Il semble que le développement de l’éclairage extérieur public en France repose sur deux notions qui s’opposent, en apparence seulement, depuis des lustres, et qui pourtant se complètent parfaitement, lorsqu’on y regarde de plus près : la performance énergétique et la rénovation. Tous les outils existent la LED, efficace, qui dure longtemps, consomme peu, offre tout un tas de possibilités de commandes à distance, de variations d’intensité et de couleurs ; les drivers, détecteurs, capteurs qui s’associent pour piloter l’éclairage et le rendre aussi dynamique qu’économique. En parallèle, les expériences se multiplient pour offrir des lumières vertueuses et durables, des projets réalisés en concertation avec les riverains, des trames noires qui invitent à la promenade nocturne, où efficacité énergétique et poésie se mêlent sans nuire à la nuit.
Dossier réalisé par Isabelle Arnaud et Roger Narboni, Concepto
MODERNISER POUR ÉCONOMISER
Teddy Tisba pilote le marché de performance énergétique de l’éclairage public et de la SLT (signalisation lumineuse tricolore) de la Ville de Paris. Il s’assure entre autres que les équipes du prestataire réalisent bien la maintenance, l’entretien, les travaux de gestion patrimoniale et de sobriété énergétique en matière d’éclairage public et d’illuminations, et que les objectifs fixés dans le contrat, notamment en termes de gains énergétiques, soient atteints.
Paris est-elle vraiment encore Ville Lumière ?
Teddy Tisba – Pour répondre à cette question, il faut distinguer l’éclairage public des illuminations. Paris compte 188 000 points lumineux, ce qui représente un volume singulier et 330 sites d’illumination, une richesse considérable. Donc Paris Ville Lumière ? Oui, mais elle n’est plus la seule, car beaucoup de villes valorisent mieux leur patrimoine aujourd’hui. Si la quantité de points lumineux n’a désormais plus vocation à augmenter, nous nous attachons en revanche à éclairer mieux en travaillant sur des axes de progression. Nous disposions jusqu’à maintenant de crédits relativement limités pour la résorption de la vétusté du parc, alors que nous étions assez ambitieux sur les gains énergétiques. Nous allons opérer un important rattrapage de gestion patrimoniale sur le prochain marché, dont l’enveloppe correspondante va augmenter significativement (multipliée par 8 pour la partie « éclairage public »), ce qui nous permettra de rénover en profondeur le parc, qu’il s’agisse des supports, des postes d’alimentation, des câbles ; et d’installer davantage de télégestion. Pour remédier aux quelques poches encore assez mal éclairées, nous allons mettre en place des programmations ambitieuses de rénovation, avec à la clé une amélioration visible rapidement. Ces transformations nous permettront de déployer des solutions à LED, qui ne représentent à date que 40 % du parc installé. Cette stratégie concerne aussi les illuminations : par exemple, la rénovation en LED de la mise en lumière du pont de l’Archevêché, réalisée en 2020, a divisé la consommation du site par 10. De plus, la nouvelle installation est plus respectueuse du patrimoine architectural, car dotée de luminaires miniaturisés. Enfin, nous avons supprimé le flux de lumière perdu vers le ciel, grâce à des solutions plus modulaires et respectueuses de l’environnement.
Vous voulez dire conformes à l’arrêté de décembre 2018 ?
Oui, mais sans pour autant limiter nos exigences à cette obligation réglementaire. La sobriété se trouve au cœur de toutes les opérations de rénovation que nous entreprenons aujourd’hui, tant en termes de puissance installée que de photométrie des matériels, et en veillant à en limiter l’impact sur la biodiversité. Ces différents axes stratégiques peuvent parfois se révéler antagonistes. Ainsi, d’une part, nous devons réduire l’impact sur la biodiversité, par exemple en utilisant des températures de couleur plus chaudes dans les parcs et jardins, à 2 700 K, voire 2 400 K, et nous éteignons une heure après la fermeture du parc. Mais d’autre part, les décideurs publics réfléchissent à étendre les horaires d’ouverture des parcs, ce qui suppose également de prolonger la durée d’allumage de l’éclairage ! Le principal enjeu reste malgré tout le gain énergétique : l’objectif du prochain marché s’élève ainsi à 30 GWh d’économies annuelles à l’issue du contrat, à comparer à une consommation actuelle d’environ 90 GWh par an (soit un gain de consommation d’un tiers).
Comment comptez-vous atteindre cet objectif ?
Nous nous appuierons sur deux programmations triennales de travaux, en les superposant au maximum : l’une dédiée aux gains énergétiques (remplacement des anciennes sources par des LED) et l’autre à la modernisation du patrimoine qui, par ricochet, apportera aussi des économies. En effet, la rénovation des infrastructures ouvre la voie à l’installation de dispositifs de gradation ou de détection. On peut ainsi obtenir 20 % d’économies sur une installation donnée. Tel est le retour d’expérience que nous pouvons tirer des sites que nous avons équipés ces dernières années. Nous souhaitons déployer la technologie LED à plus grande échelle dans le cadre du nouveau marché. Quoiqu’il en soit, notre ligne directrice repose sur un principe fondamental : la rénovation des supports, des armoires et surtout des câbles reste la condition sine qua none pour répondre aux défis de l’éclairage public au cours des dix prochaines années, tant pour l’efficience énergétique que l’innovation.
Propos recueillis par Isabelle Arnaud
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Dentelle de lumière à Lorient, par Comatelec Schréder
Lorient, commune située dans le département du Morbihan, est connue pour son célèbre Festival interceltique. Dans le cadre du réaménagement du parc Jules-Ferry, les responsables du projet ont souhaité mettre en avant l’identité de la ville, créer un poumon vert et renforcer l’axe reliant la ville à la mer.
La rambla longeant le parc et son éclairage extérieur public ont profité de ce nouvel aménagement. Le concepteur lumière Lucas Goy, de l’agence Les Éclaireurs et sa cheffe de projet Cindy Gaillard ont choisi Comatelec Schréder pour réaliser le projet de masque. Lucas Goy est parti d’un des symboles forts de la Bretagne : la coiffe des Bigoudens. Avec sa forme cylindrique, cette coiffe provient d’un art traditionnel breton appelé « picot bigouden ». La dentelle est réalisée au crochet par les femmes bigoudens depuis les années 1900. Le masque a été réalisé en inox et reprend avec exactitude le motif en dentelle de la coiffe ainsi que sa forme cylindrique.
« Nous avons poussé le détail du masque jusqu’à sa couleur, explique Lucas Goy, laqué en blanc, le luminaire rend hommage à l’élégante coiffe blanche. » Le métal est découpé selon un motif dessiné par Les Éclaireurs pour évoquer la dentelle tout en laissant passer la lumière. « Nous cherchons la simplicité par un éclairage fonctionnel qui associe un motif décoratif. Les lanternes YOA, simplement habillées d’une fine résille, créent un véritable signe identitaire tout en éclairant le lieu », confie Lucas Goy.
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Espace convivial à Cannes, par Selux
La Ville avait la volonté de créer un espace convivial avec un éclairage extérieur public adapté pour les commerces et les restaurants environnants.
Comme à chaque fois, l’éclairage tient une place importante au sein du projet d’aménagement urbain. Il doit, pour en faire partie, parfaitement s’intégrer au projet global. Le choix du matériel, tant par son esthétique que par sa fonction est donc important.
Le souhait de la Ville était d’avoir une colonne lumineuse multifonctionnelle pour l’éclairage de la rue Félix-Faure, afin de pouvoir ajouter ultérieurement d’autres fonctionnalités, comme des caméras, des haut-parleurs, etc. C’est pourquoi le choix s’est porté sur la colonne Lif de Selux, composée de différents modules et complètement personnalisable.
Afin de créer un éclairage extérieur agréable et original, Agence Lumière qui était en charge de la conception lumière sur ce projet, a dessiné une écorce qui vient habiller la base de la colonne.
Les villes sont des lieux vivants et dynamiques qui sont toujours en mouvement. Les changements d’usages dans les espaces communs ou les concepts multifonctionnels transforment les espaces urbains et avec eux, les exigences en éclairage. En tant que luminaire modulaire, Lif offre une liberté totale pour la création d’éclairages spécifiques dans les espaces urbains et la mise en œuvre intelligente de ceux-ci. Très flexible, il s’adapte à la plus grande variété de tâches d’éclairage urbain. Le jour, Lif se fait discret dans le paysage urbain, mais c’est dans l’obscurité qu’il démontre sa véritable polyvalence. Selon la configuration, il peut se transformer en luminaire pour les places ou les voies d’accès, en éclairage d’accentuation ou tout cela à la fois, en restant une colonne lumineuse au design minimaliste.
Des outils d’éclairage tels que le module Pathway ou le projecteur Gobo élargissent et améliorent la portée des projets. Des composants intelligents comme les modules haut-parleurs, caméras ou éléments Wi-Fi font de cette colonne lumineuse un élément clé pour les villes intelligentes.
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Technilum équipe la place Thorel à Louviers
Louviers, commune de l’Eure, a complètement réaménagé la place Thorel en centre-ville pour la rendre aux piétons et aux cyclistes, et ouvrir une voie au Bus à Haut Niveau de Service qui y a désormais une station. Dans ce contexte, il fallait définir un nouvel éclairage urbain du parvis bordé par des commerces, le musée de la ville (conçu par l’architecte Georges-Paul Roussel et qui a ouvert ses portes en 1888) et l’Hôtel d’Agglomération Seine-Eure.
Pour Bernard Leroy, président de l’Agglomération Seine-Eure, il s’agissait de trouver un juste équilibre afin d’éloigner autant que possible les voies de circulation des façades de la place, tout en conservant un espace central de qualité. Les rives offrent des espaces confortables pour les piétons, devant les commerces et surtout devant le musée et l’Hôtel d’Agglomération.
« Le projet d’éclairage s’appuie sur la nouvelle configuration de la place qui a été repensée en plusieurs espaces de vie et de circulation, et a permis de mettre en valeur la façade du musée, explique Vincent Thiesson, concepteur lumière Agence ON. L’importante végétalisation de l’espace nous a conduits à ponctuer la place de “lucioles” qui viennent également rythmer la façade du musée. » Ainsi, des colonnes lumineuses ajourées Creille de Technilum sont déclinées en deux hauteurs différentes et agrémentées de lampes LED « lucioles » (Lulteam) mises en œuvre à l’intérieur des mâts et dont la lumière ambrée se diffuse à travers les motifs dessinés par l’agence ON.
Pour compléter cet éclairage, le concepteur lumière a disposé un projecteur au sommet des colonnes afin de créer un graphisme lumineux sur le parvis de la place. Cette transformation spectaculaire montre combien aménagements paysagers et conception lumière peuvent métamorphoser un lieu et lui donner une autre identité, de jour comme de nuit. « La mise en lumière dynamique de la façade du musée, ajoute Vincent Thiesson, a été réalisée à l’aide d’encastrés de sol et de réglettes dont la programmation permet de proposer différents scénarios pour accompagner les événements organisés par la ville. »
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Étang de Thau, par Nowatt Lighting
Le balisage solaire de la piste cyclable autour de l’étang de Thau, longeant la RD2 entre le pôle d’échanges multimodal (PEM) de la gare de Sète et Balaruc-le-Vieux, s’inscrit dans le cadre d’une mission de transport collectif en site propre (TCSP).
La première phase du projet – déjà livrée avec la création d’une trame verte – assure aujourd’hui aux amoureux de la mobilité douce un parcours sécurisé et agréable. 300 plots Crystal de Nowatt Lighting ponctuent désormais cette voie verte, depuis le canal du Rhône jusqu’au rond-point Minerais de la Méditerranée, situé à l’entrée de Balaruc-les-Bains.
« Nous souhaitions une réhabilitation hautement qualitative et le balisage solaire nous est apparu évident pour son esthétique et aussi pour la sécurité des personnes privilégiant les moyens de déplacement doux », déclare Jean Marchand, chef de projet Mobilité durable à Sète Agglopôle Méditerranée.
« Au choix du développement de la mobilité durable répondent – en miroir et grâce au balisage solaire – l’identification, la personnalisation et la sécurisation de la voie verte, la réduction de la pollution et des nuisances environnementales ainsi que la préservation de la biodiversité, très riche autour de l’étang de Thau », explique Aurélie Le Gougouec, conceptrice lumière chez Ilex Paysage + Urbanisme.
Cette voie verte, qui emprunte l’ancienne voie de chemin de fer déclassée, est soumise à une convention de mise à disposition par la SNCF et deviendra, à moyen ou long terme, un axe majeur que les usagers s’approprieront dans une pénombre assumée et une obscurité apaisée.
Les plots solaires Nowatt Lighting ne nécessitent aucun réseau ni aucune tranchée et assurent une installation à coût maîtrisé. La technologie LED garantit une efficience énergétique optimale et une pérennité sur 20 ans. Les cellules photovoltaïques intégrées sous le verre trempé réduisent considérablement les risques de dégradation. Tous les plots Crystal blanc chaud (3 000 K), sablés et sérigraphiés avec des empreintes de pas, répondent au « temps de l’homme » : en été, ils s’allument à 21 h 30 et s’éteignent à 2 h 30. Les plots Crystal aux tonalités ambrées, sablés et sérigraphiés avec des pattes de flamants roses, répondent au « temps de la faune » : ils s’animent à 3 h 30 et s’éteignent à 6 h 30. En hiver, les plots solaires de 3 000 K s’allument au coucher du soleil pour une durée de cinq heures, et les plots solaires de teinte ambrée s’allument trois heures avant le lever du soleil.
En termes de fréquentation de cette voie verte, des compteurs installés début 2021 permettront d’obtenir les premières évaluations dès le printemps. Les plots Crystal sont équidistants de 10 mètres et chaque plot « temps de l’homme » est mis en œuvre en alternance avec un plot « temps de la faune ». Ce maillage lumineux dynamique et écoresponsable ponctue le tracé en s’intégrant naturellement à son environnement.
« Nous observons que ces plots solaires, autonomes et bénéficiant d’une gestion simplifiée ne sont absolument pas vandalisés », note Guillaume Sauvage, chargé des opérations Infrastructures à Sète Agglopôle Méditerranée.
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À lire dans ce dossier Éclairage extérieur,
l’article Trames noires – Le temps de la maturité, par Roger Narboni
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PROMENADES NOCTURNES DANS QUELQUES AUTRES VILLES DE FRANCE…