À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, Pommery, qui connaît un essor considérable, impose son style et pare ses ensembles architecturaux de gris bleu et de rouge brique. Construit en 1902 au pied des coteaux, cet édifice est resté pendant près d’un siècle le témoin du savoir-faire des métiers viticoles et vinicoles, faisant de lui un lieu symbolique du patrimoine immatériel. Réhabilité, le bâtiment-musée propose un parcours permanent, avec des expériences immersives qui illustrent leur élaboration et en parallèle, des expositions temporaires, des ateliers thématiques, des séances de dégustation…
« À l’extérieur, nous avons créé une série d’événements lumineux qui résonnent entre eux, explique Aurore Assimon Amata, conceptrice lumière, chef de projet, Atelier H. Audibert. L’extension de la terrasse, sa façade opalescente ainsi que les ouvertures désormais obstruées pour les besoins de la scénographie, deviennent, la nuit, une lanterne et des écrans qui attirent le regard vers le musée. Ces éléments sont mis en œuvre techniquement au moyen de mailles pixels déployées derrière des panneaux diffusants et animées d’une programmation lumineuse. » Sur le toit du bâtiment repose l’extension, une « boîte » à l’enseigne de Pressoria, qui s’illumine à la nuit tombée. « Nous avons travaillé sur la double peau, précise Aurore Assimon Amata, dans laquelle nous avons disposé la maille lumineuse qui dessine des bulles de champagne remontant sur cette façade. » Des points lumineux encastrés dans le sol balisent le parvis et les terrasses éclairés en complément par de petits projecteurs installés sur le toit et des lignes lumineuses intégrées dans les marches.
Voyage sensoriel au cœur du champagne
« À l’intérieur, poursuit Aurore Assimon Amata, la mise en lumière des différentes séquences de l’exposition contribue à la création d’atmosphères spécifiques et immersives. Ponctuellement, la lumière anime et accompagne les espaces d’exposition sans interférer avec les équipements multimédias. Dans la vaste salle de l’accueil, le plafond, en relief, qui représente les territoires de la Champagne, est ponctué de points lumineux légèrement teintés qui permettent de repérer les différents coteaux et cépages de la région. » Dans la boutique, les objets en cristal Lalique sont éclairés par des dalles lumineuses posées au fond des vitrines et des spots positionnés autour.
Le parcours débute par une présentation de la Terre que l’Atelier H. Audibert a choisi de laisser dans une certaine pénombre. Les petits couloirs, qui relient les différentes salles d’exposition du centre Pressoria, bénéficient d’un éclairage discret réalisé à partir d’encastrés muraux disposés à 45 cm du sol. Dans la première salle d’exposition où le visiteur découvre l’histoire du bassin champenois, le massif bloc de calcaire est éclairé par un puits lumineux factice. Inspirés par les fameux essorts de Champagne qui permettent de ventiler les caves, les concepteurs lumière ont créé un éclairage qui émane des parois intérieures de cette cheminée et varie en intensité et en température de couleur en rythme avec la projection vidéo attenante, exprimant ainsi le temps qui passe. Les salles suivantes, où l’histoire du champagne est racontée par des vidéos, bénéficient d’un éclairage standard, complété par des cadreurs orientés spécifiquement sur les cartels.
Grâce à ce dispositif en immersion côté vignes, le restaurant propose une contre-plongée dans les vignes, quand, au-dessus, une immense terrasse en bois fait plonger le visiteur dans le paysage.” Philéas Architecture
Placée au centre de la salle dédiée au travail de la vigne, la grande table, créée par l’agence de scénographie Casson Mann, expose des cloches en Plexiglas qui présentent des feuilles de vigne ou des insectes ravageurs, et des panneaux de bois informatifs, mis en lumière par des cadreurs orientables. « Pour la grande photo de vignes qui se reflète dans les miroirs tout autour, ajoute Aurore Assimon Amata, nous avons utilisé un caisson lumineux en rétroéclairage. »
Dans la dernière salle du rez-de-chaussée, Casson Mann a disposé une multitude d’écrans, agencés tels des tableaux sur des chevalets. « Nous avons installé en plafond deux grands cadres rétroéclairés dans lesquels nous avons disposé du ruban led blanc en tunable white dont la programmation est synchronisée avec les images vidéo qui défilent sur les écrans. »
La fabrication du champagne mise en scène par la lumière
Au premier étage, la salle des pressoirs propose, là encore, de nombreux écrans. Les changements de couleur des rubans led RGB white y simulent les différentes intensités de pression nécessaire pour obtenir le jus de raisin souhaité. Dans l’espace suivant, où le scénographe a reconstitué des citernes en acier, des vidéos détaillent la fabrication du champagne et les différentes techniques de mise en bouteille. Casson Mann a créé un grand mur de fausses bouteilles colorées, éclairées de manière dynamique en fonction des choix que les visiteurs effectuent sur les écrans. Le dernier espace a été éclairé à l’aide de cadreurs qui mettent en lumière les flacons de parfums de cépages élaborés par un « nez ».
La visite se termine par la salle de dégustation, habillée de miroirs et de baies vitrées qui ouvrent sur la terrasse et les coteaux. « Ici, souligne Aurore Assimon Amata, nous avons dessiné des suspensions lumineuses sphériques de diamètres différents que nous avons fait réaliser par un souffleur de verre. Transparentes ou bullées, elles ponctuent l’espace à des hauteurs variables. »
En redescendant, le visiteur arrive dans un couloir noir de 30 m de long qui dessert l’accueil et le restaurant. « Expérience effervescente s’il en est, remarque la conceptrice lumière, sa traversée s’avère une plongée dans une des prestigieuses cuvées de Champagne. Plus de 150 points lumineux semblent pétiller. Encastrés dans les parois miroirs latérales, ils s’illuminent dans un mouvement très lent ascendant, semblable aux bulles d’une flûte de champagne. »
Enfin, le restaurant accueille les visiteurs dans une vaste salle baignée de lumière naturelle, s’ouvrant sur les coteaux de vignes. « Nous avons pris le parti de ne pas encombrer le volume de cet espace, nous avons positionné discrètement les luminaires linéaires qui disparaissent entre les lames de bois du plafond, ne laissant filtrer que la lumière chaude dorée telle la couleur du champagne. »
Isabelle Arnaud