En phase de conception, l’objectif est de commencer avec une finalité et des exigences claires pour le projet. Il est important de savoir où le projet va et ce à quoi le BIM va servir, pour pouvoir définir ses principales caractéristiques. Car passer d’un BIM Construction à un BIM Exploitation n’est pas automatique et nécessite une réflexion approfondie. De plus, la phase de passation est propice à la perte de données, comme l’explique Frank Weiss, Senior Director New Products, BIM & Innovation chez Oracle Construction and Engineering : « En passant de la conception à la construction, puis à l’exploitation, le risque de perte d’informations lors des phases de passation est grand. Il revient au client de : a) définir, b) vérifier et c) assurer le suivi de l’information dans un vrai CDE (Common Data Environment ou Environnement de données commun), comme Oracle Aconex. Le planning de passation se définit alors de manière réelle ou organique. Si un maître d’œuvre est présent, cependant, ce dernier assurera les phases a) et b). En France et en Allemagne, de nombreuses entreprises de taille moyenne interviennent sur des phases et opérations particulières. Dans ce cas, il est indispensable de nommer un responsable de projet. » Le rôle du BIM manager est de coordonner le projet et son évolution avec les différents intervenants, définir les protocoles d’échange et codifier le projet en déterminant la responsabilité des différents acteurs.
Le nerf de la guerre est d’assurer la continuité et la faisabilité de la continuité, comme l’explique Mehmet Yuksel, responsable Produit Caneco BIM et Caneco Implantation chez Alpi : « Aujourd’hui, le BIM souffre d’un manque d’application des réglementations. Chaque entreprise crée donc des structures de données différentes. Une norme ISO existe, mais elle est davantage adaptée aux architectes et aux bureaux d’études structures qu’aux électriciens. Il manque aujourd’hui un moteur international pour structurer les projets. »
Il s’agit là d’un des enjeux principaux du BIM : la continuité d’information entre les phases de conception, de construction et d’exploitation, mais aussi sur toute la durée de l’exploitation du bâtiment jusqu’à sa fin de vie et sa déconstruction. Un référent BIM, sous la forme d’un BIM manager par exemple, est garant de la continuité et de la mise à niveau des informations liées à l’installation. Cependant, « toutes les phases doivent être prévues au départ et les livrables doivent être intégrés au cahier des charges, précise Frank Weiss. Il faut bien déterminer en amont ce qui est important et ce qui est essentiel. »
BIM Exploitation et gestion du bâtiment
Le BIM Exploitation, s’il est bien mis en œuvre et recense toutes les informations de modélisation physique du bâtiment et de ses équipements, de fonctionnement des équipements et d’usages, est un formidable outil de gestion du bâtiment. En effet, la visualisation et l’échange d’informations de manière centralisée, directement sur une plateforme prévue à cet effet, permettent de réduire les temps d’intervention des équipes de maintenance ou d’entretien, comme nous l’explique Pascal Tigreat, responsable du département Automation chez Wago : « Si une chaise est cassée, il est possible d’épingler un message directement sur le jumeau numérique de la chaise et la maintenance sait où agir. »
Suivi du fonctionnement des équipements et consommation énergétique
L’un des enjeux centraux du BIM Exploitation est lié aux consommations énergétiques, qui dépendent du lieu d’implantation et des caractéristiques propres du bâtiment : « L’énergie représente la charge la plus coûteuse. Le BIM Exploitation permet également d’apporter de l’intelligence en mettant différents éléments en relation. En guise d’exemple, prenons les cinq sens, dont nous nous servons pour percevoir les choses. Transposé au bâtiment, il a besoin lui aussi d’avoir des sens pour rendre l’invisible visible. Il est essentiel de comprendre le fonctionnement du bâtiment pour pouvoir agir. Avec un jumeau numérique fonctionnel, il est également possible de faire des modèles et de prévoir des scénarios pour ajuster au mieux le fonctionnement du bâtiment à ses usages, explique Frank Weiss. Collecter la donnée permet de comprendre et d’apprendre. » Pour la maintenance et la consommation énergétique, il est possible de faire du prédictif ou d’agir grâce à des simulations.
Dans le cas d’un projet de rénovation ou de mise en place d’un BIM Exploitation pour un bâtiment existant, les informations de la maquette sont interfaçables avec les informations d’une GTB. « Nous pouvons mettre notre automate de visualisation énergétique en lien via une API avec la maquette, explique Pascal Tigreat. Concernant la partie technique et la gestion des équipements, si le client final n’est pas à même d’intervenir lui-même, une équipe de maintenance peut intervenir à distance en appelant les pages Web des équipements et en les localisant sur le plan. Il peut alors guider un salarié présent sur le site et pointer les différents éléments en précisant les actions à mener », poursuit l’expert.
De son côté, Alpi propose un ensemble de solutions complémentaires, qui viennent combiner l’intelligence de ses logiciels et l’échange d’informations et la collaboration des maquettes numériques : « La force de notre solution est de coupler la maquette sur Revit au moteur de calcul de notre solution Caneco BT. Caneco BIM permet de créer un véritable jumeau numérique du bâtiment, qui recense l’ensemble des systèmes électriques et leurs liens, en plus des aspects structurels du bâtiment », explique Yohann Riffard, directeur commercial France & BeLux chez Alpi.
Gestion multisite
Le BIM est également un moyen de suivre un parc immobilier, comme l’explique Pascal Tigreat : « Si un exploitant est responsable de plusieurs bâtiments, un jumeau numérique lui permet d’anticiper l’intervention en visualisant le site en réalité augmentée. Sur une GTB classique, la vue sur plan en 2D est plus difficile à visualiser, car il s’agit plus d’une représentation fonctionnelle que d’une vue réelle. »
De plus, dans le bâtiment, les bureaux et les cloisons bougent souvent. Ces éléments ne sont pas mis à jour sur une GTB en raison du coût trop important.
Simplifier et alléger le jumeau numérique pour le rendre accessible
La quantité de données produites par le bâtiment, sa modélisation et ses équipements est colossale. Le danger est de mettre au point des modèles trop lourds, autant du point de vue de la quantité de données que des usages. « Le danger est de collecter et de rassembler trop de données. Il est essentiel de choisir les données utiles et de les faire interagir entre elles. La digitalisation permet de simplifier la maintenance et les opérations », confirme Frank Weiss.
Plusieurs solutions permettent de simplifier l’architecture de
données des projets BIM, comme l’explique Mehmet Yuksel : « Le point de départ est de définir dans la charte une limite de taille par objet. Un objet simple ne dépasse pas les 500 ko quand un objet complexe importé d’autres plateformes peut atteindre plusieurs mégas. Ensuite, il faut bien intégrer que le travail en modèle central avec une seule maquette est trop lourd. D’autant que le traitement d’un giga de données peut occasionner jusqu’à 20 Go d’occupation de mémoire vive. Le troisième levier est la découpe du projet en sous-projets qui peut, par exemple, faire du lot électrique un projet à part entière. Il s’agit du mode de fonctionnement le plus répandu. D’autant que sur Revit, les fichiers temporaires constituent un vrai problème. Il faut passer du temps à configurer en amont et nous avons développé un outil pour supprimer ces fichiers. Enfin, le choix de l’organisation est important, selon que le client choisit une organisation “client léger” ou “client lourd”. »
Wago a fait le choix de sortir des sentiers battus et de se détacher des softwares les plus répandus. « Dans une maquette BIM, il peut y avoir des millions et des millions d’informations, dont une grande majorité est inutile en phase d’exploitation. Nous utilisons seulement ce qui est utile et nous simplifions le graphisme au maximum. Notre bâtiment fait 4 000 m² et son jumeau numérique fait 500 ko. Pour la maquette BIM d’un bâtiment de 2 000 m², son poids peut atteindre 1 To. Chez nous, un extincteur fait 36 points, soit environ 200 octets. Il atteindrait les 100 ko dans les logiciels BIM. Dans le cas de la fabrication d’une maquette pour faire du BIM en rénovation avec un scanner 3D, une pièce représente 100 Mo, contre 100 ko sur Immersive. »
Réduire la complexité et le besoin en formation
Les acteurs du bâtiment qui interviennent sur des projets réalisés en BIM doivent avoir les compétences en interne pour mener à bien ces projets, comme l’explique Pascal Tigreat : « Les logiciels BIM, comme Revit, nécessitent des semaines de formation et un socle de connaissances conséquent, tout comme les GTB. Notre solution Immersive a été développée comme un software de jeu, pour avoir le meilleur rendu graphique et le plus léger possible. Notre solution BIM simplifie l’accès aux données grâce à son ergonomie. L’utilisateur peut mener toutes les actions simplement en cliquant sur les éléments, en les déposant et en les déplaçant. Ces actions peuvent être menées par des employés peu qualifiés. »
Aujourd’hui, une entreprise qui gagne un projet doit se former rapidement au BIM, ce qui n’est pas vecteur de performance : « Le temps que les responsables d’entreprises laissent à leurs employés pour se former à la méthodologie BIM est primordial et cela impacte considérablement la performance des projets. Nous avons créé un premier niveau de formation intitulé : “Revit : Orienté projet électrique”. Ensuite, avec notre solution Caneco BIM, nous proposons une formation sur la méthodologie BIM créée en partenariat avec Schneider Electric, Autodesk et Alpi : “concevoir et gérer une installation électrique dans une démarche BIM”. Cela permet aux acteurs de se former sur la méthodologie et de comprendre comment traiter un projet électrique dans son ensemble. Enfin, nous proposons un troisième niveau, intitulé “‘Caneco BIM et processus BIMElec’”, qui entre dans le détail des logiciels », détaille Yohann Riffard.
Contrairement aux petites entreprises, les majors ont le temps de former leurs équipes et de créer des groupes de réflexion internes qui échangent sur les méthodes, les contenus et les bonnes pratiques.
Dans un processus BIM général, la difficulté d’échange entre les différentes plateformes crée de la complexité et empêche la continuité fluide de l’accès aux données : « Entre Archicad, Revit, Autocad et les différentes solutions propriétaires, il est nécessaire de travailler avec des fichiers d’échange au format IFC, ce qui augmente la complexité », explique Mehmet Yuksel.
Des bénéfices pour les clients finaux
De nombreuses solutions existent pour réaliser et suivre le jumeau numérique du bâtiment. Ce sont principalement les clients finaux qui trouvent leur intérêt dans ces solutions, car elles permettent de régler leurs problèmes plus rapidement dans la plupart des cas. « Les investisseurs sont bien moins intéressés. Beaucoup de clients ou prospects ont réalisé des maquettes BIM avec des solutions Revit, ce qui a souvent été très long et très cher. Chat échaudé craint l’eau froide », explique Pascal Tigreat.
Le BIM pour la ville
Le jumeau numérique n’est pas l’apanage des gestionnaires de bâtiments et offre un potentiel considérable pour les villes : « Nous avons modélisé une ville complète d’environ 46 000 habitants. La maquette gère les bâtiments municipaux, localise la police municipale, les espaces verts ou permet de réserver la salle des fêtes en ligne, par exemple. Il s’agit ensuite d’une question d’imagination », explique Pascal Tigreat.
Plus globalement, le jumeau numérique de la ville permet de comprendre le fonctionnement de ses différentes facettes : « À l’échelle d’une ville, un écosystème de jumeaux numériques peut permettre de gérer les transports et leur multimodalité. Une multimodalité englobant l’énergie et ses liens avec les transports, les télécoms pour faire remonter l’information, l’eau, les déchets, les bâtiments, l’infrastructure sociale et les interactions de ces différents aspects avec l’environnement pour faire émerger des solutions durables », précise Frank Weiss.
Jusqu’à la déconstruction du bâtiment
La méthodologie BIM permet de prévoir la déconstruction du bâtiment dès le départ du projet et fait du bâtiment un élément d’économie circulaire. « L’approche du berceau au berceau, qui découle des discussions sur la durabilité, devient de plus en plus populaire, relève Frank Weiss. Le BIM facilite cette approche, car il permet de connaître toutes les caractéristiques du bâtiment pour pouvoir le désassembler au mieux. »
Sans oublier la cybersécurité
Le BIM, comme processus de communication et d’échange d’informations hébergées, pose le problème de la sécurité informatique et du respect des données personnelles : « Le balisage et le suivi des personnes est très adapté aux entrepôts logistiques ou aux gares avec le suivi des équipes d’intervention. Dans le bâtiment, ce sujet pose problème au niveau de la RGPD. Chez Wago, nous avons réglé le problème en ne qualifiant plus les personnes, qui deviennent totalement anonymes. Il en va de même pour les bilans de consommations énergétiques, pour lesquels il faut flouter les informations pour éviter le flicage. »
Pour un déploiement à grande échelle du BIM, le besoin de connaissance des maîtres d’ouvrages est essentiel. Ils doivent être en mesure de comprendre le BIM et d’adopter de nouvelles méthodes de travail en faisant fi de ce qu’ils connaissent. Ils doivent aussi pouvoir se dégager du temps pour penser leurs projets en profondeur et se former. Enfin, pour mettre sur pied un BIM Exploitation performant, il faut un véritable BIM, qui référence toutes les composantes du bâtiment et de ses systèmes et fait le lien entre eux. Le sujet progresse moins vite que prévu, mais la dynamique est positive et la filière apprend au fil des retours d’expériences.
Alexandre Arène
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Les câbliers préparent le déploiement du BIM
Géraud Danzel d’Aumont, directeur des Ventes Europe de l’Ouest, Nexans
Les départements Nexans NCS et Nexans ANS ont développé la solution LANactive pour le déploiement du FTTO. Le concept FTTO (Fiber To The Office) est une solution de câblage reposant sur le média fibre optique, permettant une connexion en tout point du bâtiment, sans local technique dédié pour la régénération des signaux, comme c’est le cas dans les réseaux traditionnels. La liaison avec les produits terminaux (PC, imprimantes, téléphone, caméras, points d’accès Wi-Fi…) se fait en cuivre au travers de Micro-switch FTTO, équipés de 4 ports RJ45 en façade. Le format mosaic 45 x 45 offre une installation universelle (plinthe, colonne, cloison, saignée murale, nourrice…), qui permet de placer le Micro-switch FTTO à proximité des usages et utilisateurs.
Le développement de l’Internet des objets entraîne une multiplication du nombre de points à interconnecter pour laquelle le FTTO est particulièrement adapté. Pour les raccorder, les Micro-switch FTTO sont répartis sur l’ensemble du bâtiment. Afin de permettre de les identifier en tout lieu, Nexans a développé une procédure déclarative de repérage des Micro-switch FTTO. De nombreux critères peuvent être définis : lieu de positionnement, mais aussi l’ensemble des éléments de la liaison (numéro du port sur le tiroir optique, numéro du câble, de la boîte d’éclatement…). Il est ainsi possible de garantir une traçabilité de l’ensemble de la chaîne de liaison. Ces informations sont précieuses et pérennes, car contrairement aux réseaux traditionnels cuivre faisant l’objet de brassages réguliers et obligeant à une mise à jour permanente de la base de données, le structure fibre optique demeure statique, la flexibilité est garantie au travers du paramétrage software des Micro-switch FTTO.
En phase d’exploitation, il est possible d’avoir une vision tant réelle sur l’état de son réseau.
Les informations renseignées, sous forme de bases de données dans un tableur, regroupent l’ensemble des critères et sont intégrées automatiquement dans la plateforme d’administration NEXMAN, dès le démarrage du réseau. Les fonctions Zero Touch Configuration (ZTC) de NEXMAN Client-Controller permettent de préconfigurer les paramètres définis par le client final ou son prestataire (repérage, plage d’adresses IP, politique de cicatrisation, sécurité, etc.).
Les Micro-switch FTTO sont des produits actifs, intégrant les fonctionnalités de switching comme V-Lan, PoE, sécurité…, mais aussi des fonctionnalités de diagnostics avec remontées d’alertes. La solution est dynamique : si des seuils de criticité (budget optique) préalablement définis dans l’outil d’administration sont atteints, l’administrateur réseau est informé via la plateforme ou SMS. Les critères de repérage propres à chaque Micro-switch sont disponibles et permettent une intervention rapide et ciblée.
Si besoin, un diagnostic peut-être lancé à distance sur la liaison cuivre terminale pour valider ou comprendre un défaut de connectivité.
C’est un outil efficace pour connaître son réseau, son état en temps réel.
L’administrateur peut rapidement établir un diagnostic, connaître la chaîne de liaison impactée et par la même organiser une intervention rapide (réparation ou utilisation de fibre de réserve, si disponible, le temps de la réparation).