Tous les fabricants de renom ont un processus qualité défini. Un tournevis n’est pas seulement une lame avec un manche, mais un produit abouti qui répond évidemment à des critères de vissage, mais aussi physiologiques ou physiques. Un tournevis ne doit pas entraîner de troubles musculosquelettiques ou de traumatismes par une mauvaise préhension ou manipulation.
« Lorsque nous conceptualisons un tournevis, notre point de départ est la vis pour faire en sorte que nos produits s’adaptent parfaitement aux matériels en vente sur le marché. Toutes nos lames en acier sont usinées avec précision pour qu’il n’y ait pas de jeu entre les deux matériels et ainsi, préserver la vis, l’outil et la force déployée par les utilisateurs », explique Jérôme Layer, directeur marketing de Wiha. « C’est d’ailleurs pour cela que nous avons créé et diffusé un guide des empreintes de tournevis qui existent chez Wiha. Cela représente 95 % des empreintes les plus courantes. L’un de nos objectifs principaux est d’apporter du conseil, de l’accompagnement et de la performance aux professionnels utilisant nos outils », ajoute-t-il. Il en va de même chez Wera, fabricant de tournevis également situé dans l’est de la France : « La qualité de nos produits est contrôlée à chaque étape de fabrication en usine, en République tchèque, et un échantillonnage est réalisé lorsqu’ils arrivent au stock central en Allemagne. Et pour parachever tout cela, nous, salariés Wera, nous avons des cales étalons afin de prélever, chez nos clients, des tournevis et des embouts pour vérifier la qualité de nos empreintes. Tout ceci pour garantir la conformité des PH », confirme Christian Colombel, directeur général de Wera France. Car l’objectif des fabricants est bien de fournir le meilleur outil imaginable en associant qualité, durabilité, résistance et précision. Joël Chrisment, directeur commercial et marketing d’AGI-Robur, précise que tous leurs produits dans leur entièreté sont garantis à vie. « Pourquoi ? Parce que nous sommes garants de la sécurité des utilisateurs et nous avons une responsabilité par rapport à l’isolation des tournevis avec, notamment, la norme NF EN IEC 60900, dans le cadre de travaux sous tension concernant les outils à main pour un usage jusqu’à 1 000 V en courant alternatif et 1 500 V en courant continu. Le cahier des charges de nos produits est rigoureux, nous veillons à ce qu’il soit respecté à 100 % par nos partenaires fabricants. » Christian Colombel précise : « Nous déstructurons la lame au laser pour créer une rugosité de surface pour mieux accrocher dans la lame. Cela représente 20 % à 30 % d’effort en moins. Beaucoup plus pratique lorsqu’un professionnel est en instabilité en hauteur, sur une échelle. Tout aussi efficace au serrage comme au desserrage. Les embouts de vissage sont dotés d’un revêtement diamant, car une lame de tournevis doit résister à 5 newtons-mètres. À partir de 3 N m, nos tournevis ont des poignées révolver ou des manches ergonomiques en T. Ceci pour maximiser le confort pour nos utilisateurs et le rendement. ». Les fabricants respectent toutes les normes pour garantir cette qualité. Par exemple, la forme cruciforme est définie par les normes ISO 7045 et 7046. Les fabricants interrogés le confirment : les seuls retours qu’ils ont portent sur un mauvais usage de l’outil. Personne ne penserait à prendre un tournevis plat pour faire un trou ou enlever du plâtre. « Malheureusement, les utilisations ne sont pas toujours adéquates. Cela correspond au motif de changement le plus courant : ouverture d’un pot de peinture, s’en servir comme pied de biche, taille de l’empreinte trop petite ou trop grande par rapport à l’empreinte de la vis… Nous nous sommes aperçus que les électriciens dénudaient l’isolant des tournevis afin de faire pénétrer la lame dans les trous de vis de l’appareillage modulaire, cette action aliénant la sécurité. Nous avons donc développé une solution et nous avons été les premiers à sortir les tournevis “slim” où l’isolant est beaucoup plus fin, mais de même qualité qu’un isolant plus épais. Il permet à la lame d’être introduite au fond de l’empreinte de la vis de l’appareillage modulaire, et d’assurer ainsi un serrage de bornes conforme aux prescriptions des fabricants », ajoute Joël Chrisment, d’AGI-Robur.
Les différentes empreintes
Il existe de nombreuses empreintes, mais quatre sont très utilisées, notamment par les électriciens : plates, Philips, « cruciforme » et Pozidriv. « Il faut rappeler aux utilisateurs que l’empreinte “cruciforme” n’existe pas en tant que telle, car elle désigne 4 empreintes différentes : la PH (Philips) dite cruciforme, la PZ (Pozidriv) ainsi que la PH – et la PZ - », précise Christian Colombel, de Wera. Que ce soit AGI-Robur, Wera ou Wiha, tous le confirment : l’empreinte Torx®est la plus efficace. En répartissant la force sur 6 côtés, les vis subissent le moins de contraintes et évitent la force de ripage. La Torx est surtout très adaptée pour le vissage en série avec visseuses électriques et clés à chocs.
C’est à cause de la force de ripage que le tournevis dérape et peut même endommager la vis. En termes familiers, on dit aussi que la vis est arrondie. Afin de réduire cette force, l’utilisateur doit exercer une force de pression élevée.
Le dérapage hors de la vis risque de blesser l’utilisateur et/ou d’endommager la pièce. Les surfaces laquées peuvent par exemple être très vite rayées. Les profils en fente et cruciformes sont particulièrement bien connus pour cela. Il existe différentes manières d’éviter l’effet de ripage.
Quelle différence entre Philips et Pozidriv ?
Il faut rappeler aux utilisateurs que l’empreinte « cruciforme » n’existe pas car il y a 4 empreintes différentes : la PH (Phlips) dite cruciforme, la PZ (Pozydriv) ainsi que la PH – et le PZ -.. L’empreinte Phillips a été développée dans les années 1930 par John P. Thompson, qui, n’ayant pas réussi à intéresser les fabricants, a vendu sa conception à l’homme d’affaires Henry F. Phillips. Il s’agit d’une alternative aux vis à la tête fendue. Avec l’empreinte de sa tête en forme de croix, le danger de ripage de l’outil de vissage est nettement réduit. L’empreinte Phillips provoque l’éjection de l’embout de vissage en fin de serrage, grâce à une inclinaison des flancs, ce qui limite l’effort possible sur la tête. L’empreinte Pozidriv, quant à elle, est la forme la plus récente des vis cruciformes. L’empreinte de la tête se présente sous la forme de deux croix décalées de 45 degrés. Elle ressemble à une étoile à 8 branches et ne provoque pas l’éjection de l’embout de serrage. Avec ces quatre points de contact supplémentaires (par rapport à la Phillips), la vis Pozidriv facilite l’application d’un couple de serrage important. Et la grande majorité des réclamations sont dues au fait qu’un tournevis a mal été choisi par rapport à la vis. Trop souvent, le tournevis est trop étroit et « flotte » dans l’empreinte. Ce jeu va endommager les bords. Plus le serrage sera fort, plus l’empreinte va être détériorée. De même, un tournevis « cruciforme » trop haut dépassera de l’empreinte et sera trop fin. Ces empreintes mixtes sont donc un avantage par rapport aux empreintes PH et PZ seules. En raison de sa conicité, plus une force de vissage ou dévissage est appliquée, plus l’outil sera chassé de la vis, il s’agit de « l’effet ripage ou carve-out ». « Nous nous sommes concentrés sur les outils et surtout les tournevis pour les électriciens en nous spécialisant. Nous étudions continuellement les utilisations de nos produits pour les perfectionner. De certains constats sont nés nos plus grands produits, comme le tournevis Cruciplat® qui s’adapte parfaitement aux vis d’une majorité d’appareillages modulaires ; l’empreinte de cette vis est plate, mais possède également en son centre un décrochement permettant de bloquer la lame, d’où sa légère pointe à l’extrémité des lames. Ce produit solutionne le problème de porte-à-faux dans le serrage de ce type de vis », explique Joël Christment.
Les bénéfices du Torx
De nombreux fabricants d’outils enduisent leurs outils de poudre de diamant pour minimiser le risque de déraper de la vis. Cependant, on trouve également des profils avec lesquels l’effet de ripage n’apparaît pas du tout. Cette force ne se produit pas dans le cas de profils similaires, tels que les 6 pans, Torx® ou Torx Plus®. Lorsque l’on visse, on crée indubitablement de la limaille de fer. « Chez Wera, nous développons beaucoup d’outils qui retiennent les vis, sans magnétisme. En aimantant les embouts, la limaille vient s’y caler et éroder progressivement les empreintes faites. Nous avons donc mis au point plusieurs stratégies. La première est l’emprise mécanique. Avec le Torx HF, nous avons développé une forme cylindrique avec une empreinte très précise dans son début pour finir par une forme en ellipse et ainsi, coincer l’outil sur la vis. Avec le Torx W (ndlr : Wedge), nous allons utiliser une conicité à 2 % sur toute la profondeur de la définition de l’empreinte. Elle va être mini en bas et maxi en haut dans sa tolérance pour gommer le jeu prévu par la norme. Il s’agit d’une fonction de maintien plutôt que de retenue », explique Christian Colombel, de Wera France.
C’est peut-être le plus important de la mallette ; aussi bien pour l’opérateur que pour la qualité de l’installation. Chez Wiha, les dynamométriques ont une précision de +/- 6 %, ce qui est très bien. « Trop peu d’installateurs utilisent le dynamométrique, pensant savoir exactement la force de serrage qu’ils exercent. Nous avons demandé à des électriciens de serrer à 2 N m. Résultat : la plupart serraient à 4 N m et ont pris conscience qu’ils serraient toujours trop fort », démontre Jérôme Layer. L’utilisation d’un couple incorrect peut entraîner des conséquences graves, notamment pour les tâches de vissage délicates. Des détériorations de matériau, des retouches importantes ou des réclamations en sont souvent le résultat. Selon les fabricants, la force de serrage varie de 2 à 2,8 N m. Il faut que les électriciens s’équipent de tournevis dynamométriques, car chaque fabricant de matériels électriques a ses propres critères de puissance de serrage. Trop serrer crée des points de chauffe ou de blocage. « Nos outils ont également des butées mécaniques au desserrage, alors qu’à la base, ces outils ne le permettent pas », complète Jérôme Layer.
Wera ne propose pas un tournevis, mais une clé en T avec un indicateur de couple VDE. Cependant, pour garantir la mesure, le tournevis dynamométrique doit être calibré chaque année ou tous les 5 000 serrages. Il arrive que le tournevis soit retourné avec la mention : « hors de la tolérance ». Il est très difficile d’estimer depuis combien de temps votre outil ne serre plus au bon couple. Les utilisateurs sont maintenant confrontés à un choix : doivent-ils contrôler tous les travaux qu’ils ont réalisés depuis quelque temps ou doivent-ils prendre le risque d’avoir des problèmes sur les derniers travaux ? Cette problématique est à l’origine de la dernière innovation du fabricant d’outils à main. C’est pourquoi Wiha propose le Torque QuickCheck. Cet appareil permet un contrôle rapide et facile du couple de serrage des tournevis dynamométriques avant chaque utilisation. Un contrôle régulier de l’outil garantit ainsi un travail sûr et précis. Il suffit d’introduire celui-ci dans le Torque QuickCheck avec les adaptateurs fournis et en réalisant un test à 2,8 N m. Le résultat du contrôle peut ensuite être lu de manière claire et nette sur l’affichage LED.
Les tournevis multifonctions
Pour gagner en efficacité, pourquoi ne pas prendre des tournevis à lames ou embouts interchangeables. « C’est de plus en plus commandé et utilisé par nos électriciens. Il ne s’agit pas seulement de pouvoir changer l’empreinte mais la lame entière, ce qui multiplie la force déployée et renforce la sécurité », précise AGI_Robur. L’idéal est donc de prendre un outil multifonction. Le lift-up de Wiha qui embarque les embouts dans son manche est un immense succès. « Nous avons écouté des électriciens et pris en compte les retours pour réduire la taille du manche. Ainsi, nous avons développé le PocketMax qui possède un manche ultrafin pouvant accueillir jusqu’à 4 embouts », précise Wiha.
Caisse à outils idéale
S’il est amené à utiliser des vis, l’électricien a tout intérêt à utiliser de la Torx, c’est la vis qui semble la plus pratique à poser, la plus simple à travailler et il sera moins embêté. À terme, elle devrait prendre le dessus sur toutes les autres formes de vis. Ensuite, si l’installateur dispose de bons PH ou PZ, le travail sera fait. Le tournevis à bannir serait le tournevis testeur, car ce n’est pas un tournevis même si sa forme est trompeuse. Il faut vraiment se défaire des lames plates qui cassent les empreintes. « Le jeu d’extracteurs de vis cassées est très peu demandé par les électriciens, mais en top des ventes dans les quincailleries. C’est un foret normal qui permet d’y intégrer une empreinte 6 pans pour venir percer la vis et ainsi dévisser », explique Jérôme Layer, de Wiha.
Les professionnels doivent se forcer à utiliser le bon outil, à prendre la bonne empreinte. Mal adaptée à la vis, cela l’abîme et par la suite, plus aucun outil ne permettra l’ajout ou le retrait de celle-ci. « Chez Milwaukee, nous proposons la gamme Trilobe, standard non isolé, lancée en 2020. Sa particularité réside dans le manche qui remplit plusieurs fonctions : sa forme triangulaire est antiroulis, la partie extérieure est plus grosse pour optimiser les couplages et la partie intérieure, plus fine, favorise le serrage de précision. Cette gamme s’accompagne de l’ensemble des empreintes que l’on trouve sur le marché aujourd’hui, plat, Torx, PH, PZ », précise Maxime Cadoret. Indispensables dans la caisse, les tournevis isolés 1 000 V ne sont à utiliser qu’en cas de travail sous tension, au risque de les abîmer et de ne pas être protégé le moment venu. « Comme nous sommes très implantés sur le marché de l’électricité, nous sommes en capacité à faire de l’extrême sur mesure. Par exemple, nous avons un client pour lequel nous avons créé des empreintes et des tournevis particuliers pour les vis spécifiques : anti-vandalisme et sécurité. Le tournevis de tension, translucide, est hyper banalisé. C’est un incontournable, mais pas un élément différenciant de qualité. Tout le monde en vend. Nous avons effectué une grosse refonte de notre catalogue téléchargeable et disponible en ligne. Les professionnels y retrouveront les best-sellers, les incontournables et surtout, nos nouveautés », décrit Joël Christment, AGI-Robur.
Enfin, il serait dommage de ne pas avoir un tournevis électrique. Pour rappel, le couple de serrage d’une visseuse est bien trop élevé pour les vis. Par exemple, le tournevis speedE® de Wiha s’arrête en butée. L’objectif de l’électrique est de ne pas aller en puissance jusqu’au bout mais de préserver la vis et le poignet de l’électricien. Il est vendu avec deux lames : une fente et une bornier Posydriv.
Ajoutons à cela le testeur de tension, translucide et incontournable, ainsi que les petits tournevis 3,5 mm qui sont très utilisés, et l’installateur dispose d’une caisse prête pour les chantiers ! Chez Milwaukee, le petit tournevis se nomme Tri-Lobe Stubby et Stubby chez Wiha. « C’est un bon complément pour aller dans les endroits un peu étroits. Il est disponible en version isolé ou non isolé, avec les embouts réversibles (14 au total) stockables dans le manche », conclut Jérôme Layer, de Wiha.