La commune de Decazeville (Aveyron) a lancé une opération de revitalisation de son centre-ville porté par un projet d’urbanisme sur la nouvelle percée qui relie la ville haute et la ville basse. Le projet d’éclairage de Quartiers Lumières accompagne cette ambition en offrant un nouvel environnement nocturne, parfaitement intégré au programme architectural et urbain de l’agence Dessein de Ville.
« Decazeville fait partie de ces communes qui ont bénéficié d’un AMI (appel à manifestation d’intérêt) centre-bourg », explique Louis Canizarès, urbaniste et architecte de l’agence Dessein de Ville. Centre minier important, la ville a traversé une crise économique et sociale, à la fermeture des exploitations en 2001, qui l’a conduite à lancer en 2016 un concours afin de revitaliser le cœur de ville. « Ce qui est très intéressant, précise Louis Canizarès, c’est qu’il nous a été demandé une réflexion très large, à l’échelle de la ville, au-delà des espaces qui allaient être aménagés, c’est-à-dire la rue Cayrade et la percée. »
La percée, réalisée sur un dénivelé de 15 m, offre une ouverture sur un paysage arboré qui a permis d’apporter de la lumière sur la rue Cayrade plutôt étroite et sombre.
Une percée tout en décor théâtral
« Le nouvel aménagement redonne la place aux piétons, aux cyclistes, et réintroduit de la nature là où elle avait disparu, répondant ainsi aux attentes des habitants, précise l’architecte. Le caractère très original du passage nous a conduits à imaginer un lieu de pause où les gens auraient plaisir à s’attarder. Ainsi, nous avons ponctué les paliers des escaliers de terrasses végétalisées. »
La tâche n’était pas facile, car à Decazeville se posait la question de l’ensoleillement ; en effet, au sud, les bâtiments projettent une ombre importante sur la percée. « Pour réaliser les aménagements, poursuit Louis Canizarès, il fallait nous éloigner le plus possible de cette ombre. Nous nous sommes donc positionnés contre le pignon nord orienté au sud et avons travaillé sur les volumes en créant des plantations, des jardins suspendus qui accompagnent la déambulation. » L’architecte a proposé d’intégrer un ascenseur vitré pour les personnes à mobilité réduite et d’animer la paroi tournée vers l’est. Il a sollicité le plasticien Sébastien Sébastien Mazauric et son Trojan Tactics Studio qui ont conçu une fresque, réalisée sur des plaques carrées en béton moulé aux teintes et reliefs différents. « Les travaux étaient à peine achevés, se souvient Louis Canizarès, qu’un soir, j’ai vu des voitures passer, puis s’arrêter et les occupants sortir pour venir voir de plus près la nouvelle mise en scène urbaine. »
Mais la revitalisation de l’espace ne s’arrête pas là, et le jeu de la lumière (prix ACEtylène 2020 de la conception lumière extérieure et paysager) qui s’entrelace avec le travail volumétrique trouve également son expression dans l’écriture nocturne du site par Lionel Bessières, Quartiers Lumières.
Un projet lumière pensé dès le concours
Une fois n’est pas coutume : ici, la lumière naturelle occupe un rôle prépondérant dans l’aménagement du paysage et la perception de la percée pendant la journée. Le défi était de taille : il fallait que l’image nocturne des espaces fasse écho à l’œuvre des architectes et à ce que les habitants voient de jour. Le concepteur lumière s’était déjà familiarisé avec Decazeville quelques années auparavant lors de la mise en lumière du chevalement minier. Engagé dans l’étude éclairage dès le concours, Lionel Bessières a travaillé sur les volumes de la percée : « Cette brèche dans le tissu urbain s’ouvre sur une vue magnifique de la vallée, en bas de la déclivité ; nous étions en quelque sorte liés par cette perspective. Et même si, la nuit, les arbres disparaissent dans l’ombre, il fallait restituer cette respiration dans le bâti et comprendre les volumes imaginés par les architectes. Pour cette raison, nous sommes allés assez loin dès le début du concours en termes de rendus graphiques, d’images 3D et avons effectué un gros travail de modélisation afin d’anticiper le plus possible les effets lumière et de vérifier les niveaux d’éclairement dans les escaliers. » Requalifiée, la rue Cayrade a elle aussi bénéficié d’un nouvel éclairage, fonctionnel et simple, qui guide le piéton vers cette percée.
Variations de couleurs douces
Le projet d’éclairage de Decazeville s’articule autour d’une lumière colorée et dynamique dans des variations très lentes et doucement perceptibles afin de ne pas dénaturer l’espace public. « La mise en lumière devait s’inscrire dans l’architecture, ce qui signifiait que nous ne pouvions pas utiliser de mâts, explique Lionel Bessières. Il fallait aussi respecter les exigences de sécurité : obtenir les niveaux d’éclairement requis, notamment aux deux entrées d’ascenseur, et veiller à ne pas éblouir les personnes qui regardent vers le haut lors de la montée ni celles qui regardent vers le bas lors de la descente. »
La mise en lumière évolue au cours de la soirée, avec des tons blancs durant la semaine et des lumières colorées le week-end ou lors d’événements particuliers. Des encastrés de sol, pilotés en DMX, éclairent les verticales et la fresque de Sébastien Mazauric, qui a pu jouer avec la lumière artificielle afin de générer des ombres sur son œuvre. « Aujourd’hui, ajoute Lionel Bessières, je n’utiliserais cependant pas cette typologie de luminaires qui illuminent les arbres, nous devons réapprendre à mieux respecter le ciel nocturne ! Les escaliers, quant à eux, sont éclairés à l’aide d’appareils miniatures, insérés dans les mains courantes et adaptés sur place lors des réglages. La lumière résiduelle se faufile entre les marches et vient, comme par magie, créer des effets inattendus sur le sol. Devant l’ascenseur, des images de gobos projetées au sol reprennent le même graphique que la fresque imprimée sur les parois béton et sur les façades aveugles environnantes. C’est grâce à la modélisation 3D que nous avons pu dimensionner la taille des projections des gobos au tout début du projet. »
Où que l’on se trouve dans le centre-bourg de Decazeville, les lumières accompagnent la déambulation sans jamais gêner la perception du geste architectural et apportent bien-être et sécurité, transformant la percée en un lieu à la fois spectaculaire et confortable.