Les équipements de CVC ont considérablement gagné en performance ces dernières années, avec notamment l’arrivée de nouvelles solutions. Mais pour aller plus loin, et notamment pour répondre aux décrets BACS et tertiaire, les solutions de régulation sont incontournables et ont, elles aussi, évolué. Le point sur les dernières nouveautés.
« L’évolution à la hausse des prix de toutes les énergies et les incertitudes qui pèsent à la fois sur l’approvisionnement de certaines énergies et la poursuite des hausses de prix énergétiques sont un facteur déterminant pour faire évoluer les solutions et équipements en place », introduit Sébastien Siebert, responsable régulation et systèmes connectés au sein de Viessmann France. Se conjuguent à cela les évolutions des réglementations qui obligent à l’augmentation d’emploi des énergies décarbonées, en neuf comme en rénovation, et ce, tous segments confondus. « De ce fait, l’évolution vers des hybridations de chaufferie est l’un des enjeux majeurs des prochaines années pour accompagner ce contexte contraignant, mais aussi prometteur en termes d’opportunités et d’économies, compte tenu des actualités et de l’évolution des prix », précise Sébastien Siebert. « En termes de systèmes hybrides, la solution combinant chaudière condensation gaz et PAC est prédominante. Une PAC avec, bien sûr, des fluides plus vertueux comme le R290 qui a un faible GWP, et, par ailleurs, avec une gamme de PAC étendue en puissance capables de répondre au marché domestique, mais aussi au marché du collectif et des bâtiments tertiaires. Des PAC qui, comme les chaudières, peuvent aussi être cascadées pour apporter les puissances ad hoc », souligne Sébastien Siebert, de Viessmann. « Avec un système hybride PAC-Gaz, la PAC, la majeure partie du temps, va répondre à la totalité des besoins, avec la solution gaz qui intervient en relève lorsque la performance de la PAC se dégrade et que les besoins de chauffe augmentent », explique l’expert. Ajoutons qu’en dehors des PAC air eau, les PAC géothermiques apportent des performances excellentes et surtout très stables quelles que soient les conditions météorologiques.
Par ailleurs, dans certains contextes où les équipements en place répondent aux besoins de chauffage mais aussi d’ECS, le système hybride avec appoint gaz peut permettre un fonctionnement dégradé, couvrant au moins les besoins d’ECS en cas de dysfonctionnement d’un des équipements.
Des systèmes de régulation performants pour répondre à de multiples configurations
Une régulation moderne est ainsi capable de piloter les équipements :
– en fonction du prix de l’énergie, bien sûr : est-il plus intéressant dans une situation météorologique donnée et compte tenu des besoins à couvrir, d’utiliser une énergie plutôt qu’une autre, et ce, en fonction de leurs prix respectifs ? ;
– ou bien encore, d’optimiser la régulation en fonction du bilan carbone des énergies utilisées.
Qui plus est, la régulation doit pouvoir appréhender des contextes variés, par exemple une PAC couplée à des dispositifs de batterie de stockage, mais aussi répondre aux cas d’hybridation PAC et gaz, de PAC et solaire thermique, ou encore d’énergie bois et gaz, pour ne citer que les cas les plus courants. « En somme, une régulation unique pour tout type de générateur et multigénérateur. C’est le cas de la nouvelle régulation appelée Onebase, que nous étendons progressivement à toutes nos familles d’équipements », ajoute l’expert de Viessmann.
Enfin, la régulation des équipements se doit d’être communicante pour, d’une part, autoriser le pilotage à distance au mainteneur ou au chauffagiste, mais aussi, d’autre part, pour communiquer et échanger avec les autres systèmes comme les GTC en utilisant les protocoles ouverts et répandus que sont BACnet, KNX ou encore Modbus.
3 QUESTIONS À…
Prudence Soto, directrice générale de Sauter Régulation
Constatez-vous une dynamique des solutions de régulation, et notamment avec le décret BACS ?
Le décret BACS n’est pas le seul déclencheur, la question de l’indépendance énergétique est la question de la décennie. La crise en Ukraine nous permet d’en prendre conscience et cela va conduire à des changements d’habitude durables. En conséquence, les bâtiments tertiaires vont continuer à évoluer fortement. Les grands donneurs d’ordre se sont déjà mis en mouvement, certains attendent encore un peu, mais la dynamique est bien là.
Le décret n° 2020-887 du 20 juillet 2020 dit décret BACS est relatif aux systèmes d’automatisation et de contrôle des bâtiments. Il impose, d’ici le 1er janvier 2025, l’installation de systèmes d’automatisation et de contrôle dans tous les bâtiments tertiaires neufs et existants, dont les systèmes assurant le chauffage ou la climatisation ont une puissance supérieure à 290 kW. À ce titre, le décret BACS est un outil pour répondre aux enjeux du décret tertiaire.
On peut évoquer également la 5e période du dispositif des certificats d’économie d’énergie (2022 à 2025) qui incitent tous les acteurs énergétiques à limiter la consommation énergétique au maximum. Les CEE prennent la forme d’aides financières dans le cadre de travaux de rénovation énergétique, notamment pour le tertiaire. Citons en particulier la nouvelle fiche CEE « GTB » BAT-TH-116 qui s’est élargie avec la prise en compte possible de l’éclairage et des auxiliaires, et qui permet de bénéficier d’aides financières s’il y a mise en place d’une GTB de classe B ou A *.
Et concrètement, comment le décret tertiaire impacte-t-il les bâtiments ?
Les actions possibles pour répondre aux enjeux du décret tertiaire portent sur :
– l’enveloppe du bâtiment (l’isolation…) ;
– les équipements en eux-mêmes (remplacement des chaudières, des éclairages, etc.) ;
– la maintenance, l’exploitation, l’usage (mise en place de contrats sur la performance des équipements, changement et optimisation des puissances souscrites…) ;
– les énergies renouvelables ;
– les écogestes ;
– la mise en place d’automatismes et de systèmes de GTB avec, notamment,
la régulation du chauffage, de la climatisation et de la ventilation ;
le suivi du renouvellement de l’air en fonction de l’occupation par des sondes de CO² ;
les pilotage et réglage de l’éclairage ;
la coupure des équipements (ventilation, climatisation, ECS, etc.) selon les modes d’occupation et l’optimisation des relances des équipements ;
les suivi et contrôle des températures (historisation, anticipation des consignes via les prévisions météo…) ;
la mise en place de détection automatique des surconsommations (alarmes) ;
le délestage des équipements pour éviter tout dépassement de puissance souscrite ;
un suivi en temps réel des compteurs installés.
Quels impacts pour les automatismes et systèmes de GTB ?
Nous faisons face à une demande croissante de rénovation du parc existant, mais aussi à la mise en place de solutions de suivi énergétique telles que l’outil Sauter Vision Center et ses modules énergétiques EMM (Energy Management Module) ou encore le module avancé AEM (Advanced Energy Module).
Ces outils d’analyse permettent aux exploitants d’analyser et voir rapidement les axes d’améliorations sur leurs installations.
Par exemple, nous travaillons de façon régulière à l’hôpital Saint-Jacques de Nantes pour lequel nous pilotons toutes les installations de génie climatique. Il s’agit d’un client historique, avec une collaboration continue depuis 30 ans, et avec qui nous faisons évoluer les équipements et mettons en place des réglages les plus fins et pertinents possibles, tout en alliant confort et économies d’énergies.
Nous avons également mis en place un module de suivi d’énergie au centre hospitalier de Belle-Île-en-Mer ou encore à la maternité de Sainte Félicité à Paris.
Avec l’automate modulo 6, il est ainsi possible de gérer le stockage d’eau chaude ou d’eau froide en fonction de prévisions météorologiques. L’automate peut s’interfacer avec des systèmes d’autoapprentissage, ainsi qu’avec des objets connectés afin d’analyser de nombreuses données et obtenir une régulation réactive et prédictive.
* Classes établies au sens de la norme EN-15232.
Une régulation optimale, associée à un bon dimensionnement des équipements
« Une bonne régulation ne fait pas tout. La capacité de modulation de puissance du système, et le bon dimensionnement en puissance délivrée, notamment pour les systèmes PAC, qui ne doivent être ni sous-dimensionnés ni surdimensionnés, sont autant de points pour assurer la performance énergétique du bâtiment. Pour prendre un autre exemple, avec les systèmes à condensation, les régulations optimisent la condensation pour faire tourner en bas régime les installations et assurer ainsi moins de pollution et plus de rendement avec une bonne température de condensation », détaille Sébastien Siebert.
Les apports de la régulation terminale
« La régulation terminale est un terme générique utilisé pour définir les appareils de régulation des émetteurs de chauffage, quels qu’ils soient. On vient ainsi réguler l’apport énergétique “en fin de circuit” et on décide d’envoyer plus ou moins d’énergie élément par élément », pose Frédéric Sobotka, responsable commercial de ThermoZYKLUS France. Longtemps délaissée, la régulation terminale permet de réguler finement pièce par pièce. Force est de constater que d’accessoire, elle devient, dans le contexte actuel, un point clé. Ainsi, la régulation globale est et reste toujours en charge de délivrer une bonne température au réseau, charge ensuite aux régulations terminales de piloter indépendamment chacune des pièces. La régulation terminale est donc complémentaire des régulations centrales ou par zones, des systèmes CVC et autres automates de pilotage du bâtiment qui peuvent être déjà en place.
« Chaque pièce du bâtiment devient ainsi pilotable, et il est possible d’avoir des températures bloquées et des programmes horaires pièce par pièce », explique l’expert de ThermoZYKLUS. Ajoutons qu’avec la solution ThermoZYKLUS, la centrale de pilotage est en local connectée IP, et elle peut communiquer par une passerelle en Modbus ou encore en BACnet vers les automates ou GTC. Enfin, soulignons que la mise en place de la régulation ne touche pas à l’intégrité du bâtiment et que c’est un investissement à petit budget avec très souvent un ROI de 18 à 24 mois. « À la clé, les économies sont importantes : ainsi, pour un Ehpad de 150 chambres, avec comme émetteur des planchers chauffants, la mise en place de la régulation par chambre avec un pilotage ultraprécis des planchers, en sus de la régulation centrale de la chaufferie pilotée par sonde extérieure, a permis de mesurer une économie d’énergie de près de 30 % », illustre Frédéric Sobotka. Autre exemple, dans un bâtiment récent mis en exploitation en 2017, les économies réalisées sont de plus de 14 % par rapport à un thermostat programmable tout ou rien.
ENCADRÉ
Mise en place d’une régulation terminale pour un entrepôt logistique – Frédéric Sobotka, ThermoZYKLUS France
Tout d’abord, il faut noter que la précision du capteur, et donc de la mesure effectuée pièce par pièce, est essentielle. Ensuite, l’algorithme de régulation thermocyclique fonctionne selon un principe que les thermostats ou régulateurs à actions proportionnelles intégrales ne proposent pas. La température est mesurée toutes les secondes et l’information remontée chaque minute à l’unité centrale, cœur du système. Les décisions sont prises alors en temps réel et de façon automatique grâce à l’algorithme intelligent. C’est pourquoi on peut parler de régulation prédictive : les décisions sont prises de façon 100 % autonome avant que la surchauffe ne se produise et pour l’éviter, on reste toujours dans l’intervalle de +/- 0,15 °C autour de la température de consigne.
Le principe de fonctionnement de l’algorithme est ensuite le même sur tous les émetteurs, hydrauliques comme électriques, seuls les actionneurs diffèrent. « Dans le cadre du projet pour l’entrepôt logistique d’une marque de vêtements en région Grand Est, après des travaux de régulation en chaufferie et de calorifugeage des réseaux, la régulation terminale ThermoZYKLUS a été installée et mise en service fin 2021, combinée à la plateforme de monitoring et maintenance prédictive SEMLINK. Une sonde de mesure par pièce pilotée par radiofréquence assure la fine remontée des informations de température toutes les secondes à l’unité centrale de pilotage qui intègre l’algorithme de régulation prédictif et procède ainsi aux calculs nécessaires de façon automatique. »
Le système maximise la performance de l’installation grâce à sa très haute précision de +/- 0,15 °C, avec la prise en compte automatique des données en temps réel et l’analyse automatique de l’IA embarquée qui permet de maintenir cette précision quelles que soient les conditions environnantes.
Aucun réglage ni paramétrage manuel n’est nécessaire. Le système « apprend » les caractéristiques des émetteurs et du bâtiment de façon autonome, ce qui élimine le risque d’erreurs. À l’image d’une voiture intelligente qui prend automatiquement les décisions au bon moment pour suivre la trajectoire souhaitée, la régulation terminale agit de façon dynamique pour assurer une courbe de température à +/- 0,15 °C autour de la température de consigne. L’analyse DJU des données de la plateforme, menée par le BET Enera Conseil (92) sur les mois de janvier à avril, a mis en lumière une consommation de gaz moyenne de – 30 % par rapport à 2020 et 2021, conclut l’expert.
Jean-François Moreau