet tout au long du cycle de vie d’une installation d’échanger de nombreuses informations et d’assurer l’interopérabilité ».

Des valeurs ajoutées importantes pour le Facility Management
Pendant l’exploitation du bâtiment, le BIM GEM va permettre aux gestionnaires de patrimoine de passer d’une maintenance curative à une maintenance préventive et ils disposeront d’informations sur l’ensemble des caractéristiques physiques et fonctionnelles du bâtiment.

Laurent Truscello, responsable produits et services métier de CARL Software, rappelle les valeurs ajoutées du BIM GEM pour le Facility Management : « La première valeur ajoutée, régulièrement mise en avant par nos clients est l’accélération de la mise à disposition des données dans la GMAO, et donc pour les services techniques. Concrètement, l’objectif est que ce “DOE numérique” permette de générer dans la GMAO l’arborescence des équipements (du site jusqu’aux équipements techniques), ainsi que le descriptif technique des éléments (fiche technique, attribut et caractéristiques, surfaces, documents ou photos…). L’outil de GMAO devant, pour sa part, permettre de créer les plans de maintenance au regard des modèles d’équipements ou des mesures de fonctionnement associés (températures, CO2, temps de cycle, intensités…). Bien qu’évidente, c’est sans doute la partie le plus complexe à mettre en œuvre. En effet, la vision construction n’est pas la même que celle de la maintenance, la granularité des découpages des bâtiments ou des équipements aboutit à des approches irréconciliables nécessitant parfois de nouvelles modélisations avec des coûts importants. Par exemple : lors de la construction, chaque panneau solaire est modélisé, toutefois en maintenance le mainteneur souhaite un bloc. Autre exemple : lors de la construction, on identifie un seul bâtiment mais pour la maintenance il y en a trois. La complétude des maquettes et le respect de règles de nommage (code, propriété, unités…) ne sont pas garantis non plus. Les volumes de données sont tels que les contrôles ou les reprises sont difficiles.

Un certain nombre de bonnes pratiques permettent d’atténuer ce phénomène : mise en place de charte BIM avec prise en compte des besoins maintenance, mise en œuvre de contrôles de la complétude des maquettes, suivi régulier des données remises (contrôle de format, etc.)… mais il y a encore beaucoup à faire.

S’ajoutent également des problèmes “informatiques” liés au volume des maquettes (temps de traitement long) ou encore liés au format des données (même si l’open BIM propose l’IFC comme format pivot, sa maîtrise n’est pas toujours homogène).

Pourtant, le jeu en vaut la chandelle. Obtenir en quelques secondes ces métriques de mètres carrés pour négocier ses contrats de maintenance (nettoyage des vitres ou des sols) ou encore éviter un inventaire physique au démarrage de l’installation sont des gains considérables.

Une 2e valeur ajoutée repose sur l’utilisation de la visualisation 3D corrélée aux arborescences équipements. Celle-ci apporte plusieurs atouts pour les équipes maintenance. La visualisation des réseaux (électriques, fluides, CVC…) est sans nul doute l’un des principaux avantages de la 3D. Il permet de comprendre un système complexe et d’aider au diagnostic (quelle est l’armoire électrique qui alimente cet équipement ? quelle est la CTA qui alimente cette cassette de climatisation qui ne propose plus de froid ?). À cela il faut ajouter la connaissance dans le temps d’où passent les réseaux dans les cloisons et faux plafonds. Pour les sites complexes et techniques, la vision 3D permet également de préparer des interventions. Par exemple déterminer comment extraire une pompe d’une installation, quel chemin suivre…

Une 3e valeur ajoutée s’obtient lorsque l’on couple au BIM GEM la dimension “temps réel des données” (compteur, alarme, présence…). Ainsi, on peut proposer un réel hyperviseur virtuel de la réalité apposée sur la maquette. Visualiser en temps réel les consommations ou les alarmes. »

Le BIM GEM peut s’étendre à un ensemble de bâtiments
Les gestionnaires de patrimoine immobilier peuvent avoir de nombreux bâtiments à gérer et retenir une solution commune BIM GEM pour tous ces bâtiments. Leur nombre peut être très important, Dalkia a ainsi conçu une plateforme rassemblant les jumeaux numériques de 122 gares SNCF ; soit 1,3 million de m2 de gares connectées à un seul BIM GEM, Dalkia BIM Solution.

Pour Laurent Truscello, c’est une 4e valeur ajoutée : « La standardisation et la vision CIM de l’ensemble du patrimoine, et pas simplement d’une maquette. Aujourd’hui, beaucoup d’outils travaillent à l’échelle d’une maquette BIM. Or, de plus en plus de gestionnaires disposent d’un patrimoine réparti sur un territoire et pour lequel plusieurs maquettes sont disponibles. Le CIM (City Information Modeling) et son approche multi-échelle permettent de représenter l’ensemble de ce patrimoine. De plus, il permet également d’apporter la dimension territoire et contexte extérieur à la maquette BIM. »

Laurent Truscello donne l’exemple des Hospices civils de Lyon (HCL). Pour ce deuxième CHU de France ayant à gérer 17 sites représentant 300 bâtiments et 33 000 installations techniques, un BIM a été mis en œuvre lors de la dernière construction du bâtiment H à l’hôpital Édouard-Herriot. La maintenance a été associée dès la phase de réalisation de ce nouveau bâtiment et les HCL ont souhaité étendre ce BIM GEM à tous les anciens bâtiments : « Pour le tout nouveau bâtiment, nous sommes partis du BIM, mais pour les anciens la modélisation se fait à partir de plans 2D et de certains équipements modélisés pour récupérer une partie des informations en 2D. S’il n’y a pas de modélisation, nous avons des partenaires qui peuvent modéliser en 3D à partir de la 2D. Si cela n’est pas possible, on peut utiliser une modélisation Lidar (scan en 3D). Les HCL ont choisi de modéliser les équipements dès la construction ou la rénovation, ce qui permet de gagner du temps pour un bâtiment complexe. »

L’utilisation du BIM-GEM devient de plus en plus nécessaire lorsque l’on voit la complexité croissante des équipements des bâtiments, la nécessité d’assurer la continuité de service, la sécurité des utilisateurs et de réduire les coûts de fonctionnement avec des réglementations de plus en plus rigoureuses.

Jean-Paul Beaudet

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