Le BIM (Building Information Modeling) est de plus en plus utilisé lors de la conception-construction d’un bâtiment, mais durant la phase d’exploitation de ce bâtiment il sera très intéressant d’utiliser le BIM Exploitation. Ce BIM va permettre une exploitation et une maintenance de qualité.
Avec des bâtiments souvent étendus, complexes, en évolution, comportant de nombreux équipements électroniques ou mobiles, les établissements de santé doivent adopter le BIM dans sa version GEM (Gestion-Exploitation-Maintenance, ou BIM Exploitation) pour mieux répondre aux besoins de maintenance (GMAO), de planification, de suivi d’occupation ou programmation de travaux, mais aussi d’efficacité énergétique.
L’intérêt du BIM n’est plus à démontrer dans les projets de développement d’établissements de santé (hôpitaux, cliniques, Ehpad…) avec une gestion numérique de la conception, de la réalisation et du suivi du chantier de construction. Ce BIM va générer des informations qui sont partagées tout au long du cycle de vie du projet. Mais l’intérêt du BIM ne s’arrête pas à la fin des travaux et à la réception du bâtiment. La maquette numérique de conception/exécution va être progressivement adaptée à la GEM du ou des bâtiments pour répondre aux besoins de gestion des pannes, alarmes et interventions, au suivi d’occupation des locaux, au pilotage des travaux et modifications de réseaux, de maintenance des équipements ou encore au suivi et à la gestion des consommations d’énergie.
Une aide d’autant plus importante que la phase d’exploitation représente près de 80 % des coûts d’un bâtiment.
Un outil nécessaire à l’échelle de la complexité des établissements de santé
Comme le note Jacques Levy-Bencheton, Architecte associé et BIM Manager de l’agence Brunet Saunier Architecture, qui a conçu une centaine d’hôpitaux, « ces hôpitaux peuvent contenir en moyenne 3 000 locaux avec, pour chacun de ces locaux, une centaine de paramètres. Voilà donc environ 300 000 données à gérer durant les phases de programmation, conception, construction et exploitation. Au vu du nombre exponentiel de données produites et leur évolution durant toutes les phases du projet, la maîtrise des informations devient un enjeu majeur. La construction d’un système de gestion de données à l’échelle d’un complexe hospitalier représente alors, une réelle opportunité permettant une collaboration accrue et facilitée des intervenants tout en assurant la traçabilité, tant recherchée, des informations tout au long du cycle de vie des ouvrages ».
Une complexité que les Hospices civils de Lyon (HCL) ont rencontrée lors de la mise en place d’un BIM-GEM pour leurs différents établissements de la région lyonnaise. Cet établissement de santé (le 2e de France) comporte en effet 17 sites et 300 bâtiments pour une surface de 953 000 m2 et 33 000 installations techniques. Comme l’explique Laurent Truscello, responsable Produits et Innovations de Carl Berger-Levrault, « pour le tout nouveau bâtiment, nous sommes partis du BIM, mais pour les anciens la modélisation se fait à partir de plans 2D et de certains équipements modélisés pour récupérer une partie des informations en 2D. S’il n’y a pas de modélisation, nous avons des partenaires qui peuvent modéliser en 3D à partir de la 2D. Si cela n’est pas possible, on peut utiliser une modélisation Lidar (scan en 3D). Les HCL ont choisi de modéliser les équipements dès la construction ou la rénovation, ce qui permet de gagner du temps pour un bâtiment complexe ».
BIM Exploitation et GMAO : deux outils complémentaires pour améliorer la maintenance des bâtiments et équipements
La création du BIM-GEM va être simplifiée par l’utilisation du dossier BIM d’origine et du DOE (dossier des ouvrages exécutés) transmis au maître d’ouvrage en fin de travaux. L’extraction des données du projet peut alors servir à alimenter la GMAO (gestion de la maintenance assistée par ordinateur), mais aussi la GTB et GTC du bâtiment. L’outil de GMAO va permettre de rassembler l’ensemble des informations et des actions des intervenants de maintenance des équipements (ces appareils électroniques/informatiques sont très nombreux dans un établissement de santé) avec toutes les données à jour sur leur état, leur localisation et l’historique des pannes et interventions de maintenance.
Ce que confirme Laurent Truscello : « Les données vont faire gagner du temps et de l’efficacité aux acteurs avec une GMAO à jour. La dimension 3D pour les techniciens est importante car elle permet d’avoir une vision des réseaux pour comprendre où se situe l’intervention, par exemple en suivant une canalisation pour anticiper un problème. Pour les patrimoines importants et étendus, comme c’est souvent le cas des hôpitaux, le CIM (Construction/Civil Information Modeling) est aussi important pour savoir par exemple où passent les réseaux extérieurs et faire le lien entre ces réseaux et les réseaux intérieurs. »
BIM Exploitation : un carnet de santé et d’entretien des bâtiments et équipements
Il sera ainsi possible de réaliser un véritable carnet de santé du bâtiment et de ses équipements, y compris pour les inspections et conformités réglementaires ou la sécurité (communication, localisation et accessibilité des organes de protection et de sécurité). La planification des travaux sera aussi améliorée et la visualisation de l’emplacement de l’équipement avant de partir en intervention va permettre de gagner du temps. La géolocalisation des équipements mobiles (mobiliers, appareils de soins, équipements informatiques mobiles) ainsi que la visualisation des installations sensibles ou critiques sont aussi une des fonctionnalités du BIM-GEM. Une fonctionnalité qui s’est révélée particulièrement importante en période de surcharge des établissements de soins et avec l’arrivée de nouveaux équipements dans des secteurs comme la réanimation.
Ainsi, pour Jérôme Lhote, directeur commercial Grands Projets de Distech Controls, « le BIM-GEM ne s’arrête pas forcement à la structure du bâtiment et ses équipements techniques (GTB, SSI, contrôle d’accès…), mais il est possible de représenter (avec un LoD faible) les machines de type scanners, IRM, voire même des équipements mobiles, afin d’en avoir un inventaire, leur localisation, y associer de la documentation technique, date d’installation, date de révision… L’objectif est d’avoir un jumeau numérique de l’hôpital dans sa totalité, potentiellement. Un autre exemple spécifique à l’hôpital est la gestion des fluides, notamment dans les salles d’opération ».
Ce carnet d’entretien va permettre d’améliorer et de partager la connaissance patrimoniale à partir des données du BIM, documentation technique et réglementaire, date d’installation ou de fin de garantie, inventaire. Il permet également de visualiser des indicateurs sur l’occupation d’espace.
« Avec l’hypervision contextualisée via la 3D des données provenant de la GMAO, l’objectif est de réduire le temps de recherche de l’équipement en défaut. Couplé avec le carnet d’entretien et l’hypervision, il permet de visualiser rapidement les données en temps réel, la documentation technique, afin de réduire le temps d’intervention et donc les risques pour les résidents », explique Jérôme Lhote.
BIM Exploitation et gestion de l’énergie
Les consommations d’énergie des établissements de santé sont une charge élevée pour des bâtiments fonctionnant 24 h/24. L’optimisation des systèmes CVC est donc primordiale.
Le BIM Exploitation, support des solutions GTC et GMAO va permettre de suivre les températures, de piloter une régulation ou une maintenance prédictive. Cela peut également permettre de suivre des consommations et d’émettre des alertes lors de dépassements de seuils. Des données des différents points du site qui doivent être remontées le plus rapidement possible pour une intervention éventuelle des services de maintenance.
Une solution qui peut être apportée par Immersive by Wago, explique Quentin Orhan, chef de produit Automation de Wago France : « En s’appuyant sur la réalité augmentée, Immersive by Wago permet de visualiser les alertes remontées par n’importe quel équipement collectif, de naviguer dans chaque bâtiment pour localiser et pouvoir accéder au problème, de partager en temps réel l’information avec d’autres utilisateurs. Les services techniques ou les utilisateurs reçoivent ainsi une information pertinente. Alors que flexibilité et confort d’utilisation sont prépondérants, un contrôle de coûts d’exploitation et de maintenance reste un impératif. »
Du BIM-GEM et Jumeau Numérique au BOS
Le BIM-GEM va constituer le socle des données et des processus et le « Jumeau Numérique » ainsi constitué est le socle digital du bâtiment. L’étape suivante est le BOS (Building Operating System) qui va faire communiquer en temps réel la maquette numérique, la GMAO et la gestion technique du bâtiment (GTB). Le BOS est un système d’exploitation qui va mutualiser les flux d’informations pour connecter les actifs d’un bâtiment intelligent aux applications. Ce BOS va permettre l’amélioration de ce bâtiment grâce aux connaissances accumulées sur les usages des utilisateurs, du personnel, des patients ou des sociétés de services. Avec pour objectif de corriger les dysfonctionnements et de mieux adapter les différents locaux aux besoins.
Ce que confirme Jérôme Lhote : « Le BOS va permettre de mettre à disposition toutes les informations de tous les contrôleurs techniques (CVC, stores, éclairage, plomberie, énergies). Toutes ces données seront accessibles via une API exposées et structurées. Dans le cas d’une connexion avec l’API, le BOS va contextualiser ces données avec un référentiel venant du BIM. Ce modèle devient le modèle de base des données récupérées dans les différents éléments techniques. On retrouve ainsi des données dynamiques de ces équipements techniques grâce à ce référentiel qui va permettre avec la maquette 3D d’avoir ces informations contextualisées dans l’espace, par métier ou par niveau d’urgence. »
Le BOS va ainsi fonctionner comme une bibliothèque de services numériques indépendante des composants techniques permettant des mises à jour au fil du temps et évitant au bâtiment tout phénomène d’obsolescence. Cela va permettre à un technicien d’accéder en temps réel à la GMAO, à la GTB, aux fiches techniques des équipements et du bâtiment et de géolocaliser l’installation. Sur le site étendu d’un ensemble hospitalier, c’est un gain de temps et d’efficacité énorme.
Le BIM Exploitation pour des bâtiments anciens
De plus en plus de projets adoptent le BIM et vont ainsi faciliter la mise en place du BIM Exploitation, mais ce BIM-GEM peut se mettre en œuvre pendant la vie du bâtiment ou à l’occasion d’une rénovation. Il faut alors exploiter toutes les données existantes : plans en 2D, la GMAO si elle existe, les données de la GTB, les plans de sécurité… Cela peut ensuite être complété par un scan 3D des bâtiments pour vérifier l’exactitude des informations.
Jean-Paul Beaudet