De l’utilité de son métier ou de son impact positif ou non sur le bien commun, peu nombreux sont ceux qui auront l’idée un jour de s’interroger sur ces points. Certains le feront quand même, sans aller plus loin. Et puis il y a la mince frange de celles et ceux qui prennent la tangente, se remettent en cause trouvent des réponses et plongent. Véronique Pappe, directrice de Construction 21, a su en son temps faire le pas de côté pour se mettre en cohérence avec certaines de ses valeurs. Prenez le temps de cheminer à ses côtés le temps de ces quelques lignes.
« Construction 21 a vocation à mettre en avant les premiers de la classe du secteur du bâtiment, de mettre sous le feu des projecteurs les initiatives vertueuses en matière de construction durable et soutenable. »
C’est dès les prémices du projet Construction 21 (1), en 2011, que Véronique Pappe va rejoindre l’aventure. Deux années comme chef de projet « pour poser les bases de la plateforme, la pérenniser », avant d’accéder à la direction, en 2013, de l’association française et de son pendant international. Deux ans seulement, c’est dire si Véronique Pappe a su s’y épanouir comme un poisson dans l’eau ! S’inscrire en tant que l’une des chevilles ouvrières d’une telle initiative ne relève pas du hasard, mais d’une volonté, d’une nécessité aussi de rehausser ses critères de vie professionnelle, « exercer un métier porteur de sens, qui ne consisterait pas strictement à enrichir un actionnaire, mais me permettrait de prendre part à l’évolution de la société ». Une ambition qui prend corps « en 2007, 2008 ». Mais nous y reviendrons plus précisément.
Remontons un peu plus le cours du temps, « la timidité, voire l’introversion » de l’enfance, ne l’empêche pas « d’aimer jouer à la marchande ». Une appétence précoce pour la négociation peut-être, qui doit logiquement la conduire sur les bancs d’une école de commerce. Ce sera celle de Rouen, dont elle sortira, diplôme en poche, au mitant de la décennie 80. Le temps qui a passé a aussi façonné une personnalité. Les silences de l’enfant « introvertie », font place à la parole d’une adulte qui désormais « se nourrit de la relation à l’autre » et « adore convaincre, nouer des partenariats et initier de nouveaux projets », et qui, dès lors qu’il s’agit de s’exprimer en public, déclare faire fi « du trac, parce que je sais que je sais faire ». C’est dit ! De quoi entamer deux bonnes décennies, notamment dans le secteur des produits culturels, chez France Loisirs, ou bien au sein du groupe Fnac, « en prenant part notamment à la conceptualisation et la création des Fnac junior ». Expériences riches, mais qui ne cochent pas « toutes les cases », comme l’on dit. Voyager, c’est bien, mais au-dessus des nuages pour aller décrocher son soleil, c’est mieux.
Les millésimes 2007 et 2008 furent l’amorce d’une transition. Une petite musique intérieure, une sorte de Jiminy Cricket, instille l’envie, le besoin de prendre la tangente. C’est le moment « de me mettre à chercher tous azimuts de quoi me convenir et répondre à mes valeurs ». La réponse viendra fortuitement, « lors d’une conférence sur les enjeux de la rénovation dans le secteur du bâtiment ». Un hasard ? Pas vraiment :
« J’ai depuis longtemps une affinité pour l’architecture, l’aménagement, l’organisation de la ville »
sans toutefois « n’avoir jamais fait vivre cet intérêt dans un cadre professionnel ». Mais une opportunité, sans doute, « de creuser le sujet, de développer mon réseau » et de se colleter à certains stéréotypes, « pourquoi une femme venant du marketing voudrait-elle bosser dans le secteur du bâtiment ? ». Mais pas de quoi tempérer l’envie de cheminer, les planètes finissent par s’aligner pour donner un coup de main, « l’entreprise dans laquelle je suis à ce moment-là met en place un plan social ». C’est l’aubaine qui va balayer les dernières hésitations, celles qui font de la résistance, pour se lancer. La reprise d’études étaye le projet, « un master habitat et urbanisme durable à l’ISEADD (2) ». Un cursus académique « que je poursuis en alternance au sein du bureau d’urbanisme H4, filiale d’EDF, qui a depuis cessé d’exister ». En parallèle, « je continue de me documenter sur les enjeux liés au changement climatique et à toutes les initiatives qui naissent pour nous emmener vers une société plus juste et plus durable ». Pas une marotte qui passera, mais un engouement, fruit d’une éducation reçue de parents « nés juste avant la guerre » pour lesquels « le gaspillage n’est pas dans leurs habitudes », et celui peut-être aussi des réminiscences de vacances passées au milieu de la nature. Des souvenirs rangés dans la colonne « enfance » qui permettent de poser un regard neuf pour une nouvelle vie professionnelle. « Mon nouveau métier » devra répondre « à mon envie de prendre part à l’évolution de la société ».
Développer le média « Construction 21 », qui « a vocation à mettre en avant les premiers de la classe du secteur du bâtiment, de mettre sous le feu des projecteurs les initiatives vertueuses en matière de construction durable et soutenable » va dans le sens de cette démarche. Véritable vigie et observatoire de retour d’expériences, « c’est une fierté que d’avoir contribué aux côtés de Cédric Borel et de Christian Brodhag (3) à faire de Construction 21 un véritable influenceur en matière de pratiques vertueuses dans le BTP ». S’agissant du développement durable, « l’action politique est nécessaire pour faire bouger les lignes ». C’est d’ailleurs le cas dans le BTP « qui travaille dans la contrainte de fortes réglementations ». Mais d’ajouter, « on ne peut pas se passer d’une prise de conscience personnelle ». Pour accepter de modifier quelques habitudes, et s’engager dans son quotidien, « sur ce point, je n’ai pas la prétention d’être exemplaire », mais « pour ce qui me concerne, j’ai adopté le vélo dans tous mes trajets quotidiens, réduit ma consommation de viande, isolé mon logement et ne prends quasiment plus l’avion ». Pour basculer du côté de la solution et s’éloigner un peu du problème ! « Optimiste » de nature et pourvue « d’une foi en l’Homme », même s’« il y a parfois des déceptions ! », elle espère « que le meilleur est devant nous ». En tous les cas, force est de constater qu’elle s’y emploie, y compris pendant son temps libre en prenant sa part à la création à Paris « d’un supermarché coopératif ». Propriété « des clients sociétaires qui donnent du temps pour assurer toutes les fonctions nécessaires au fonctionnement, il est avant tout l’opportunité de répondre aux besoins d’évolution de la consommation en proposant des produits locaux et bio ». Le projet a tenu la rampe trois ans, avant « de flancher récemment, mais d’autres fonctionnent sur ce principe ». L’objectif est bien de le faire renaître, car décidément, sans cesse sur le métier il faut remettre l’ouvrage…
L’environnement ancré dans ses valeurs, Véronique Pappe entend poursuivre ses actions d’ici quelques mois en prenant la barre d’une autre association, toujours dédiée à la construction durable.
Olivier Durand
(1) Construction 21 : média social du bâtiment et de la ville durable.
(2) Institut supérieur d’études en alternance du développement durable.
(3) Tous deux sont à l’initiative du projet Construction 21.
Cédric Borel est directeur de l’Institut français pour la performance énergétique du bâtiment (IFPEB) ; Christian Brodhag, universitaire, spécialiste des questions de développement durable, est président l’association de Construction 21, ainsi que de l’association internationale qui pilote le réseau des portails Construction 21 dans le monde.