« Notre secteur s’inscrit pleinement dans les enjeux énergétiques, numériques et démographiques liés à l’habitat. »
Électricien+ – Une première question nous brûle les lèvres : vos propositions ont-elles été reprises par les candidats à l’élection présidentielle ?
Anne-Sophie Perrissin-Fabert – Nous avons alimenté en amont différents cercles de réflexion et pris la parole conjointement avec d’autres fédérations professionnelles (FIEEC, UFE…). Beaucoup de nos idées sont aujourd’hui reprises et poussées par différents canaux (réseaux sociaux, médias…). Nous avons également fait quelques réunions sur ces sujets avec les acteurs dédiés dans les QG de campagne. Nous sommes finalement bien parvenus à faire jouer une petite musique en phase avec plusieurs thèmes au cœur de cette campagne présidentielle.
Électricien+ – Du pilotage de l’énergie à la sécurité, en passant par le bien vieillir et l’accès à la société numérique dans l’habitat, les propositions d’IGNES couvrent de nombreux domaines. Lesquelles de vos propositions ont été, selon vous, les plus entendues ?
A.-S. P.-F. – Nous avons publié nos propositions présidentielles en juillet 2021, soit bien avant le début de la campagne. Tout d’abord, la proposition de mieux gérer l’énergie dans le bâtiment qui fait écho dans cette campagne à la question du pouvoir d’achat et répond aux enjeux très courts en termes de réduction de notre dépendance aux gaz et charbon russes. Il s’agit, dès l’hiver prochain, de mieux piloter son logement et de mieux maîtriser ses consommations pour être acteur de la transition énergétique et consommer mieux.
L’autre sujet émergeant dans la campagne présidentielle, c’est le « bien vieillir » chez soi. L’idée que l’on portait de faire du maintien à domicile une priorité de santé publique fait aujourd’hui son chemin. Tout le monde dit qu’il faut réussir ce pari, avec des dispositifs qui vont permettre d’aider à maintenir les seniors dans leur logement. Nos propositions sont là encore vraiment d’actualité.
Électricien+ – Sur cette partie du « bien vieillir chez soi ou en Ehpad », en quoi consistent vos propositions ?
A.-S. P.-F. – 85 % des personnes souhaitent rester à leur domicile le plus longtemps possible. Allonger la durée de vie chez soi, c’est un enjeu parfaitement atteignable, qui suppose un dialogue entre les acteurs de la santé et les acteurs du bâtiment. Ce dialogue est essentiel pour réussir, et c’est d’ailleurs le thème de notre dernière prise de parole collective, en signifiant qu’il faut ce regard croisé d’expertise pour trouver les bonnes solutions. Un dispositif de type « Ma Prime Adapt’ » (avec la transformation du crédit d’impôt autonomie en prime, ndlr) serait tout à fait adapté pour pouvoir soutenir l’adaptation du logement des seniors.
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« Réussir à recruter et former est essentiel pour les installateurs afin d’être en capacité de répondre à la demande. »
Électricien+ – IGNES représente les fabricants. Mais on a beau avoir les meilleurs produits du monde, la difficulté n’est-elle pas de relayer l’information auprès des clients et de faire de la pédagogie sur les technologies du « mieux vivre » ?
A.-S. P.-F. – Il est effectivement essentiel que chaque maillon de la chaîne s’approprie ces technologies du « mieux vivre », jusqu’à l’utilisateur final, bien sûr. Et effectivement, la partie mise en œuvre est essentielle, car l’installateur est celui qui est à même de choisir la bonne solution pour un client donné et de l’accompagner dans sa prise en main. On invite d’ailleurs les électriciens à aller vers davantage de prestations de services pour assurer au fil du temps cet accompagnement et gérer au mieux l’évolution de l’installation aux besoins des utilisateurs.
Électricien+ – Certaines de vos propositions vous semblent-elles moins entendues par les politiques et l’État ?
A.-S. P.-F. – Les enjeux liés à la sécurité dans les bâtiments auraient mérité d’être davantage évoqués dans cette campagne. Nous pensons qu’il s’agit toujours d’un enjeu important, y compris à travers notre proposition 9 : sécuriser les infrastructures de la fibre optique jusqu’au logement. Et le point que l’on entend peut-être le moins, c’est la société numérique dans l’habitat, pour favoriser une bonne qualité de connexion internet.
Électricien+ – Vous considérez que la continuité des infrastructures n’est pas assurée dans les logements ?
A.-S. P.-F. – Dans la rue, aujourd’hui, on a la 4G ou la 5G, donc on a cette continuité. En entreprise, forcément, cela fait longtemps qu’on a des réseaux informatiques et que le sujet est plus ou moins traité. En revanche, dans le logement, même s’il y a un dispositif réglementaire qui impose l’installation de réseaux de communication et de prises RJ45 dans le neuf depuis une dizaine d’années, on voit bien qu’une grosse partie du parc n’est pas équipée, avec des usages qui, pourtant, se multiplient (télétravail, télé-enseignement…). Il y a un réel besoin de sensibilisation à l’infrastructure numérique du logement pour d’éviter une fracture numérique entre les logements neufs et existants.
Électricien+ – Sur ce point et bien d’autres, l’interopérabilité reste un enjeu important. Comment faire pour que le bâtiment communique presque que comme du plug and play informatique ?
A.-S. P.-F. – Il y a eu beaucoup d’initiatives, de collaborations, d’expériences, et aujourd’hui, on a une interopérabilité applicative. Par des API (interfaces de programmation, ndlr), on facilite énormément la communication entre les objets. Mais nous voulons quand même rappeler que l’ouverture sans contrôle, c’est un risque plus accru de cyberattaque !
Donc, oui, il y a des enjeux. Mais il y a énormément de collaboration entre groupes industriels, pour pouvoir interagir entre leurs applications et différents univers. Je pense que l’interopérabilité sera de moins en moins une question. Nos adhérents sont tous dans cet esprit. Je n’en vois plus qui défendent aujourd’hui un système propriétaire, sauf peut-être dans des cas de bâtiments particuliers, qui nécessitent des niveaux de sécurité supérieurs. Mais l’idée est plutôt de faciliter et d’enrichir ces écosystèmes.
Électricien+ – Un mot sur la partie éclairage de sécurité et évacuation des personnes. Y a-t-il des évolutions attendues ou prévisibles ?
A.-S. P.-F. – Côté éclairage de sécurité, la grande évolution qui se prépare, c’est la révision de la certification NF Environnement, dédiée à ces équipements. C’est dans les starting-blocks et on espère ces changements avant l’été. Ceci étant, le travail continue sur la fonction « visibilité + » qui se matérialise par le clignotement des luminaires de sécurité pour accentuer la visibilité des indications de balisage. Cette fonctionnalité est en cours de normalisation à l’échelle européenne pour en faire une bonne pratique, plus largement.
Enfin, il y a des réflexions pour faire évoluer les travaux exclusivement orientés autour de l’évacuation vers les enjeux liés à la mise à l’abri des personnes. L’éclairage de sécurité peut en effet jouer un rôle clé dans des scénarios autres que l’évacuation pour incendie (intrusion, attentat…).
Électricien+ – Cette logique s’intègre-t-elle dans le PPS, le plan de prévention et de secours ?
A.-S. P.-F. – Cela fait partie des sujets. Comment on peut utiliser l’éclairage de sécurité pour finalement indiquer par exemple par une croix rouge qu’il ne faut pas emprunter ce chemin. Ce qui peut d’ailleurs aussi être utile en cas d’incendie, car il y a des situations où l’évacuation n’est pas la solution ! Le message peut également être de se confiner, selon les risques. Donc, il est intéressant d’avoir une finesse, et des signaux qui permettent de distinguer, à l’échelle du bâtiment ou de l’établissement, des balises de chemin. Les réflexions tournent autour de ces sujets : on a un objet qui est connu et reconnu, déjà en place et visible partout. On peut donc sûrement utiliser le bloc d’éclairage de sécurité pour apporter des informations supplémentaires et s’adapter aux nouveaux risques et aux nouveaux enjeux.
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« Nous avons la chance de représenter un secteur qui apporte des réponses à de nombreux enjeux sociétaux et nos propositions se retrouvent bien dans les thèmes de la campagne présidentielle. »
Électricien+ – Pour vos adhérents, quels sont les enjeux du décret tertiaire et de la RE2020 ?
A.-S. P.-F. – Le décret tertiaire concerne plus les bâtiments dont la superficie est supérieure à 1 000 m². Néanmoins, pour satisfaire les objectifs de réduction de la consommation énergétique des bâtiments en général, y compris dans les logements neufs ou existants, l’idée qu’il faut des systèmes de pilotage fait aussi son chemin. Ce chemin existe dans le RE2020 puisque, sur la partie pilotage, il y a un certain nombre de dispositifs tout à fait valorisés dans les calculs du moteur thermique de la RE2020. Autre grande évolution de la RE2020 : la partie carbone. Chez IGNES, cela fait longtemps que nous sommes investis sur ces enjeux. Nous faisons partie des fondateurs de l’association PEP, qui définit les cadres pour faire des déclarations d’environnement des équipements. La base PEP est d’ailleurs très largement nourrie par les adhérents d’IGNES.
Électricien+ – Pour conclure, quel message souhaiteriez-vous faire passer aux installateurs ?
A.-S. P.-F. – Ils avaient déjà du travail, ils en auront encore plus demain, notamment avec l’arrivée des nouveaux usages électriques et numériques (IRVE, pilotage, réseau de communication, silver économie…) ! Les installateurs ont de belles opportunités de développement et les industriels sont prêts à les accompagner en les formant au mieux à leurs innovations. Nous avons la chance de représenter un secteur qui apporte des réponses à de nombreux enjeux sociétaux et nos propositions se sont bien retrouvées dans les thèmes de la campagne présidentielle. Notre secteur s’inscrit pleinement dans les enjeux énergétiques, numériques et démographiques liés à l’habitat, donc il n’y a pas de raison qu’on ne les mette pas en œuvre rapidement.
Propos recueillis par David Le Souder