Dans un contexte de crise sans précédent, Lionel Brunet, délégué général du Syndicat de l’éclairage, nous explique pourquoi la filière a proposé au gouvernement d’ajouter un volet « Rénovation de l’éclairage extérieur » au Plan France relance.
Dans le cadre du plan de relance, pour quelles raisons l’éclairage extérieur doit-il être adressé prioritairement ?
Lionel Brunet – Le plan de relance vise à accélérer la transition énergétique et numérique du pays, et la modernisation des installations d’éclairage intérieur et extérieur répond à ces deux objectifs. Or, le Syndicat de l’éclairage a constaté, avec le SERCE, la FNCCR et l’AFE, que l’éclairage public, qui représente parfois la moitié des consommations d’électricité d’une commune, n’y figure pas. La modernisation des systèmes d’éclairage est identifiée dans le document de France Relance de septembre 2020 comme une des rares « actions à gains rapides et à fort taux de retour ». Il s’agissait du bâtiment, mais en extérieur aussi, la rénovation de l’éclairage s’impose, et les gains et le temps de retour sont aussi rapides. Le dossier intégral envoyé aux ministères, avec la Charte LED associée, est libre d’accès sur notre site. Car vos lecteurs le savent, mais le public l’ignore souvent : l’éclairage LED s’est imposé comme une révolution silencieuse. Les fabricants français ont une mentalité de start-up. Leurs luminaires n’ont rien à voir avec les luminaires du parc installé, conçus pour les technologies à décharge. Ils conçoivent des systèmes qui permettent de réduire d’un facteur 5 les consommations et dont le maillage existant offre un réseau disponible pour une ville plus intelligente, c’est-à-dire davantage au service de ses habitants, avec des usages numériques utiles.
Quels sont l’état et l’impact de l’éclairage public en France ?
Lionel Brunet – L’enquête Énergie et Patrimoine communal 2017 reste, avec le rapport de la Cour des comptes 2021, le document le plus récent et le plus fiable. Intérieur ou extérieur, l’éclairage représente parfois le premier poste de dépenses d’électricité d’une collectivité. Ce n’est souvent pas en revanche la première voie d’amélioration considérée. Les compétences manquent souvent et les installations existantes sont renouvelées a minima, comme si l’éclairage était un mal nécessaire plus qu’une source de gains énergétiques et sociétaux. La Cour des comptes a relevé le fait que, faute d’investissement, sur le terrain, on est loin de profiter des progrès des nouvelles technologies ! Beaucoup d’installations restent vétustes, énergivores, polluantes, nuisibles. L’arrêté nuisances n’oblige pas à rénover, sauf certaines boules qu’il faut remplacer. Le reste peut attendre le bon vouloir du gestionnaire. Il est temps d’aider les maires à programmer des modernisations intelligentes. Ils sont attachés à leurs prérogatives, mais l’absence de moyens et de compétences internes pour la rénovation, la maintenance, le suivi des performances de l’éclairage public doit les amener à considérer l’intérêt général : ils doivent se tourner vers les structures intercommunales capables d’assumer la pérennité du service.
Que demande la filière pour le plan de relance ?
Lionel Brunet – Nous n’en sommes plus au stade des expérimentations. Les rénovations sont des investissements rentables démontrés, les factures baissent immédiatement : économiser 80 % de sa consommation électrique devrait faire réagir tout responsable du budget d’une collectivité. Les émissions de CO2 sont aussi réduites dans les mêmes proportions, et les nuisances maîtrisées si le projet d’éclairage est réalisé par un professionnel. Enfin, notre plan, c’est l’emploi. Le dossier que nous avons envoyé aux ministères concernés estime que ce programme peut entraîner la création ou la consolidation de 120 000 emplois, locaux et qualifiés, pour l’ensemble de la filière dans tous les territoires. Nous demandons donc à l’État, dans le cadre d’un nouveau plan, entre autres financé partiellement par l’Europe, d’inciter les collectivités à programmer, sur les dix prochaines années, des travaux de rénovation de l’éclairage public en amorçant les financements nécessaires via une bonification exceptionnelle, avec le soutien des structures intercommunales et les syndicats d’énergie, ces derniers disposant des connaissances techniques et de la capacité d’emprunt pour faire réaliser ces travaux. La Banque des territoires pourrait être aussi un acteur précieux grâce à des financements adaptés. Cette rénovation doit être mise en place avec sérieux, en respectant l’état de l’art, car les installations rénovées seront là pour vingt ou trente ans, et nos concitoyens méritent bien mieux que des chasseurs de primes CEE profitant de l’effet d’aubaine.
Que recommandez-vous ?
Lionel Brunet – Sur la base du chiffrage du dossier communiqué aux ministères, il est intéressant de retenir une estimation des gains annuels consécutifs au remplacement d’un luminaire. Il s’agit évidemment d’une moyenne, mais disons qu’un luminaire d’éclairage extérieur remplacé peut apporter, chaque année :
- 410 kWh d’économies d’énergie ;
- 26 kg d’émission de CO2 évités (sur la base de 64,2 g/kWh estimés par l’ADEME) ;
- 65 € d’économisés sur la facture d’électricité et 5 € sur la facture de maintenance. Soit 70 € par luminaire remplacé et par an d’économie globale. Sans compter l’intérêt, selon le cas, de mettre en œuvre des solutions d’éclairage solaire, où la France est leader mondial…
Ne pas rénover, c’est continuer à perdre du temps et de l’argent !
Propos recueillis par Alexandre Arène