Apparus à l’origine comme un simple complément au Cloud Computing, ces petits centres de données locaux (edge signifiant « à la périphérie ») se développent rapidement. Cette demande est portée par les besoins de l’industrie manufacturière et l’Internet des Objets (IoT), mais aussi de la santé, des télécommunications ou du commerce local. Cet Edge Computing nécessite de nouvelles solutions techniques faciles à mettre en œuvre, sûres mais aussi performantes en termes d’efficacité énergétique ou d’intégration dans un milieu industriel ou de bureau.
Des experts prévoient qu’à brève échéance 75 % des données générées par les entreprises seront créées et traitées en dehors des centres de données traditionnels ou du cloud. Car les cas d’utilisation de l’Edge Computing pour traiter localement des données en temps réel se développent pour de nombreux usages et applications.
Dans l’industrie manufacturière, ce peut être le traitement des données générées par des capteurs ou des objets connectés (IIoT) sur les machines, les chaînes de fabrication ou des équipements mobiles. Le développement de réseaux rapides comme la 5G, l’utilisation de l’intelligence artificielle, la robotique ou les véhicules autonomes ou connectés rendent encore plus nécessaire l’utilisation de cette informatique en périphérie pour réduire le trafic en direction du cloud ou des datacenters centralisés. Les opérateurs de télécommunications ont aussi adopté l’Edge Computing pour déplacer des services et applications depuis les datacenters du réseau principal vers la périphérie. La faible latence de l’Edge permet d’avoir de nouvelles applications et de nouveaux services sur leur réseau, avec une amélioration de la disponibilité, de la fiabilité et de l’évolutivité en traitant et en stockant les données au plus près de l’utilisateur.
Une architecture des datacenters de plus en plus hybride
Pour accompagner cette transformation digitale et ces nouveaux besoins dans tous les secteurs d’activités, Rémi Pouchucq, directeur commercial Secure Power de Schneider Electric France, confirme que l’architecture des datacenters devient de plus en plus hybride : « Il n’y a pas si longtemps, la plupart des entreprises avaient un datacenter unique qui était utilisé par toutes les fonctions de l’entreprise – ventes, RH, juridique, opérations, etc. Quelques très grandes entreprises comme les grandes surfaces ou les banques avaient des datacenters régionaux. Aujourd’hui, une architecture de datacenter hybride est utilisée par la plupart des entreprises, grandes et petites. Des applications telles que le CRM sont exécutées “as a service”. Mais vous avez des applications locales comme SAP ou Oracle qui fonctionnent sur des datacenters locaux. Si on prend l’exemple de la reconnaissance faciale, un volume très important de données est produit de façon locale et son envoi dans le cloud nécessiterait des niveaux de bande passante qui en plus d’avoir un coût important, si répliqué, entraînerait in fine une congestion du réseau. Dans un monde de plus en plus instantané et connecté, les besoins d’automatisation et de faible latence poussent donc de plus en plus d’applications au plus proche des individus et des objets connectés, ce que les Anglo-Saxons nomment l’“Edge”. L’Edge Computing, cette infrastructure de proximité pose de nouvelles problématiques en termes de déploiement, de sécurité et d’empreinte environnementale. Chez Schneider Electric, nous sommes convaincus qu’il faut appliquer l’approche globale de conception du datacenter aux sites dits distribués ou de proximité. »
Séverine Hanauer, directrice commerciale de Vertiv France, constate que cet Edge Computing est l’une des infrastructures qui connaît la plus forte croissance dans l’informatique de l’entreprise. « Selon une enquête de Vertiv publiée au début de l’année, les cinq prochaines années vont redessiner le paysage des datacenters, en transférant de plus en plus de données vers les sites Edge tout en renforçant les installations d’entreprise au cœur des réseaux hybrides modernes. L’avenir de l’informatique est une question de vitesse et de latence, et la seule façon de répondre à ce besoin est de développer l’Edge Computing. On prévoit une augmentation de 29 % de la partie Edge sur la totalité de la croissance informatique. Les datacenters et les sites Edge sont idéalement placés pour exploiter l’IoT et améliorer la visibilité, l’efficacité, la disponibilité et l’évolutivité, pour une activité plus performante. L’IoT aura le plus grand impact dans le monde des entreprises et le secteur des services publics. L’IoT a déjà été mis en œuvre par les entreprises de fabrication afin de permettre des processus automatisés, la robotique, ainsi que la maintenance préventive et prédictive. Avec des millions de dollars investis en équipements, l’IoT peut aider les organisations à éviter des pannes coûteuses ou imprévues. Les capteurs IoT collectent une multitude d’informations sur les appareils auxquels ils sont connectés, ceci incluant leur débit d’air, température, humidité, composition chimique, niveau, humidité, mouvement, vitesse, proximité avec d’autres appareils, qualité de l’eau, etc. Par conséquent, les capteurs IoT peuvent générer une image précise des performances des appareils et des conditions environnantes. »
Des solutions techniques adaptées aux nouveaux besoins de l’Edge Computing
Ce déploiement de l’Edge Computing va s’appuyer sur des microdatacenters, mais ceux-ci doivent être adaptés aux applications multiples de l’Edge, de l’atelier de fabrication à l’antenne relais, en passant par le magasin, la succursale d’une banque, un aéroport ou une clinique. Leur taille peut être très variable, allant du coffret à fixation murale de 6 à 12U à des enveloppes standard de 12 à 48U ou des microdatacenters autonomes avec leur climatisation. Mais dans tous les cas, ils doivent présenter les mêmes performances en termes de sécurité, de maintenabilité, de continuité de service ou d’évolutivité que les grands datacenters.
Les constructeurs d’équipements vont donc proposer des solutions de racks, d’armoires, d’onduleurs ou de climatisation adaptées à chaque environnement et permettant des déploiements normalisés et rapides.
C’est l’objectif des solutions Edge Computing d’Efirack-Rittal. Car pour Luc Alsene, responsable Business Development IT d’Efirack-Rittal, « de nombreux clients, quelle que soit la taille de l’entreprise, vont conserver tout ou partie de leur infrastructure informatique sur leur site pour des questions de sécurité ou de latence, notamment. Efirack propose une gamme de solutions Edge appelée KYDAE qui va du coffret jusqu’au container, en passant par des solutions clés en main comme la CooledRack ou le Microdatacenter qui sont de vraies salles informatiques sécurisées et climatisées sur 1 m² ».
Cette gamme KYDAE, ce sont les solutions pour réseaux industriels, les baies climatisées NG, le CooledRack ou le Microdatacenter (MDC). Le CooledRack est une baie autonome intégrant son propre système de climatisation sécurisé et un système de détection et/ou d’extinction d’incendie rackable. Elle peut aussi intégrer un ou deux onduleurs et leurs batteries. Le Microdatacenter est une structure autonome, compacte, sécurisée et refroidie. C’est une alternative à une salle traditionnelle de 15 ou 20 m2 ou pour des locaux non équipés pour l’informatique ; un coffre-fort protégé contre l’eau, les fumées, le feu ou les effractions.
De son côté, Rémi Pouchucq indique que « la gamme de microdatacenters de Schneider Electric permet à nos clients de déployer en temps record des solutions tout-en-un avec des niveaux de disponibilité et de redondance qui n’ont rien à envier aux centres de données traditionnels. Cela passe par l’emploi de refroidissement actif de précision, d’énergie sécurisée grâce à des onduleurs haute performance et de batterie lithium-ion bien adaptées aux environnements non IT, la sécurisation des équipements grâce à des capteurs environnementaux, et enfin, la supervision à distance et centralisée de la solution avec EcoStruxure IT. À noter que nous proposons également des services de supervision et même le dépannage pour le compte de nos clients qui souhaitent se concentrer sur leur cœur de métier ».
Ces microdatacenters sont déclinés en 3 séries, conçues pour les différents environnements :
• La Série R, pour les environnements difficiles (grandes quantités de particules, humidité, pas de contrôle climatique…) que l’on retrouve dans les ateliers de fabrication, entrepôts ou antennes relais.
• La Série C pour un environnement commercial ou de bureau avec insonorisation, ventilation et filtration d’air.
• La Série S pour environnement informatique est conçue pour les petites salles de serveurs ou les armoires réseau dans des espaces climatisés et sécurisés.
Toutes ces solutions bénéficient d’EcoStruxure IT™ Software & Services qui permet aux utilisateurs d’anticiper ou d’atténuer les risques de défaillance de leurs infrastructures critiques tout en réduisant les dépenses d’exploitation.
La compacité de ces solutions est importante. Comme le relève Jérémie Pleynet, responsable Développement Prescription & Segments de Socomec, « l’espace physique est soumis à une très forte pression et les systèmes doivent être compacts. Ceci est vrai aussi pour les UPS qui peuvent alors être amenés à être montés directement à l’intérieur des racks IT. Par exemple, l’ASI Masterys GP4 RK (10-40 kW) est parfaitement adaptée à ce type d’application par sa très haute fiabilité, sa densité de puissance importante et sa conception avec accès frontal. En effet, la solution UPS de Socomec pouvant être montée en rack a été spécialement conçue pour les applications Edge Computing dans une architecture en brique, qui permet de remplacer facilement le module d’alimentation – sans déconnexion du rack –, ce qui rend les réparations 5 fois plus rapides qu’avec une ASI d’ancienne génération ».
Vertiv étend sa capacité en matière de datacenters modulaires préfabriqués et développe de nouvelles technologies afin de soutenir la croissance de ses clients. En 2021, Vertiv a investi dans un nouveau site en Croatie en vue de répondre à la demande croissante de datacenters modulaires. Comme le confirme Séverine Hanauer, « l’investissement va plus que doubler la capacité de production de datacenters modulaires préfabriqués de Vertiv en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique. La vitesse, la facilité de déploiement et la qualité contrôlée en usine sont autant d’éléments jouant en faveur de solutions modulaires, cela allant des stations d’atterrissage de câbles, des datacenters Edge aux datacenters de très grande taille construits sur mesure. Ces modules comprennent un tableau de distribution électrique, des onduleurs (ASI), des batteries et un système de refroidissement. Ce type de technologie − souvent invisible pour les entreprises et les consommateurs – est essentiel pour garantir le bon fonctionnement de notre infrastructure numérique. Si les serveurs sont le cerveau du datacenter, les modules d’alimentation en sont le cœur, car ils garantissent le fonctionnement des serveurs. Alors que les besoins informatiques mondiaux continuent de croître, Vertiv s’engage à fournir la meilleure infrastructure physique possible afin de soutenir les services numériques. Les datacenters modulaires préfabriqués constitueront une partie de plus en plus importante de cette infrastructure. Un récent exemple chez Vertiv, avec Vertiv VRC-S microdatacenter, entièrement assemblé en usine et conçu spécifiquement pour les sites Edge Computing et autres petits sites IT. C’est un rack tout-en-un très efficace, équipé d’un PDU en rack (rPDU), de l’onduleur Vertiv™ Liebert® GXT5 certifié Energy Star 2.0, des capteurs et logiciels de surveillance appropriés, ainsi que du dernier système de refroidissement de rack Vertiv™ VRC. Le Vertiv VRC-S est une solution plug and play très efficace qui peut être livrée sur site avec une ASI intégrée, qui alimente à la fois le refroidissement du rack et la ventilation de secours, ainsi que la distribution électrique pour les actifs informatiques, avec une surveillance précâblée pour une connexion simple au secteur et au réseau ».
Opter pour un datacenter en container
Les solutions de datacenters installés dans des containers ne sont pas nouvelles et ont souvent été utilisées pour des sites temporaires ou dans un environnement difficile (exploitation pétrolière ou minière, sinistre d’un centre de données). L’Edge et ses applications industrielles relancent l’intérêt pour ces solutions préfabriquées, faciles à installer et intégrant toutes les fonctions et sécurités d’un datacenter fixe.
Anne Le Crenn Dénéchère, responsable Marketing et Communication d’Efirack-Rittal, présente la nouvelle version du datacenter en container de Rittal. « Le principe du datacenter en conteneur ou container est développé depuis longtemps chez Rittal. Il répond à des besoins d’extension de salle informatique et de création d’une salle Edge en environnement externe.
• Ce qui change : les nouveaux conteneurs disposent d’une nouvelle technologie de refroidissement Blue e+ brevetée Rittal qui permet de réaliser jusqu’à 30 % d’économies d’énergie par rapport à un refroidissement traditionnel. Il s’agit d’une technologie hybride qui combine des circuits de refroidissement actif/passif. Des caloducs transportent la chaleur dissipée (par les serveurs) et gèrent le transfert entre le chaud et le froid. Ce système passif est utilisé en combinaison avec un ventilateur actif.
• Efficacité du refroidissement : dans ce container, il n’y a aucun mélange air chaud air froid grâce à la combinaison des unités de refroidissement externes Blue e+ et au confinement horizontal des allées.
• Surveillance : la solution est compatible avec l’interface IoT de Rittal. Il s’agit d’une couche applicative de gestion d’infrastructure datacenter qui permet de connecter facilement les climatiseurs et l’ensemble du container à un environnement extérieur.
• Économie d’espace : dans un conteneur informatique équipé d’unités de refroidissement Blue e+, les climatiseurs sont très compacts et montés à l’extérieur du container, ce qui permet de libérer l’espace intérieur du container pour l’IT.
• Économie de maintenance : un climatiseur Blue e+ ne nécessite qu’un contrôle annuel de l’appareil. Les interventions de maintenance sont extrêmement réduites.
• Pour qui ? Le conteneur est très intéressant pour les entreprises disposant de petites et moyennes densités à refroidir : de 3 à 5 kW. Chaque unité extérieure Blue e+ a une puissance de 5 kW. Le container convient à des besoins applicatifs allant jusqu’à 70 kW. »
Ces datacenters peuvent être installés dans des containers au standard ISO 20’ ou 40’. Pour atteindre des densités de puissance atteignant 60 kW, voire 100 kW par rack, Schneider Electric a adopté pour sa solution EcoStruxure Modular Data Center un refroidissement liquide Iceotope qui permet un déploiement dans des environnements distants et difficiles, les serveurs immergés dans le liquide étant protégés et thermiquement stables. Le système inclut également un onduleur Galaxy VS de 80 kW, une batterie, une protection incendie et une surveillance à distance de l’environnement physique et des équipements informatiques. Le constructeur annonce pour cette solution destinée aux installations industrielles, minières, militaires ou de télécommunications un PUE très faible inférieur à 1,15 et pouvant descendre à 1,03.
Des solutions qui permettent de déployer rapidement et avec une plus grande fiabilité des applications Edge de calcul haute performance (HPC) impliquant une utilisation intensive des CPU et GPU.
La cybersécurité ne doit pas être négligée
Si aucune mesure adaptée n’est prise, le niveau de sécurité des sites d’Edge Computing est souvent inférieur à celui des sites centralisés ou du cloud, leurs équipements étant a priori plus vulnérables. La prise en compte des risques d’actes malveillants ou d’accident est donc importante, l’impact d’une faille de sécurité pouvant se répercuter sur les installations de production, et l’entreprise risque de perdre plus que des données en cas de cyberattaque. Il faut donc s’assurer de la sécurité de tout leur environnement (VPN, chiffrement des données, contrôle des accès et utilisateurs, prévention des attaques liées aux technologies d’IoT).
Jean-Paul Beaudet