Le musée mis en lumière par l’agence Wonderfulight est l’œuvre de l’architecte toulonnais Stanislas Gaudensi Allar, qui a opté pour un plan en U et un style néo-Renaissance, avec deux loggias, au rez-de-chaussée et au premier étage du corps principal. Dans ce bâtiment inauguré en 1888, les deux ailes latérales, plus massives et appelées « pavillons », s’ornent de chaînages d’angles, et s’ouvrent, sur leurs trois côtés, de larges fenêtres en plein cintre. Leurs avant-corps sont coiffés d’un étage attique percé de petites fenêtres carrées autour desquelles sont disposés douze médaillons en céramique émaillée par Jules Paul Loebnitz.
Une invitation à la visite
Comme le bâtiment principal du musée se trouve en retrait au fond de la cour intérieure, Anne Bureau a souhaité signaler le musée en soulignant d’une lumière douce les façades des pavillons, côté rue, par des barrettes LED, disposées sur la grille d’entrée, tandis que des encastrés de sol illuminent les verticales des façades de la cour. « Le parvis, totalement réaménagé et agrémenté de bassins d’eau, explique la conceptrice lumière, est passé d’un dénivelé de 2,50 m à une pente douce constituée d’un cheminement en zigzag, accessible aux personnes à mobilité réduite, et de longues marches, et bénéficie d’un éclairage réalisé à l’aide de dômes semi-encastrés dans le sol. »
Les médaillons de l’aile Nord, sculptés par Émile Hugoulin, représentant des artistes et ceux de l’aile Sud, sculptés par Victorien Bastet, représentant des écrivains sont éclairés par des luminaires dissimulés sur les larges corniches. Dans un même souci de discrétion, les bustes sculptés des façades Ouest et Est sur cour sont éclairés par des projecteurs masqués par l’angle des pavillons. Des petits projecteurs soulignent d’une lumière un peu plus froide les colonnes situées au premier étage des trois façades.
Les entrées des loggias (galeries à l’air libre qui longent le musée) au premier étage sont marquées de quatre cariatides de pierre, sculptées par André Allar, frère de l’architecte : à l’ouest (côté musée), on reconnaît des allégories de « la Peinture et la Sculpture », et à l’est (côté bibliothèque), celles de « la Poésie et de l’Histoire ». « Cette partie était très délicate, confie Anne Bureau, car nous souhaitions mettre en valeur les sculptures sans risquer d’éblouir les personnes sortant des galeries. Nous avons alors eu l’idée de découper des gobos de la forme des cariatides, permettant ainsi de les mettre en valeur sans nuire au confort visuel des visiteurs. »
Révéler les détails architecturaux
La galerie d’accueil du rez-de-chaussée représentait un autre défi pour la conceptrice lumière de Wonderfulight, qui avait pris le parti de traiter de la même manière la galerie du premier étage, située, quant à elle, à l’air libre. « Nous avons choisi d’adapter le design d’un luminaire destiné à l’extérieur, car qui peut le plus, peut le moins, précise Anne Bureau. Les appareils, installés sur les chapiteaux des colonnes, offrent un éclairage direct ambiant et d’accentuation des colonnes et une lumière indirecte pour la mise en valeur des plafonds ; le module supérieur présente une photométrie elliptique qui permet d’éclairer la voûte, et en dessous, trois petits modules dirigés vers le bas : celui du centre, intensif, crée un éclairage rasant sur la colonne et les deux autres, semi-extensifs, fournissent l’éclairage général. »
Au bout de la galerie, on pose un instant le regard sur les statues d’Atlas recevant la lumière diffusée par des projecteurs installés au plafond du rez-de-chaussée, puis on poursuit vers le premier étage en empruntant l’escalier monumental. Arrivé au demi-palier, le visiteur découvre les fenêtres qui donnent sur la galerie extérieure d’un côté, et sur une fresque murale de l’autre. Des appareils, fixés dans les puits de jour du premier étage, projettent un effet « wallwasher » sur la fresque, tandis que d’autres, dotés de faisceaux plus ou moins intensifs selon leur distance par rapport aux marches, éclairent l’escalier.
Le parcours muséographique
Le rez-de-chaussée comprend trois salles d’exposition. La salle d’expositions temporaires, de 5,60 m de hauteur, occupe l’aile Ouest, offrant une indispensable connexion avec les espaces de conservation et le monte-charge. Elle est conçue de manière à accepter les expositions les plus exigeantes et les plus variées, et a été dotée notamment de très grandes cimaises amovibles. Anne Bureau a utilisé les petites poutres métalliques de la salle pour installer des rails porteurs de projecteurs à focales variables, de cadreurs, de « wallwashers », chacun doté d’un potentiomètre réglable individuellement.
« Nous avons choisi d’équiper les autres salles d’exposition permanente avec le même type de luminaires afin de simplifier la maintenance des équipements, poursuit la conceptrice lumière. Dans les musées de cette taille, il est préférable de ne pas multiplier la typologie des appareils : cela facilite le travail des techniciens qui doivent ajuster l’éclairage à chaque changement de collections, et rend la gestion du matériel efficace, tout en permettant de conserver les paramètres d’éclairage plus longtemps. » Des adaptations ont cependant été indispensables : par exemple, dans la salle de « l’Orient », la partie beaucoup plus basse située sous le cabinet d’arts graphiques aménagé en mezzanine est éclairée par des projecteurs et des cadreurs plus petits et moins puissants que le reste de l’espace ; les vitrines sont mises en lumière par des spots fixés à l’intérieur de celles-ci. Pour l’éclairage général de cette salle ainsi que celle du « Paysage » (de Marseille à Toulon, entre 1850 et 1880), Anne Bureau s’est servi des caissons au plafond qui renferment les dispositifs de ventilation pour y installer les rails avec les différents appareils d’éclairage.
Au premier étage, les deux salles d’exposition d’art contemporain, de 6 m de hauteur, bénéficient de puits de jour sur toute leur longueur. « Nous avons effectué une étude d’éclairement de la lumière naturelle, explique Anne Bureau, en tenant compte des rideaux diffusant et occultant : le premier filtre les rayons directs et le deuxième ferme complètement les puits de jour (en été) ; pour l’éclairage artificiel, nous avons conservé le principe de lumière zénithale et avons positionné des réglettes à LED dans les petites corniches à la base des ouvertures afin d’éclairer l’intérieur des puits de jour. »
La bibliothèque : un joyau du design
Les puits de lumière naturelle, les coursives, les parquets d’origine ont été conservés et complètement restaurés. La grande innovation de cette salle réside dans son nouvel éclairage, conçu par Anne Bureau, qui a transformé l’espace d’un coup de lumière magique.
Pour éclairer les rayonnages de livres qui courent sur trois niveaux (niveau plancher, plus les deux coursives), Anne Bureau a fait appel à des réglettes LED (en DALI), installées dans les plafonds des coursives et dissimulées délicatement à la vue directe (on ne peut malheureusement pas en dire autant des bouches d’aération disgracieuses qui font irruption dans le plafond de la coursive supérieure). Comment rivaliser avec la lumière du jour ambiante sans nuire à l’architecture et tout en apportant les niveaux d’éclairage suffisants ? Anne Bureau a dessiné un lustre spécifique dont la sobriété apparente cache un design complexe : « M’inspirant de mises en lumière d’autres bibliothèques historiques, j’ai choisi un verre opale vert émeraude pour le diffuseur. À l’intérieur, j’ai intégré deux dispositifs qui créent deux effets lumineux : d’une part, un disque comprenant un ruban lumineux qui vient éclairer le dôme situé à l’intérieur des suspensions au-dessus des cabinets de curiosités du premier niveau (partie droite de la photo) ; d’autre part, des petits projecteurs orientés vers les tables de consultation du niveau inférieur. »
Un joyau de lumière dans le respect de l’architecture du lieu et du bien-être du visiteur…