Les illuminations de Noël, si elles ne sont pas très écologiquement correctes pour certains, représentent encore la magie de Noël pour beaucoup. La fabrication de ces motifs lumineux relève de savoir-faire traditionnels, même si la technologie d’éclairage a changé : trois fabricants ont bien voulu témoigner et nous expliquer, chacun à son échelle, comment ce métier est né dans l’entreprise familiale et s’est développé au fur et à mesure que les systèmes se modernisaient avec des consommations d’énergie maîtrisées.
On attribue à l’Américain Edward H. Johnson le premier arbre de Noël avec des illuminations électriques. Alors vice-président de l’Edison Electric Light Company, il a fait fabriquer des ampoules de sapin de Noël spécialement pour lui et a exposé son arbre de Noël – câblé à la main avec 80 ampoules électriques rouges, blanches et bleues de la taille d’une noix – le 22 décembre 1882, à New York. Depuis cette date, les sapins de Noël illuminés à l’électricité se sont développés avec un enthousiasme croissant aux États-Unis et un peu partout dans le monde. En 1895, le président américain Grover Cleveland a parrainé le premier arbre de Noël éclairé à l’électricité à la Maison-Blanche. Il comportait plus d’une centaine d’illuminations multicolores. Les premières lampes de sapins de Noël produites commercialement ont été fabriquées en chaînes de neuf douilles par l’Edison General Electric Company de Harrison, chaque douille accueillait une lampe miniature à filament de carbone de deux candelas.
La guirlande est restée longtemps la base des décorations de Noël, avec le cordon lumineux constitué d’un tube PVC contenant des LED. Il permet de réaliser presque tous les motifs : il s’appuie sur une structure la plupart du temps en aluminium, résistante à la corrosion. Les motifs d’illuminations ainsi réalisés sont classés en différentes catégories : les traversées, qui enjambent les rues, boulevards, avenues ; les candélabres (décors verticaux), qui peuvent être montés sur les façades et surtout sur les candélabres d’éclairage public ; les décors à poser, par exemple.
Dans tous les cas, les décors offrent différentes possibilités d’animation lumineuse : allumage/extinction, clignotement rapide ou encore véritable animation lumineuse qui peut comporter plusieurs séquences. Ces systèmes sont fournis avec des animateurs : boîtes de connexion électronique qui se placent au niveau du raccordement électrique et intègrent la programmation lumineuse qui peut éventuellement être modifiée selon les heures de la journée.
Les illuminations figuratives restent très populaires, et les sapins, traîneaux, bonhommes de neige remportent encore un franc succès.
Lumifête, trois générations de savoir-faire
C’est en 1959 que Michel Guyard crée son entreprise d’électrification de cloches et horlogerie monumentale, puis d’installation de réseaux d’éclairage public. En 1972, il gagne la médaille d’or au concours Lépine pour la création du profilé porte-lampe. À l’époque, les décors étaient thermoformés et utilisaient des lampes E14 de couleur, puis à la fin des années 1990, on est passé à des décors en fil lumière et des microlampes, puis à la LED. Jacques Guyard succède à son père en 1998 alors que Lumifête se consacre uniquement aux illuminations festives.
« Aujourd’hui, explique Jacques Guyard, nous faisons beaucoup de remplissage avec de la matière irisante pour que cela reste très décoratif de jour. Par exemple, on va faire une étoile en polycarbonate, on met un cordon lumineux autour et dessus, on colle un film irisant aux couleurs changeantes. Autre innovation, on utilise d’autres matériaux que l’aluminium ou le PVC, comme la canne de bambou qui pousse dans la région (le Berry). »
Chez Lumifête, tout le monde participe à la conception des décors, qui évoluent doucement car les collectivités sont très attachées aux motifs classiques, comme le traîneau, les rennes. Cependant, si les thèmes traditionnels de Noël ont encore le vent en poupe, les décors en 3D interactifs connaissent un vif succès : les enfants (et les grandes personnes) peuvent s’asseoir sur la lune, ou sur la patte du nounours… « L’innovation est parfois lente à être acceptée, le bambou par exemple, très écologique et développement durable, ajoute Jacques Guyard, est encore assez méconnu. En revanche, la LED a séduit assez vite, pour sa faible consommation, principalement : certaines communes devaient renoncer à illuminer parfois, pour des raisons d’économies d’énergie. La LED a permis de maintenir les décors lumineux, sans augmenter les dépenses, et comme elle dure longtemps, il n’est pas nécessaire de renouveler les installations tous les ans. » La plupart des communes achètent leurs décors (Lumifête pratique très peu la location) pour au moins 4 ou 5 ans, voire plus longtemps, le flux lumineux des LED offrant une grande stabilité dans le temps.
La LED a apporté, comme dans l’éclairage fonctionnel, sa petite révolution : elle a permis par exemple d’utiliser la couleur bleue qui était quasiment impossible avec l’incandescence ou le tout blanc. « De plus, avec la LED, il est plus facile de proposer des décors dynamiques et de produire des effets pétillants, éclatants, chute de neige, à changements de couleur », précise Jacques Guyard. Elle a conduit également à développer les grands décors à poser, comme des sapins lumineux (en tubes aluminium) démontables qui évitent d’aller couper un arbre tous les ans.
Aujourd’hui, Clément Guyard, trentenaire, le petit-fils du fondateur de Lumifête, s’apprête à reprendre l’entreprise. Il a déjà réorganisé le site Internet et s’attache à développer le sur-mesure qui fait partie de l’ADN de l’entreprise familiale. « Notre savoir-faire repose sur des métiers artisanaux comme la serrurerie, la chaudronnerie, le travail sur l’aluminium, que l’on doit relier à une communication envers les collectivités. C’est bien d’avoir beaucoup de références, mais on doit aussi être à l’écoute des communes afin de s’adapter à leur demande. »
Le défi de Clément : préparer l’avenir en formant des jeunes prêts à prendre la relève lorsque les équipes actuelles passeront la main.
Blachère : de la sonorisation à l’illumination
Célèbre pour le fameux scintillement de la tour Eiffel, Blachère est encore plus connu pour ses illuminations, en particulier celles des Champs-Élysées que le groupe signe depuis plusieurs années. Jean-Paul Blachère fonde sa société en 1973, à Apt, au pied du Luberon, après avoir passé plusieurs années dans le secteur de la sonorisation. « Très vite, raconte Julie Taton, directrice de la marque, Jean-Paul Blachère lance les décors lumineux : il découpe des formes dans du bois, sa femme Mireille les peint, puis il les habille de cordons lumineux. » Aujourd’hui, son gendre Romain Allain Launa et son neveu Johan Hugues co-dirigent la société qui emploie 400 personnes dans le monde (26 filiales dont certaines comprennent un site de production) et 120 salariés à Apt.
Tous les décors sur mesure sont fabriqués en France – Blachère est labellisée EPV (Entreprise du patrimoine vivant) : ils sont tracés dans les ateliers d’Apt, puis passent entre les mains des ferronniers pour prendre leur forme définitive. Chaque année, 30 % du catalogue est renouvelé, soit une centaine de motifs environ. 6 000 pièces sur mesure sont produites chaque année, tandis que 30 000 décors sont issus du catalogue. « Il arrive toutefois qu’un de nos modèles sur mesure s’inscrive dans notre catalogue l’année suivante, explique Julie Taton ; comme cela est arrivé avec la Montgolfière que nous avions créée pour la Cinquième Avenue à New York et qui a été déclinée ensuite à Paris. » Blachère travaille avec une trentaine de créateurs dans le monde, mais a également son équipe de designers intégrée à l’entreprise. La LED a indéniablement permis de mieux travailler le fil lumière et d’améliorer le remplissage avec les lucioles, mais pour Julie Taton, la véritable avancée est le Bioprint, une matière écoresponsable issue d’une canne à sucre biosourcée sans OGM, qui est ensuite transformée en bioéthanol déshydraté dans un laboratoire français. Les granulés sont teints avec des colorants propres et cette matière est ensuite injectée dans les imprimantes 3D, afin de produire des structures recyclables, biodégradables et colorées. « Ce nouveau matériau nous permet de supprimer plus de 80 % d’aluminium sur nos décors 2D, souligne Julie Taton. En effet, le processus de fabrication Bioprint émet 10 fois moins de CO2 que celui de l’aluminium ».
Pour Johan Hugues, « travailler dans le respect de l’environnement est une évidence, et cela ne se limite pas à la réduction des consommations d’énergie, mais comprend les moyens de production mis en œuvre et les matériaux utilisés. Par exemple, nous récupérons des bouteilles plastiques triées de l’incolore au bleu, puis broyées en flocons pour être mises en forme pour l’extrusion. Les granulés issus de cette transformation sont ensuite injectés dans nos imprimantes 3D pour produire des décors d’un bleu uni. »
MK Illumination : créer l’émotion
Tout a commencé en 1996 dans un garage près d’Innsbruck, lorsque Klaus Mark a parcouru la région autrichienne du Tyrol avec une valise pleine de lumières de Noël, décorant les toits à pignon de la région et les sapins de Noël des halls d’hôtel locaux. Klaus, frustré par la mauvaise qualité des matériaux proposés, a saisi l’opportunité de développer un nouveau système de connexion, le QuickFix. Avec son frère Thomas et sa femme Marie, ils ont su tirer parti de la nouvelle technologie LED. L’entreprise possède désormais des bureaux locaux sur 6 continents et crée des expériences lumineuses non seulement pour les fêtes de Noël, mais aussi pour des événements tout au long de l’année.
Chez MK Illumination, on pense que « la lumière nous touche à un niveau émotionnel. Nos installations lumineuses dans les espaces publics sont conçues pour enchanter et, cette année, nous voulons exploiter cette conscience sensorielle accrue et créer une nouvelle ambiance qui contribue au bien-être des gens. Dans le passé, la décoration ne représentait peut-être rien de plus que des chaînes aléatoires de lumières clignotantes. Aujourd’hui, les espaces ont beaucoup à gagner en permettant aux spécialistes du design de créer des concepts de décoration ayant un sens ».
Toujours dans une démarche de développement durable, le fabricant a opté pour des matériaux organiques 100 % recyclables. Pour que la masse de bois se lie correctement, du polypropylène entièrement recyclable est ajouté. MK Illumination dispose d’une unité de production en Slovaquie, aux États-Unis, en Afrique du Sud, en Turquie et en Italie, ce qui fait que la production n’est jamais trop éloignée du lieu d’installation des illuminations. Les équipes de design – situées à Londres, Stockholm, Istanbul, New York, en Corée et à Innsbruck – travaillent en permanence sur le contraste entre le traditionnel et le moderne, le naturel et l’avant-garde, l’artisanat et la technologie.
« Nous affinons et complétons constamment notre approche esthétique grâce à notre suivi des tendances actuelles ainsi qu’à des collaborations inspirantes avec nos partenaires. Les idées deviennent réalité dans nos installations de production en Europe, en Asie, en Afrique du Sud et sur le continent américain », explique Véronique d’Almont, directrice de MK Illumination France. Certes, les fabricants l’ont tous affirmé : le design s’invente en interne ou via une collaboration avec des créateurs issus d’autres domaines. Mais quid des concepteurs lumière ?
Timothé Toury : la conception lumière et la magie de Noël
Timothé Toury n’en est pas à son premier essai en matière de décors lumineux : il conçoit des mises en lumière festives depuis trois ans pour la ville de Champigny-sur-Marne. Cette année, la thématique est « l’arbre enchanté » (voir photo page 55) que l’on retrouve dans toutes les illuminations que le concepteur lumière crée pour la ville. Sur la mairie, il a réalisé trois arbres à souhait à l’aide de projecteurs de gobos. Timothé Toury a également été mandaté par la Ville de Paris avec le groupe Citeos pour renouveler les illuminations de Noël des mairies des 11e et 15e arrondissements. L’enjeu : créer des illuminations différentes et innovantes. Sur la façade de la mairie du 11e, le concepteur lumière a imaginé des projections d’images fixes à l’aide de gobos, associées à des motifs en relief (cristaux en 3D d’ADS Design, et étoiles en 2D de Blachère). « Nous avons réalisé un mapping de la façade, nous permettant de créer un décor monumental et architectural complètement évolutif», explique Timothé Toury. Des projecteurs ont également été positionnés sur l’ensemble des corniches latérales, en haut et en bas et sur les balcons pour créer un éclairage dynamique en intensité et en couleur.
Associé avec l’agence Ponctuelle, Timothé Toury a également travaillé sur la mairie du 15e. Ensemble, ils ont créé une mise en lumière architecturale que les services techniques de la mairie peuvent faire évoluer pour des événements autres que Noël.
Dossier réalisé par Isabelle Arnaud