Le 31 décembre 2022 a marqué le véritable lancement du décret tertiaire, avec l’obligation pour les propriétaires et gestionnaires de bâtiments tertiaires d’effectuer leur première déclaration de consommations et de l’année de référence choisie. Le dispositif entre aujourd’hui dans sa phase d’action. Gildas Dolbeau, cofondateur d’Enoptea, filiale du groupe Epsa, cabinet de conseil en performance énergétique, environnement et RSE, revient sur les fondamentaux du décret, les subtilités à garder en mémoire et les bénéfices à long terme pour les assujettis.
Quelles sont les obligations à respecter, les sanctions prévues en cas de non-conformité ou manquement et les points d’attention à garder en mémoire en effectuant sa déclaration ?
Gildas Dolbeau – Le décret tertiaire oblige les propriétaires ou locataires de bâtiments accueillant plus de 1 000 m² de locaux tertiaires à réduire leurs consommations d’énergie à horizon 2050. Le premier jalon, posé pour 2030, vise une réduction de 40 % des consommations. Au 31 décembre dernier, les assujettis au décret devaient déclarer leurs consommations et le choix de l’année de référence, sur la plateforme Operat, pilotée par l’Ademe. L’objectif de cette plateforme est de contrôler la conformité des assujettis, qui risquent une amende de 7 500 € par entité juridique et une citation nominative, très certainement sur une page web dédiée, en cas de non-respect des obligations. Il y a deux grandes difficultés lors de la déclaration. La première concerne la collecte de la donnée. Il est nécessaire de collecter les données de consommation, à partir de la facture énergétique ou du compteur. Cela s’avère beaucoup plus complexe dans le cas où l’entreprise rassemble plusieurs sites sous une même entité juridique. La seconde concerne la collecte des informations bâtimentaires, avec le nombre de mètres carrés d’espaces tertiaires à déterminer et les entités fonctionnelles assujetties. Enfin, il est nécessaire de déterminer au préalable qui est responsable de la déclaration entre le locataire et le propriétaire. Nous préconisons que celui qui paye la facture déclare, pour plus de fluidité.
Dans quelle mesure la mise en œuvre d’une GTB s’avère-t-elle pertinente pour répondre aux obligations ?
G. D. – Au 31 décembre dernier, les assujettis devaient avoir rempli leur déclaration, selon l’année de référence choisie ou dans la base de calcul en valeur absolue, selon les critères listés par l’Ademe. Lorsque l’objectif est établi, il faut déterminer les moyens de l’atteindre. Dans un premier temps, nous préconisons de s’attaquer aux « Quick Wins », ou actions à gains rapides. Il peut s’agir du réglage d’équipements, du remplacement de l’éclairage, d’agir sur les usages… Ensuite, il faut identifier les travaux à réaliser pour atteindre les 30, 40, voire 50 % de réduction des consommations. Cela représente des investissements plus conséquents, à l’image de l’isolation du bâtiment ou du remplacement des systèmes thermiques, par exemple. Enfin, lorsque ces actions ont été menées, il est essentiel de mettre en œuvre un système de gestion technique du bâtiment (GTB), pour pérenniser la réduction des consommations et aller plus loin dans la performance énergétique.
Alors que les dépenses en énergie explosent depuis plusieurs mois, cette nouvelle obligation va-t-elle engendrer des coûts supplémentaires pour les entreprises, ou plutôt permettre de contenir les budgets ?
G. D. – Il est difficile d’opposer ou d’allier les deux. Depuis quelques mois, la facture explose à cause de l’augmentation du coût de l’énergie. Il est donc essentiel d’anticiper au maximum l’évolution des prix. Le décret tertiaire est très pertinent : bien sûr il oblige les acteurs à investir au moment où ils doivent faire face à l’explosion de leurs factures, mais à plus long terme cela permettra de réaliser des économies conséquentes. Avec l’augmentation des prix, les temps de retour sur investissement des actions de performance énergétique sont considérablement réduits. Outre le coût énergétique, nous constatons une réelle volonté des pouvoirs publics et des donneurs d’ordre privés de décarboner le bâtiment.
Propos recueillis par Alexandre Arène