Le datacenter, gros consommateur d’énergie, a vu ces dernières années ses consommations réduire drastiquement grâce à un double effet : l’amélioration technologique et la gestion des systèmes. Malgré cela, les centres de données sont à l’origine de 3 % des consommations électriques mondiales. Il existe encore des solutions pour aller plus loin et l’enjeu est aujourd’hui de s’intéresser non plus exclusivement aux consommations énergétiques, mais aux émissions de CO2. Marie Chabanon, directrice technique au sein du groupe Data4, revient sur les principaux enjeux du datacenter, les points clés pour concevoir des datacenters performants et aborde, en tant que participante du Women’s Forum 2021, le sujet de la féminisation des métiers du Cloud.
Quels sont les enjeux de performance énergétique des datacenters ?
Marie Chabanon – Je distingue deux enjeux majeurs. Le premier concerne la stratégie et la compétitivité, car l’énergie est le premier poste de dépense des opérateurs de datacenters. D’autant que l’énergie est un marché fluctuant, et très à la hausse en ce moment. Le second enjeu est sociétal, car la consommation énergétique des datacenters avoisine 3 % de la consommation mondiale d’électricité.
Quels sont les points clés pour la conception d’un datacenter performant ?
M. C. – L’amélioration de la performance énergétique d’un datacenter ne se joue pas uniquement en phase de conception, mais aussi en phase opérationnelle. Sur le design, la filière travaille sur la performance énergétique depuis 10 ans environ. Chez Data4, nous avons amélioré la performance énergétique de nos datacenters de 20 % sur cette période, avec des réductions de 20 à 25 % du PUE (Power usage effectiveness). Le design et les technologies sont aujourd’hui matures et les prochains gains viendront de technologies de rupture. La filière a abouti à une grande performance, principalement sur les technologies de refroidissement, mais également sur le confinement. Concernant les opérations, le pilotage des infrastructures est un levier important de performance. Seulement, la gestion des risques et la redondance sont contradictoires avec la performance énergétique. Chez Data4, nous avons élaboré une roadmap annuelle pour identifier les opportunités et les bons choix technologiques. Aujourd’hui, au-delà de la performance énergétique, l’empreinte environnementale sera progressivement mise en avant, avec les émissions de CO2 globales des datacenters. Data4 a lancé un programme en 2021 sur l’analyse de cycle de vie des datacenters (ACV), avec une étude, du berceau à la tombe. Les gros postes du datacenter sont les émissions de carbone, les consommations d’eau et d’air et la raréfaction des matériaux. Après le PUE, d’autres indicateurs font leur apparition, comme le WUE pour l’eau, ou le CUE pour le carbone. Ces indicateurs ne sont pas encore normés, mais cela arrivera très rapidement.
Pour finir, ce numéro de j3e, comme c’est le cas tous les deux ans, donne la parole aux expertes du bâtiment et de l’énergie. Quelle est votre vision sur la féminisation des métiers du Cloud ?
Marie Chabanon – J’ai assisté au Women’s Forum de Milan, tenu en marge du G20 au mois d’octobre. Le baromètre du G20, présenté pour l’occasion, faisait ressortir des chiffres intéressants : dans le Cloud, on compte en France 9 % de femmes, contre 17 % en Inde, qui est le pays le plus avancé. Dans l’ingénierie, la France compte 9 % de femmes, contre 23 % aux États-Unis. En revanche, la part des femmes chez les investisseurs atteint 13 % en France contre 12 % aux États-Unis. Nous sommes plus sensibles à ces sujets depuis 3 ans, mais nous sommes toujours très loin des objectifs. D’autant que les femmes représentent une main-d’œuvre importante, ce qui constitue un véritable enjeu de compétitivité. Pour vous donner un exemple, les entreprises les plus en avance sur ces sujets obtiennent en moyenne + 50 % de résultats que les autres. Je pense aujourd’hui que si nous ne passons pas par les quotas, la parité ne sera pas atteinte dans un siècle. Il faut inclure les femmes dans les instances de décisions et faire découvrir nos métiers aux lycéennes et aux étudiantes.
Propos recueillis par Alexandre Arène