Interview de Pascal Toggenburger président de la FFIE

Le nouveau président de la Fédération Française des Intégrateurs Électriciens, qui représente 7 500 entreprises de la filière, détaille pour Electricien+ les grands objectifs de son mandat. Pour Pascal Toggenburger, parler des évolutions du métier ne suffit plus, il faut être pragmatique. L’heure est aux démonstrations exemplaires dans toutes les régions de France, pour mettre en avant les […]

Le nouveau président de la Fédération Française des Intégrateurs Électriciens, qui représente 7 500 entreprises de la filière, détaille pour Electricien+ les grands objectifs de son mandat. Pour Pascal Toggenburger, parler des évolutions du métier ne suffit plus, il faut être pragmatique. L’heure est aux démonstrations exemplaires dans toutes les régions de France, pour mettre en avant les nouvelles disciplines qui concernent tous ses adhérents. Et toute la profession.

 

Vous avez été élu président de la FFIE en octobre dernier. Quelles sont vos priorités ?

Pascal Toggenburger – Je suis un président assez pragmatique. Nous avons beaucoup parlé aux adhérents et intégrateurs de l’évolution du métier, de la numérisation et de l’arrivée du digital dans l’électricité. En 2023, nous devons tester, montrer en vraie grandeur que tous ces systèmes existent. Et nous devons faire notre possible pour que, dans les régions, avec l’aide de la FFIE, des démonstrateurs mettent en situation les innovations technologiques. D’abord pour affirmer qu’il existe dans toutes nos contrées des intégrateurs qui maîtrisent ces technologies. Et deuxième effet positif : on a du mal à attirer les jeunes dans nos métiers, ils ne savent pas assez que nos entreprises ont une certaine valorisation IT, et que nous avons besoin de techniciens qui savent utiliser Internet, programmer des scénarios de matériels électriques. Nos métiers sont attractifs. C’est mieux qu’un PDF !

J’ai aussi envie de donner une vision peut-être un peu plus technique à la FFIE, et que l’on puisse vulgariser encore plus. Emmanuel [Gravier, ancien président de la FFIE, NDLR] a créé le Lab, et je souhaite évidemment que l’on continue avec ce showroom. Mais peut-être le faire évoluer sur les thématiques de sobriété énergétique et de gestion des consommations, avec des exemples dont les innovations technologiques. Il faut que l’on ait des réalisations exemplaires un peu partout en France pour mettre en avant ces nouvelles disciplines qui nous concernent. Essayer d’être à l’initiative d’opérations remarquables dans les trois années qui viennent, et qui jalonneront mon mandat.

« Tout le monde est très vigilant à mieux maîtriser sa consommation, on a vraiment un rôle à jouer. »

À quel type d’opération pensez-vous ? Donnez-nous un exemple et les retombées que vous en attendez.

P.T. – Une première opération devrait se faire rapidement sur le maintien à domicile et la Silver Tech. Avec Pro BTP, nous allons transformer une quinzaine de chambres dans un Ehpad et installer de nouveaux systèmes : détection de chute, chemins lumineux, vidéosurveillance… Nous allons tester et communiquer. Les adhérents ont plutôt émis le souhait d’avoir des opérations près de leurs entreprises. Lors de la finition de ces 15 chambres, nous réaliserons un reportage avec les fabricants partenaires, afin de montrer que nous sommes porteurs de projets sur la Silver Économie, un marché énorme qui arrive et qui, avec Ma Prime Adapt’, va générer du business à partir de 2024.

À part la Silver Éco, quels sont les thèmes importants pour la filière ?

P.T. – Nous le vivons tous au quotidien, tous les intégrateurs que je représente : il y a aujourd’hui une recherche très forte des clients, en tertiaire notamment, sur des améliorations et des optimisations énergétiques des systèmes électriques. L’intégrateur se doit de penser kilowattheure, parce que son client va demander des réductions sur ses factures, à trouver des solutions, à donner de la pertinence à la consommation électrique. L’usage doit être ciblé, régulé dans le temps et dans la puissance délivrée.

Dans les axes stratégiques, il y a donc tout ce qui touche à l’énergie. Pour la production, c’est le photovoltaïque, pour lequel le travail de la FFIE va consister à améliorer les process de formation et de qualification. Aujourd’hui, nous souhaiterions par exemple que Qualifelec soit reconnu comme un organisme de qualification à part entière sur le photovoltaïque. Avec des simplifications : que l’on n’ait besoin que de Qualifelec pour être RGE – ce qui est obligatoire aujourd’hui pour être crédible et éventuellement bénéficier d’aides mises en place par l’État.

Au-delà du photovoltaïque, c’est toujours l’accompagnement des entreprises dans le déploiement des IRVE, car la mobilité électrique nous concerne en premier lieu. Qui, mieux qu’un intégrateur peut installer des bornes ? Qualifelec compte plus de 4 000 entreprises qualifiées.

Évidemment, l’électrotechnique évolue et se numérise. La FFIE propose des services à ses adhérents pour le résidentiel sur tout l’aspect domotique. Rester dans un univers de veille technologique. Les systèmes radio ZigBee se voient de plus en plus, le Wi-Fi depuis longtemps, les capteurs on les connaît, le Linky, il faut qu’on puisse en exploiter les données pour piloter au mieux selon les nouvelles propositions tarifaires des fournisseurs…

Avant la qualification, comment abordez-vous les questions de compétence ?

P.T. – Si l’entreprise ne possède pas les ressources en propre, il faut qu’elle fasse un métier d’installation de manière qualitative, et qu’elle sous-traite la mise en service à des tiers, des fabricants. Nous, ce que l’on souhaiterait, c’est plutôt qu’elle ait cette valeur ajoutée. Donc, inciter l’entreprise à recruter du personnel plus technique. Ce n’est évidemment pas facile pour une PME de recruter des jeunes bac+5. À nous de faire comprendre aux jeunes que l’aventure PME vaut la peine : diversité des responsabilités, agilité, proximité et sens de l’humain sont des valeurs fortes dans nos entreprises.

On veut sensibiliser nos intégrateurs sur le fait que faire de la R&D ou préparer l’avenir en essayant par l’informatique de développer de nouveaux process valorisant l’entreprise, c’est plutôt une belle direction. L’entreprise peut en même temps être financièrement aidée par des contrats CIF, du crédit d’impôt recherche (CIR) ou du maquettage. Ces dispositifs français sont plutôt remarquables et doivent être utilisés. Cela permet aux jeunes entreprises de payer une partie de leur développement, et de valoriser les intégrateurs qui veulent passer d’un statut d’installateur de produits existants à celui de concepteur et développeur de solutions.

« La Silver Économie est un marché énorme qui va générer du business à partir de 2024. »

Quand on regarde la structure des entreprises d’électricité, il y a sans doute un faible pourcentage de dirigeants capables de se projeter ainsi…
P.T. – Nos entreprises emploient en moyenne 12 salariés. Beaucoup restent donc sur une activité de base, l’installation. Elles sont appelées pour ça. Elles répondent à une fonction pour mettre de l’énergie, de la lumière, etc. Maintenant, si on n’essaie pas de montrer une autre facette de notre profession, nous n’avancerons pas. Nous montrons par l’exemple qu’il y a de bons élèves et que, finalement, par le réseau de la FFIE, on peut très bien aussi se faire aider et monter en compétence.

Chacun dans notre coin, nous faisons des choses qui sont techniquement utilisables et installables, et les fonctions qu’on nous demande sont bien souvent accessibles, avec un peu de formation. Une fois qu’on a compris comment ça fonctionnait… Il nous faut convaincre les entreprises qui n’y vont pas d’agir pour se différencier. Et puis, ces technos sont beaucoup plus à la portée des jeunes. Je parle des jeunes techniciens mais aussi des jeunes chefs d’entreprise. Ils sont nés avec un smartphone, ils ont l’habitude des réseaux sociaux, la domotique ne leur fait plus peur.

Avant, on tirait des câbles, on faisait une saignée, on rebouchait… On vendait du temps et du câble. Avec les nouvelles technos et le sans-fil, on est plus dans la notion de service. Comment justifier les prix ?

P.T. – On est effectivement sur une autre approche. Avec plus de valorisation intellectuelle et de mise en avant du choix et de la mise en œuvre. Et évidemment, un accompagnement et un suivi du client, parce que quand un système est plus sophistiqué, on a quand même besoin d’y porter un intérêt à long terme et de proposer des contrats de maintenance, même si ces systèmes sont maintenant plutôt robustes.

Mais il est vrai que dans le bordereau de prix ou de devis, il va falloir quand même l’exprimer un peu différemment, et faire abstraction du fait qu’il n’y a plus de fil et de câble. L’intégrateur est plus exposé, parce que c’est la porte ouverte à des entrants dans notre métier. On se retrouve maintenant face à des entreprises de l’IT ou des indépendants qui vont proposer à peu près la même chose. Cette concurrence peut surprendre l’électricien, c’est la raison pour laquelle, aussi, on a changé de vocable et que nous préférons parler d’intégrateur.

L’entreprise doit se valoriser d’une manière différente. D’abord, sur la recherche du bon équipement et de la bonne solution. Et après, sur la mise en œuvre, qui est plus technique. L’intégrateur répondra de toute façon à un besoin de son client, notamment sur le marché de la rénovation, parce qu’il est vrai qu’aujourd’hui, ce n’est plus la peine de faire des saignées. Mieux vaut directement mettre un interrupteur radio et une centrale radio pour piloter les usages. L’intégrateur doit suivre le mouvement.

Voyez-vous des progrès sensibles, ces dernières années, concernant le marketing de l’offre ?

P.T. – Beaucoup d’entreprises, par manque de temps sans doute, sont passées à côté de l’aspect marketing. Mais à la FFIE, avec les apports de notre Commission économique sur tous les travaux marketing, et des produits un peu packagés pour essayer de faire changer l’orientation et la visibilité de l’entreprise, je pense que nos efforts sont plutôt couronnés de succès. Pour rappel, nous sommes tous en majorité des techniciens. Nous ne sommes pas issus d’écoles de commerce, mais plutôt des filières techniques et ingénieurs, et il n’est pas forcément très naturel d’avoir une démarche marketing. Mais des entreprises se sont emparées du sujet. Certaines ont commencé à mettre de la PLV, puis ont peaufiné leur site Internet, tenu compte du référencement pour répondre aux contraintes des moteurs de recherche… Elles se sont différenciées par rapport à la concurrence. C’est essentiel.

Concernant les missions de la FFIE, la Commission emploi et compétences a édité de nouveaux mémos. Vous travaillez sur l’attractivité des métiers ?

P.T. – Oui, on a fait six fascicules qui ont reçu un très bon accueil. Par exemple « Manager la nouvelle génération : les clés de la réussite » ou « Comment mener un entretien d’embauche efficace ». Ils sont utiles et bien faits et répondent à une demande. On va continuer pour environner la partie RH. Je précise que ces guides ne sont accessibles qu’à nos membres adhérents.

On valorise nos professions et j’ai aussi donné le feu vert pour créer des vidéos, intéresser les jeunes à nos métiers, essayer de mieux recruter. Nous vivons dans un monde un peu perturbé et nous voudrions évidemment attirer plus de jeunes dans nos professions. Il y a d’ailleurs aussi le sujet de la parité. On a du mal à trouver des techniciennes, à tous les niveaux. Bureaux d’études, entreprises… il faut aller les chercher, ce n’est pas simple. Dans nos métiers techniques, il y a 2 ou 3 % de femmes à peine…

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Sur la partie RE2020 et les décrets tertiaire et BACS : le petit et le moyen tertiaire permettent-ils d’aller chercher des marchés et de maintenir l’activité ?

P.T. – Oui, bien sûr, je constate qu’il n’y a pas mal de bâtiments publics – c’est l’État ou les régions qui engagent des travaux sur la mise en conformité par rapport au décret tertiaire soutenu par le programme ACTEE. Bien évidemment, les gestionnaires de bâtiments tertiaires privés sont dans la même dynamique. Cela se traduit par du comptage, dans les TGBT. On en profite en même temps pour rénover les appareils d’éclairage, ce qui concourt à la réduction des consommations électriques. Il y a un besoin dans toutes les régions de rénover tous ces bâtiments. Ce dont a parlé le président Macron, c’est aussi l’accompagnement dans les communes pour rénover les écoles. En tout cas, ça va nous générer du business pendant deux, trois, voire cinq ans. Un peu à l’image de l’adaptation au handicap, avec de petits travaux – de 50 000 à 100 000 € par bâtiment – qui génèrent un peu d’activité.

On en est plutôt à la phase « 1 », c’est-à-dire au recensement, à l’état déclaratif. Il y a quelques bons élèves qui ont déjà commencé à anticiper, pour rénover l’éclairage, le chauffage, mettre des compteurs. Ce qui va faire du bien aussi, c’est le chauffage électrique. Pendant tellement d’années, on l’a oublié, il va revenir. Entre le décret et la situation économique qui se présente à nous, la filière électrique a un bel avenir devant elle.

 

Sur l’agenda 2023 de la FFIE

  • Colloque « Préparons l’avenir des seniors », le 10 mars à Troyes, en partenariat avec France Silver Eco et l’université technologique de Troyes.
  • Salon BePositive dédié à la transition énergétique, du 21 au 23 mars à Eurexpo Lyon.
  • Salon d’affaires Smart Building & Territoires Summit, les 31 mai et 1er juin 2023 à Reims.
  • Grand circuit FFIE 2023 des électriciens, avec 4 dates et thématiques, notamment sur les réseaux de communication.
    • 15 mars 2023 : Les réseaux de communication dans le résidentiel
    • 14 juin 2023 : Nouvelles technologies en sécurité électronique pour les enjeux de protection des personnes et des biens
    • 20 septembre 2023 : Le rôle des intégrateurs électriciens dans la Silver Économie
    • 22 novembre 2023 : Pilotage des bâtiments, gestion des données et services aux occupants – Gestion des datas

Pour toute information : www.ffie.fr

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