Il est désormais possible de mesurer les consommations d’éclairage, de bénéficier de relevés en temps réel, d’enregistrer les données, de comparer les périodes avant/après rénovation. Cette fonction de comptage, intégrée au protocole DALI 2, est encore méconnue, mais devrait intéresser plus d’un exploitant, particulièrement en cette période de forte augmentation du prix de l’électricité.
Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment Durable, dans son avant-propos au guide de l’ADEME Rénover l’éclairage des bâtiments tertiaires, soulignait que « dans le cadre d’un plan de progrès énergétique d’un espace, flécher la modernisation des installations d’éclairage s’avère une des opérations les plus rentables, à très court terme, et durablement ». En effet, l’enjeu reste important, comme le précise le chapitre « État des lieux » du même guide : « La consommation pour l’éclairage des bâtiments tertiaires à usage de bureaux représente environ 7 térawattheures (milliards de kilowattheures), soit 18 % de la consommation totale d’électricité de ces bâtiments. »
Dans les installations tertiaires, il n’est pas si courant de bénéficier de dispositifs qui permettent de connaître de façon exacte les consommations liées à l’éclairage. Pourtant, l’article 83 de l’arrêté du 13 juin 2008 (relatif à la performance énergétique des bâtiments existants de surface supérieure à
1 000 m², lorsqu’ils font l’objet de travaux de rénovation importants), stipule que « pour les bâtiments à usage autre que d’habitation, si la surface éclairée dépasse 1 000 m², un ou des dispositifs doivent permettre de suivre les consommations d’éclairage, sauf dans le cas où le réseau électrique n’est pas modifié et ne permet pas la mise en place du comptage ». Plus récemment, l’article 28 de l’arrêté du 4 août 2021 (relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine) indique que « les bâtiments ou parties de bâtiment à usage autre que d’habitation sont équipés de systèmes permettant de mesurer ou de calculer la consommation d’énergie, pour l’éclairage : par tranche de 500 m² de surface concernée ou par tableau électrique, ou par étage ».
Les spécifications de DALI 2
Au-delà de la réglementation qui ne concerne après tout que les grosses installations, la mesure énergétique représente un réel intérêt. Pour Ludovic Voltz, directeur commercial Tridonic France & Benelux, « la mesure énergétique, c’est évidemment de pouvoir effectuer un diagnostic [énergétique] en temps réel de l’installation d’éclairage. Les technologies avancent, les protocoles de communication évoluent : le driver effectue la mesure, il l’enregistre dans sa mémoire et restitue l’information. Tridonic propose des drivers LED avec l’appellation « lumDATA » qui sont conformes aux trois spécifications de données essentielles DALI 2 Partie 251, DALI 2 Partie 252 et DALI 2 Partie 253 de la norme D4i ».
Le protocole DALI 2 définit les commandes pour interroger le driver et les réponses que fournira le driver dans le cadre de ces interrogations. La partie 251 concerne les données liées aux luminaires, la partie 252 la mesure énergétique et la partie 253 est relative au diagnostic.
Les drivers lumDATA de Tridonic enregistrent et transmettent des données énergétiques (ce qui correspond à la partie 252) dans un format standardisé (puissance active, puissance apparente, énergie et charge) pour chaque luminaire d’une installation. Les propriétaires de bâtiments, les locataires et les responsables de sites sont désormais en mesure de surveiller et communiquer la consommation énergétique de l’ensemble de l’installation.
LumDATA fournit également un accès à des données de diagnostic (partie 253). Cela simplifie la gestion des interventions sur site, la lecture d’erreur des appareils défectueux (par exemple surtension ou surchauffe) et devrait permettre à long terme d’appliquer une maintenance préventive. « En plus de la puissance consommée, ajoute Ludovic Voltz, on peut obtenir tout un tas d’informations : la durée et la température de fonctionnement, le niveau de gradation actuelle, les paramétrages du driver au niveau du courant, la plage de fonctionnement de sortie, le nombre d’allumages du produit, etc. » Avant l’arrivée de DALI 2, on ne disposait que de mesures de valeurs de consigne et de vérification.
Connaître les consommations en temps réel… afin d’adapter l’installation
On voit bien tout l’intérêt de bénéficier de ces informations pour ajuster la consommation du bâtiment. « Prenons l’exemple d’une tour à La Défense, poursuit Ludovic Voltz, où l’on constate de grandes quantités d’énergie consommées. On va essayer de limiter ou d’effacer un pic de consommation en agissant sur l’ensemble des postes, et donc en modifiant les valeurs de consigne, ou le régime de fonctionnement du chauffage ou de la climatisation. Mais il est peut-être possible de gagner des kilowattheures ou des mégawattheures en réduisant de quelques pourcents l’éclairage. »
Répondre à la demande sur la partie énergétique et diagnostique s’inscrit dans une logique d’amélioration de l’éclairage et permet d’éviter que les défauts ne se reproduisent.
« Grâce à ces technologies, ajoute Ludovic Voltz, on peut imaginer que demain l’installateur pourra interroger un luminaire ou un driver à partir d’un smartphone pour connaître la consommation, le nombre d’heures de fonctionnement, le mode de pilotage de l’éclairage. Il transmettra ces données par mail ou via un serveur au fabricant qui pourra alors intervenir plus rapidement, voire envoyer directement des éléments pour résoudre le problème. »
Chez Signify, François Darsy, chef de marché Tertiaire et Industrie, explique que « si l’on veut faire du comptage de consommations d’éclairage en temps réel, il est indispensable d’extraire des informations et de les envoyer vers le Cloud. Il n’est pas possible d’intervenir sur place, comme pour procéder à une configuration avec un smartphone dans la pièce et chercher l’information. Il faut disposer d’une base de données et utiliser une passerelle via le réseau Zigbee qui va chercher les informations du bâtiment et les remonter dans le Cloud pour les mettre à la disposition de l’exploitant. Signify a développé plusieurs plateformes logicielles : dont Interact Pro advanced (informations de maintenance, de consommations et de pilotage) et Interact Enterprise. » La passerelle établit des connexions sans fil Zigbee sécurisées avec un maximum de 200 points lumineux. La connexion sans fil assure un échange bi-directionnel de données entre, d’une part, les luminaires, lampes, capteurs et interrupteurs Interact Ready, et d’autre part, le système et logiciel Interact Pro.
Osram, de son côté, a développé le contrôleur DALI PRO 2 IoT qui peut piloter jusqu’à 2 fois 64 drivers et accepte toutes les cellules de détection de luminosité, de présence et de mouvement. Comme il génère son propre réseau Wi-Fi, il a la possibilité d’envoyer des données en temps réel dans le Cloud sur les consommations d’énergie, y compris pour les luminaires qui sont assujettis à la lumière du jour, leur température, leur durée de fonctionnement.
Le schéma ci-dessous montre par exemple les consommations en kilowattheures sur une période d’un mois (l’exploitant peut choisir une période déterminée) ; la consommation totale peut être obtenue pour n’importe quelle date. Le graphique affiche également un comparatif de consommations à deux périodes différentes (notées « initial » et « current »).
« Il est même possible, explique Hervé Plackowski, ingénieur applications chez Osram, d’envoyer des alertes par mail si la température du driver devient trop importante, si le driver n’est plus connecté au réseau ou s’il y a une erreur sur le bus DALI. Si les économies ne sont pas au rendez-vous, c’est peut-être parce que les systèmes sont mal réglés, ou qu’il y a des paramètres à revoir parce que l’utilisation des locaux est différente, etc. Le fait de connaître les consommations permet d’adapter judicieusement et rapidement l’installation d’éclairage à la situation réelle d’utilisation. L’interopérabilité entre les cellules et les entrées fait tout l’intérêt de DALI 2 et on peut regretter qu’il ne soit pas davantage intégré dans les gestions techniques du bâtiment… »