Depuis les annonces gouvernementales du plan de sobriété énergétique, la question ne se pose plus, elle s’impose : tout projet d’éclairage devrait intégrer des systèmes de gestion. Nous avons interrogé cinq fabricants qui nous expliquent le fonctionnement de ces outils encore trop ignorés dans les espaces tertiaires.
La sobriété énergétique, c’est d’abord un objectif fixé par l’État. Rappelons que l’arrêté du 22 mars 2017, qui modifie l’arrêté du 3 mai 2007, indique les niveaux de performance à atteindre lorsqu’on rénove, entre autres, l’éclairage d’un bâtiment. Outre 1,4W/m²/100 lux, il exige la gradation ou l’extinction par détection d’absence ainsi que la gradation automatique de l’éclairage artificiel en fonction des apports de lumière du jour, par zone de 25 m².
Pour parler concrètement, prenons un exemple : la rénovation de l’École nationale supérieure de chimie ParisTech à Paris, réalisée par Sylvania (voir nos photos ci-dessous et notre encadré en fin d’article). En juin 2021, des travaux portant sur la rénovation énergétique, dont l’amélioration de l’éclairage, ont été engagés grâce à l’obtention d’un financement de l’État à hauteur de 7,4 millions d’euros dans le cadre du Plan France Relance. « Pour faire baisser les coûts, nous souhaitions mettre en place un système de gestion d’éclairage associé à des luminaires led afin d’éviter que, comme jusqu’alors, ces derniers restent allumés toute la journée même dans les salles non occupées », explique Patrick Guezo, responsable du Patrimoine et des services techniques de l’établissement.
La solution de gestion d’éclairage intelligente, décentralisée et connectée SylSmart Connected de Sylvania a été retenue pour accroître l’efficacité énergétique sans compromettre le confort des occupants. Sans câblage ni appareil de commande supplémentaire, elle fonctionne grâce à des luminaires led intégrant un détecteur de luminosité et de présence, un module de communication sans fil dès la mise en service. Lorsqu’il y a plusieurs luminaires dans une salle, ils communiquent entre eux et fonctionnent en automatique, ou bien ils peuvent être contrôlés à l’aide d’un smartphone. Comment se fait-il qu’un outil simple à installer, efficace, qui permet de faire des économies et qui en plus améliore notre confort de vie, ait pu mettre aussi longtemps à intégrer les projets de rénovation ?
Les économies par le bon sens : la détection en première étape
Pour Ludovic Voltz, gérant de Tridonic France et directeur commercial France et Benelux, « les raisons ne manquent pas pour justifier la mise en place de systèmes de gestion de l’éclairage : la guerre en Ukraine, les difficultés liées au transport de l’énergie, les enjeux environnementaux et écologiques convergent vers le même besoin de baisser les consommations électriques. La gestion de l’éclairage est un excellent levier pour faire de grandes économies. »
Quand, en 2007, le ballast électronique arrive sur le marché français, on commence utiliser la gradation. Ensuite, en 2012, les ventes des leds s’envolent et on assiste en même temps à un pilotage plus généralisé de l’éclairage. La gradation s’effectue tout d’abord très simplement par bouton-poussoir, puis via la détection de luminosité et de présence, ce qui génère des économies significatives.
Le graphique ci-dessous montre comment il devient possible alors d’atteindre 70 % d’économies avec la mise en œuvre de détection. « Aujourd’hui, poursuit Ludovic Volz, l’organisme Connectivity Standards Alliance (CSA) — qui a remplacé l’alliance Zigbee – réunit plus de 350 sociétés autour de la création, de la maintenance et de la promotion de standards ouverts pour l’Internet des objets. Une nouvelle marque, Matter, a vu le jour et vise à assurer que les futurs produits labellisés seront fiables, sécurisés par conception et compatibles à grande échelle ». Les systèmes de gestion deviennent de plus en plus sophistiqués et efficaces. Citons, parmi les dernières solutions de Tridonic, les drivers Tunable White DT8 lp PRE, conformes aux dernières spécifications DALI-2, qui permettent non seulement un éclairage dynamique avec une température de couleur adaptable, mais qui « ouvrent également la voie aux solutions d’avenir avec une gestion d’installation et un suivi des consommations simplifiés, et bien d’autres choses encore », ajoute Ludovic Voltz.
De son côté, B.E.G., dès 1986, a sorti ses premiers détecteurs de présence pour déclencher l’éclairage. « Un peu plus tard, explique Ludovic Bécourt, directeur adjoint de B.E.G. France, nous avons fourni des produits capables de calculer les apports de lumière naturelle pour réduire l’éclairage artificiel en conséquence.
Ensuite la variation de lumière a fait son entrée, d’abord en dimmable, puis en DALI avec l’arrivée du ballast électronique. Enfin la led a permis de faire de la gestion de l’éclairage optimisée : avec des bus comme KNX, LWON, etc., et la connectivité qui a donné lieu à des systèmes communicants et automatisés. »
Deuxième étape : l’intelligence au service des économies d’énergie
Ainsi B.E.G. propose le système de régulation de la lumière DALI-SYS, modulaire, qui peut équiper des pièces individuelles, ou un bâtiment entier, localement ou à distance. « Au-delà du pilotage de l’éclairage, indique Ludovic Bécourt, cette solution permet de voir l’état de toute l’installation, sur de très grandes surfaces et de détecter les dysfonctionnements éventuels ». Ce produit utilise la technologie DALI 2 BMS avec des systèmes ultra-communicants, équipés de multicapteurs et des dispositifs de GTB de B.E.G., avec un protocole totalement ouvert qui permet de fonctionner avec d’autres solutions de gestion du bâtiment. « Les économies d’énergie redeviennent une priorité absolue, commente Ludovic Bécourt, et l’heure n’est plus à l’hésitation : si les exploitants veulent réduire leur facture, voire éviter les coupures d’électricité, il faut qu’ils adoptent les technologies pertinentes et qu’ils investissent dans ces outils de gestion. »
Autre spécialiste de systèmes de gestion, Osram Digital Systems propose plusieurs solutions dont la gamme HubSense. Il s’agit d’un ensemble d’outils logiciels qui permet aux agents de mise en service, aux entrepreneurs, aux installateurs et aux gestionnaires d’installations de configurer, contrôler et gérer les infrastructures d’éclairage commerciales avec les composants « Works with Osram HubSense » basés sur un maillage Bluetooth qualifié (QBM : qualified Bluetooth mesh). « La communication s’effectue sans fil, explique Thierry Bechtel, ingénieur Applications, Osram DS, ce qui implique donc un gain énorme en termes de câblage. De plus, grâce au maillage, il n’y a aucune perte de signal. On peut interconnecter les capteurs, et aussi laisser la main à l’utilisateur avec des bouton-poussoir, disposer des drivers équipés de la puce HubSense. »
Les différentes options de commande de l’éclairage (détection de présence et contrôle de la lumière du jour) permettent de réduire la consommation d’énergie aussi bien que les coûts d’exploitation. Il est possible de créer des ambiances d’éclairage confortable et de les adapter facilement à de nouveaux plans d’aménagement des bureaux – à tout moment, sans recâblage. « Le faible coût d’adaptation de l’éclairage est l’une des principales raisons pour laquelle le système HubSense représente un investissement solide et rentable, remarque Thierry Bechtel. J’aime bien rappeler également que l’arrêté de décembre 2018 impose d’éteindre l’éclairage des bureaux au plus tard une heure après la fin de l’occupation de ces locaux ! Les solutions que nous développons permettent de répondre exactement et de façon automatique à ces exigences ».
Steve Denni, en charge de la direction commerciale d’Osram DS au sein du groupe Osram, ajoute « qu’il ne faut pas oublier que dans le tertiaire, vous avez un éclairage au-dessus de vos têtes en permanence : que vous soyez dans les couloirs, les toilettes, les ascenseurs, les halls, ou dans les bureaux. Et tout cela est en réseau, avec ou sans fil. Pourquoi ne pas utiliser ce réseau pour apporter plus d’intelligence au bâtiment ? On peut imaginer des extensions avec des systèmes Bluetooth ouverts pour détecter le bruit, la quantité de CO2, exemples parmi tant d’autres qui pourraient améliorer notre bien-être ! ».
Éclairer juste pour réduire l’impact énergétique
Pour Yoann Sinel, directeur de l’activité OEM chez Signify, « l’expression « éclairer juste » convient parfaitement pour définir la gestion de l’éclairage. Éclairer juste pour limiter l’impact énergétique, au sens du bien-être pour un éclairage confortable et adéquat, pour respecter les normes et les textes réglementaires, pour améliorer la qualité de vie, pour rester en conformité avec l’environnement. Aujourd’hui, on parle de sobriété énergétique, mais ce n’est pas nouveau, en revanche dans la profession, nous avons encore du mal à faire entendre tous les bénéfices flagrants, factuels, de la gestion de l’éclairage, ou de ce que j’appellerai un éclairage optimal ». Les systèmes sont là, efficaces et fiables depuis longtemps. « Nous estimons, poursuit Yoann Sinel, que lorsque l’on passe à un éclairage led, on réalise environ 50 % d’économies d’énergie, auxquelles s’ajoutent d’autres économies grâce à la détection de présence et l’asservissement à la lumière naturelle, soit encore 15 % chacun. » Les systèmes relatifs à la gestion s’appuient sur trois types de communication : le Bluetooth, le Zigbee et le Wi-Fi. Chacune présente des avantages et des inconvénients mais les trois répondent aux critères sans fil et protocole ouvert. « Le Bluetooth présente l’avantage de ne pas coûter cher, il est universel mais n’est pas très sécurisé, commente Yoann Sinel. Le grand intérêt du Wi-Fi, c’est qu’il s’agit d’un réseau unique qui permet d’adresser des milieux fermés comme le cercle familial, une petite entreprise, un établissement recevant du public, et l’on a les outils pour se connecter très facilement afin de bénéficier de l’intercommunication. Enfin, le Zigbee offre l’avantage du maillage qui permet l’envoi et la réception du message, avec par conséquent des surfaces plus importantes ; grâce aux bandes spécifiques, il n’y aucun risque d’interférer avec les autres systèmes. »
Signify a développé des systèmes —WiZ Pro, Interact par exemple, qui fonctionnent en Wi-Fi pour l’utilisation et en Bluetooth pour la programmation.
Dans le tertiaire, une des solutions évolutives de Signify, Interact, propose différents niveaux de fonctionnalités : facilité de mise en œuvre, création de plusieurs zones d’éclairage, personnalisation de la lumière en fonction des besoins, détection de présence, de luminosité et la possibilité de gradation, la collecte de données, etc. L’exploitant peut ainsi réaliser jusqu’à 25 % d’économies supplémentaires en adaptant l’éclairage aux usages, et intervenir rapidement sur l’installation, gérer l’occupation des locaux, tout en améliorant le bien-être des utilisateurs.
Mais Yoann Sinel met en garde : « avant de se lancer dans la mise en œuvre de systèmes de gestion, quels qu’ils soient, il est indispensable de rénover l’éclairage en passant tout en led. Dans le tertiaire, les rénovations ne relèvent pas des mêmes dispositifs, selon que l’on considère les grandes entreprises relativement en avance, ou le petit tertiaire, ou encore les commerces. Les entrepôts et centres de logistique, en revanche, font figure de bons élèves de la rénovation, compte tenu des consommations énergétiques considérables ».
Au-delà des watts récupérés, Yoann Sinel rappelle qu’une gestion bien adaptée à l’application apporte d’autres gains, pour notre santé en général et notre bien-être, et souligne que « sobriété ne signifie pas de rationnement de l’éclairage, mais modération, et c’est exactement ce que nos solutions proposent. »