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Ligne du tramway T9 : une lumière inclusive

Station Trois Communes à Vitry – Maîtrise d’ouvrage : Transamo pour Île-de-France Mobilités – Maîtrise d’oeuvre, Architecte-paysagiste : Richez_Associés et designer des stations avec Sovann Kim selon le design code de RCP Design Global – BET mandataire : groupement iTram/Ingérop – BET études : Bérim et Setec – Conception lumière et MOE : Concepto – Installateur : Citeos Île-de-France – Solutions éclairage : Concep Light, Comatelec Schréder, Eclatec, Led Puck, Lumenscia, Selux – © Concepto. Photo Noémie Riou

La ligne du tramway T9, avec ses 19 stations, se veut exemplaire en matière de mobilité et d’intermodalité, et s’insère sur un axe métro­politain qui traverse 6 communes au sud de Paris : Paris, Ivry-sur-Seine, Vitry-sur-Seine, Thiais, Choi­sy-le-Roi et Orly. Le projet est à la fois serviciel et qualitatif en matière de mobilité, avec des espaces publics fédérateurs sur le « parcours des arts » ponctué d’œuvres d’art publiques. Pour Vincent Cottet, paysagiste et urbaniste, Richez_Associés, « le tracé du T9 est un voyage Paris-banlieue aux étapes douces, comme une transition simple, heureuse et modeste, une sorte de réconciliation urbaine qui s’organise de façon continue. Il est exceptionnel dans sa dimension XXL, clos dans sa dimension territoriale, ce qui lui confère une intimité, une domesticité, parfois une intimité, qui répond d’abord à un axe de vie et qui n’est plus seulement un axe de passage ».

Le ruban du tramway T9 se déroule sur les 10,3 km avec une grande cohérence dans les choix de maté­riaux, mobiliers, design des stations et lumières, tous pensés pour former une unité graphique qui marque le paysage de jour comme de nuit. « L’objectif était de développer des ambiances socialisantes, déclare Sara Castagné, conceptrice lumière, Concepto, qui participent à la redécou­verte nocturne des espaces afin d’accompagner les mobilités ; des ambiances qui favorisent le jeu, les interactions et la joie. J’aime bien qualifier ce projet de “lumière inclusive”, c’est-à-dire d’une lumière qui accompagne l’insertion de la ligne de tramway sur un boulevard avec une redisposition des trottoirs, de la chaussée et de la plateforme tramway en favorisant les liens sociaux, et appor­ter de la convivialité dans l’espace public pour agrémenter le parcours. L’idée est de réconcilier les usagers avec les déplacements en mode doux la nuit, quel que soit l’âge ou le sexe. »

Sara Castagné, conceptrice lumière, Concepto, a misé sur la convivialité et l’intégration de la lumière qui ponctue et habille les espaces publics. Les stations du tramway T9 sont signées par Richez_Associés et le designer Sovann Kim. © Concepto. Photo Vincent Enot

Ainsi, tout le monde peut investir ces espaces sin­guliers qui bordent le tramway T9 : des plages colorées invitent à ralentir et se poser sur un banc, des motifs floraux projetés au sol guident les cyclistes le long du cimetière d’Ivry, des oeuvres d’art sont délicatement mises en lumière pour une nouvelle perception dans le paysage nocturne. La place Gaston Viens à Orly accueille des mots entremêlés d’Elsa Triolet et de Louis Aragon, bribes de phrases projetées sur le sol du parvis du centre culturel Aragon-Triolet. Un jeu de piste pour découvrir qui a écrit quoi s’offre aux visi­teurs du soir. « Nous avons souhaité donner une puissance graphique à tous ces espaces, explique Sara Castagné, pour que la lumière s’intègre complètement dans les aménagements urbains. En même temps, nous avions à coeur d’offrir un grand confort aux usagers afin qu’ils puissent s’approprier les espaces, et de les ponctuer de douceurs tout le long du trajet du tramway. »

Station Trois Communes : la clé de voûte du parcours
Les différents espaces traversés par le tramway offraient néanmoins des configurations ou objets majeurs qu’il aurait été dommage de ne pas inté­grer aux ambiances lumière. L’infrastructure de l’autoroute A86, à l’intersection de Thiais, Vitry et Choisy-le-Roi, fait partie de ces espaces à enjeux, d’autant plus qu’il accueille une station abritée sous l’ouvrage. Comment valoriser un tel espace qui souffrait d’un fort déficit au départ ? La ques­tion se posait de comment faire de cette étape une expérience positive, sachant qu’avant l’interven­tion de Vincent Cottet, paysagiste et urbaniste, Richez_Associés, le passage présentait, même de jour, un aspect lugubre et peu engageant, que seuls les véhicules empruntaient. Vincent Cottet a pro­posé de revêtir les surfaces d’un voile doré. « C’est pour cette raison que l’on aperçoit des reflets, très intéressants mais aussi troublants, commente Sara Castagné. Cette poudre d’or diffracte complète­ment la lumière et lorsque le tram pénètre dans ce tunnel, sa lumière très blanche donne quelque chose de dynamique ! »

« L’ouvrage d’art a été conçu (dans les années 1980) totalement hors d’échelle par rap­port à la ville qu’il traverse, explique Vincent Cottet, mais il possède une intelligence, car il a su s’installer avec justesse dans la pente. L’ouvrage est “en équilibre”, avec seulement un point d’ap­pui et un système de double terrasse. Dès le début, nous avons pensé à privatiser une des travées au profit du piéton et du tramway, et surtout à inven­ter un espace qui allait rendre ce vide habitable, appropriable. C’est parce que c’était un non-lieu qu’il fallait intervenir. »

Ouvrage de l’A86 à Vitry. © Concepto Photo Vincent Enot

Vincent Cottet a donc voulu faire de ce passage un palais qui gomme son aspect sinistre et qui porte en lui l’idée du monumental. Il poursuit : « L’architecture de l’ouvrage est très belle, elle n’a pas été pensée comme un dessous, mais comme un volume intérieur… L’architecte avait conçu à l’époque des grands rubans comme des porteurs et des marqueurs de la route au-dessus. Nous avons transformé ces rubans pour en faire les poutres de cette intériorité à vivre, animées par les effets de scintillement et les reflets dorés percep­tibles au passage du tram et des voitures. L’idée de peindre avec une lasure dorée anticipait sur les effets lumineux. Le dispositif de lumière devient un jeu de réflexion de l’éclairage indirect qui vient s’imprimer dans le sol. Nous avons choisi de ne pas occuper ce vide, le libérant des quatre abris de la station initialement prévus, laissant la lumière structurer l’espace par le jeu des reflets. »

Pour Sara Castagné, « la hausse du prix de l’élec­tricité va indéniablement conduire les communes à faire des arbitrages : baisser l’intensité de toutes les lumières ou choisir de privilégier le déplace­ment des piétons plutôt que le déplacement des véhicules qui disposent de leurs phares. Le projet du tramway T9 propose un espace sensoriel basé sur ces effets miroitants de la peau de l’ouvrage en béton avec un éclairage coloré statique, mais qui procure une impression cinétique ».

88 appareils d’éclairage, disposés au sol, avec un mix de leds rouges, ambre et vertes ont per­mis via un protocole DMX de caler les nuances chromatiques. La puissance estimée est de 75 % de la puissance nominale, soit 2,9 kW. Lorsque le tramway T9 est présent, son propre éclairage estompe la couleur de la lumière initiale plus satu­rée. Des projecteurs à optique routière fixés sous les poutres permettent d’éclairer la voirie.

Station Gaston-Viens à Orly. © Concepto Photo Sara Castagné

Des ponctuations de lumière
Le long du cimetière d’Ivry, la piste cyclable est accompagnée d’une projection au sol réalisée par des gobos à motif végétal.

À Vitry-sur-Seine, une sculpture de 14 m de haut, imaginée par Dubuffet, intitulée Chaufferie avec cheminée, réalisée en résine époxy armée de fibre de verre et peinture polyuréthane, se dresse au milieu du rond-point traversé par le tram, devant le MAC VAL (musée d’Art contemporain du Val-de-Marne). Raoul-Jean Moulin, écrivain et cri­tique d’art, la décrit en ces termes : « Flamme de résistance et de liberté, elle s’élance familièrement au-devant de nous, en laissant affleurer, dans la contorsion de ses formes et de ses couleurs, la mémoire d’une espérance dont il nous faut anti­ciper les signes. » Il était très difficile d’éclairer l’oeuvre d’art compte tenu de sa position. « Nous avons disposé tout autour de l’œuvre, précise Sara Castagné, des projecteurs à gobos qui viennent découper la sculpture avec des faisceaux dirigés très justement sur chaque face de l’œuvre, sans éblouir les passagers du tram ni les automobi­listes, et qui ne gênent pas les habitations à proxi­mité. Ce dispositif nous a permis de donner une autre interprétation de la lumière la nuit. »

Parvis Gaston Viens à Orly. © Concepto Photo Sara Castagné

Au terminus d’Orly, sur le parvis bordé de com­merces, la conceptrice lumière a doté les mâts standards de lampes de différentes couleurs, pro­jetant au sol des ombres colorées qui offrent aux enfants un véritable terrain de jeu.

Pistes cyclables, parvis, œuvres d’art : des projections de lumière ludiques jalonnent le trajet de la ligne du tramway T9 de Choisy-le-Roi à Orly.

 

Isabelle ARNAUD: Rédactrice en chef de la revue Lumières
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